Fichage ethnique : Citibank Gabon écope de 90 millions CFA d’amende | Gabonreview.com

 

La filiale gabonaise du géant bancaire américain Citigroup a été prise la main dans le sac. Accusée de pratiques discriminatoires et d’atteinte à la vie privée de ses employés, Citibank Gabon vient d’être lourdement sanctionnée par l’autorité gabonaise de protection des données personnelles. L’affaire soulève des questions sur le respect de l’éthique et des lois locales dans le monde bancaire. Déjà, aux USA, Citigroup a été condamné à une amende dépassant les 80 milliards de FCFA.

L’enquête de l’APDPVP a révélé l’existence au sein de Citibank Gabon d’un fichier contenant des données sensibles sur l’origine ethnique de certains employés. © GabonReview/Shutterstock

 

L’Autorité gabonaise pour la Protection des Données Personnelles et de la Vie Privée (APDPVP) a infligé une amende de 90 millions de francs CFA (environ 137 000 euros) à Citibank Gabon pour de graves manquements à la législation sur la protection des données personnelles. Parue dans le Journal officiel de la République gabonaise le 5 juillet 2024, cette décision, rendue le 25 avril 2024, fait suite à une plainte déposée par une ancienne cadre dirigeante de la banque.

Au cœur de l’affaire : un fichier ethnique et des pratiques intrusives

L’enquête de l’APDPVP a révélé l’existence au sein de Citibank Gabon d’un fichier contenant des données sensibles sur l’origine ethnique de certains employés. Ce fichier aurait servi de base à une investigation interne visant à établir d’éventuels liens familiaux entre ces employés et l’ancienne directrice générale, Mme Juliette Weisflog née Etomo Nguema.

La délibération n°073/APDPVP souligne que «le service d’investigation de Citibank Gabon S.A a procédé à l’identification des personnes à interroger en opérant tout rapprochement avec dame Juliette WEISFLOG, pour établir les liens de famille avec cette dernière». L’autorité qualifie ces pratiques de «détournement de finalité d’un traitement des données personnelles dites sensibles».

Les investigations menées par Citibank ont ciblé spécifiquement des employés appartenant à l’ethnie fang et originaires de la même province que Mme Weisflog. L’APDPVP condamne fermement cette approche, la jugeant discriminatoire et contraire à la loi gabonaise sur la protection des données personnelles.

L’autorité pointe également du doigt le code de conduite de Citibank Gabon, qui exige des employés une déclaration de leurs relations familiales et personnelles au sein de l’entreprise. Une pratique constituant, selon l’APDPVP, «une atteinte à la vie privée des employés» et une violation de la loi gabonaise.

Code de conduite illégal, sanction et mise en demeure

La délibération précise que «le Code de Conduite de Citibank Gabon S.A porte atteinte à la vie privée de ses employés, notamment à celle de dame Juliette Weisflog» et que «ledit code en exigeant une déclaration des liens familiaux et sentimentaux à l’embauche et pendant le parcours professionnel des employés, viole gravement les dispositions de la loi n°025/2023 du 12 juillet 2023, relative à la Protection des Données Personnelles et de la Vie Privée».

Outre l’amende de 90 millions de francs CFA, l’APDPVP a prononcé une mise en demeure de deux mois enjoignant Citibank Gabon à «rendre inapplicable en dehors de tout fondement légal, les consignes du Code de conduite relatives à l’emploi des membres de la famille et d’autres relations personnelles portant atteinte à la vie privée de ses employés».

Cette décision intervient dans un contexte difficile pour le groupe Citigroup, qui fait face à des sanctions aux États-Unis pour des manquements dans sa gestion des risques. Il se trouve, en effet, que Citigroup a été condamnée à une amende de 135,6 millions de dollars (plus de 80 milliards de FCFA) par les régulateurs américains pour non-respect d’un accord de 2020 portant sur l’amélioration du contrôle des risques. Dans le détail, la Réserve fédérale et le Bureau du contrôleur américain de la monnaie ont infligé des amendes respectives de 60,6 millions et 75 millions de dollars. Citigroup a été critiquée pour ses défaillances dans la gestion des risques et des données. La banque s’est engagée à améliorer ces domaines et à simplifier ses activités.

Ces affaires mettent en lumière les défis auxquels sont confrontées les multinationales pour concilier leurs politiques globales avec les réglementations locales en matière de protection des données et de la vie privée. L’affaire Citibank Gabon illustre la vigilance croissante des autorités africaines en matière de protection des données personnelles et rappelle aux entreprises l’importance de se conformer strictement aux législations locales, même lorsqu’elles appliquent des politiques groupe à l’échelle internationale.

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