Filatures, écoutes téléphoniques, mails piratés… À Monaco, les dessous sombres d’une succession à 3 milliards d’euros

Le dossier « Bourlakov » était une nouvelle fois appelé à la barre de la justice monégasque ce jeudi. L’audience du jour avait pour objet l’éventuelle désignation d’un administrateur provisoire (1) afin de veiller sur la fortune laissée par cet oligarque russe établi depuis 2006 en Principauté. Un colossal magot, estimé à plus de trois milliards d’euros.

Outre le duplex de 300m2 qu’il occupait au-dessus du Larvotto, Oleg Bourlakov était aussi le propriétaire du Black Pearl, l’un des plus beaux voiliers au monde dont les seuls frais d’entretien s’élèveraient à plus de 250.000 euros par mois. Bijoux, œuvres d’art et liquidités placées aux quatre coins du monde, le patrimoine de cet ancien colonel de l’Armée rouge reconverti dans les affaires, décédé du Covid en 2021, est l’objet d’une rocambolesque guerre de succession.

Guerre judiciaire

D’un côté, son épouse, qui avait demandé un divorce qui n’a pas eu le temps d’être prononcé, Lyudmila Bourlakova, et ses deux filles. De l’autre, Vera, la sœur de l’oligarque et son beau-frère, Nikolaï Kazakov, qui assure qu’il était aussi l’associé du milliardaire et revendique, à ce titre, la moitié de ses affaires. Au milieu, une jeune hôtesse de l’air lettone, Sofia, avec laquelle Oleg Bourlakov avait manifestement refait sa vie, comme en témoigne la naissance de la petite Nicole.

Les différentes parties de cette succession hors norme se livrent une guerre judiciaire sans merci. À Monaco, mais aussi à Londres, Moscou, Riga, au Panama ou encore à Miami. Des procédures ont été initiées dans une douzaine de pays à travers le globe. Y compris sur le plan pénal. Escroquerie, abus de confiance, association de malfaiteurs… Les accusations (et les inculpations) fusent en tous sens.

Dernière plainte en date, celle déposée tout récemment en Principauté par le camp Kazakov pour violation du secret des correspondances, faux et usage de faux. Car dans ce dossier tous les coups semblent permis.

Oleg Bourlakov était notamment le propriétaire du Black Pearl. Photo DR.

Détectives privés et sites compromettants

Des avocats azuréens se sont notamment rendu compte qu’ils avaient fait l’objet de filatures lors d’une réunion de travail mi-janvier, à Londres, avec leurs confrères britanniques. Des conversations avec leurs clients ont même été enregistrées. Le clan Bourlakova a notamment fait appel à des détectives privés pour retracer des mouvements de fonds « suspects » au travers d’une myriade de sociétés offshore. « Un cabinet d’intelligence économique réputé, martèle ses défenseurs, qui a pignon sur rue à Londres… » Fondé d’ailleurs par un Lord. Mais qui aurait versé aux débats, dans le cadre de la procédure anglaise, un rapport d’investigations en partie basé sur des documents bancaires « falsifiés ».

C’est en tout cas ce que dénonce le clan Kazakov. « Ce dossier est hors norme par le montant de la succession mais il l’est aussi et surtout au regard des moyens et méthodes utilisés, dénoncent d’une seule voix Mes Richard Mullot, Hervé Campana et Frédéric de Baets. En 30 ans d’exercice c’est la première fois que nous constatons dans le cadre d’un dossier l’intrusion dans la messagerie électronique de nos clients, le vol de tous leurs courriels, des filatures organisées lors de réunions de travail avec leurs avocats. » Des méthodes «  malhonnêtes et illégales » auxquelles ils souhaitent voir « mis un terme ».

Photo DR.

Conversations téléphoniques détournées

Mais dont ils ne seraient pas les seuls victimes. La partie adverse ne manque pas de griefs, elle aussi, et rappelle qu’à ce jour le seul à avoir été inculpé à Monaco pour « violation du secret des correspondances » fait partie du clan adverse. Celui-là même que la famille Bourlakova accuse d’avoir organisé à ses dépens « une gigantesque fraude » pour tenter de s’approprier la fortune de feu Oleg Bourlakov. Quitte pour cela à « lancer des campagnes de fausses nouvelles et des écoutes téléphoniques illégales », affirment-ils. Des conversations entre la veuve du milliardaire et son ancienne maîtresse se sont ainsi retrouvées un temps épinglées sur YouTube. Échanges qui, selon une source de ce dossier bien ténébreux, auraient été « coupés et remontés » pour leur donner un tout autre sens.

Manifestement, les milliards accumulés par Oleg Bourlakov servent avant tout aujourd’hui à financer de drôles d’officines.

1. Le tribunal rendra sa décision le 11 juillet prochain.

Crédit: Lien source

Les commentaires sont fermés.