Gaïus N’nah Ekouaghe « pourquoi le PDG ne doit pas être dissout ? »  | Gabonmediatime.com

Après plus de 55 ans de gouvernance continue, en dépit des crises endogènes et exogènes surmontées tant bien que mal, le Parti Démocratique Gabonais (PDG) s’est finalement fait arracher le pouvoir le 30 août 2023. Soit quelques minutes après que son « champion » a été déclaré vainqueur de la dernière élection présidentielle par le président « pédégiste » du Centre Gabonais des Élections (CGE). Pourtant, au lendemain du « coup de libération », le PDG demeure présent au gouvernement et dans les deux (2) chambres du parlement. D’aucuns se demandent alors ce qui justifie la présence massive de ceux qui ont fait la preuve de leur incompétence au sein de nos institutions ? Mieux, de nombreux Gabonais appellent à la disparition totale du PDG.

A l’ère de la restauration, il convient de s’interroger sur l’apport au nouveau Gabon de ce parti, vieux de 56 ans, qui s’est bien débrouillé pour que la « grande muette » en vienne à interrompre sa gouvernance sans préavis. Pourquoi dissoudre le PDG ? En quoi sa présence serait-elle utile aux Gabonais ? C’est autour de ce questionnement que nous articulerons notre analyse.

Il est vraisemblable que la gouvernance du pays par le Parti Démocratique Gabonais a laissé des cicatrices dans la mémoire collective au point que la population souhaite la mort de celui-ci.Plusieurs raisons soutiennent cela.

Tout d’abord, le Parti Démocratique Gabonais est l’ancien parti unique et le parti Etat depuis sa création. Il a tenu tous les leviers du pouvoir : la justice, les forces de défense et de sécurité, le parlement, les médias, l’administration publique, les entreprises parapubliques et privées. De nombreux Gabonais ont été victimes de menaces, de pertes d’emplois et même de situations plus graves. Certaines familles n’ont toujours pas reçu de nouvelles de leurs proches jusqu’à présent. C’est dans ce sens qu’une commission justice, vérité et réconciliation est réclamée par des familles, la société civile et certaines personnalités politiques. Les douleurs sont vives. Les émotions sont intenses. On a ainsi pu observer l’irruption à la cathédrale Sainte-Marie d’un collectif des victimes des événements de 2009 et 2016 qui souhaitait rencontrer M. l’Archevêque de Libreville, président du bureau de Dialogue National Inclusif. Lors de la cérémonie d’ouverture dudit dialogue, le Président de la Transition, chef de l’Etat, le Général de Brigade Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA a indiqué que cette commission sera mise en place le moment venu, car le temps d’une transition est trop étroit pour établir les responsabilités de chaque événement. 

Ensuite, il y a le bilan socio-économique. Le sol, le sous-sol et les eaux du Gabon sont abondants, mais la population n’a jamais réellement pu en bénéficier. Un pays très riche avec une population très pauvre. Les responsables de ce paradoxe sont ceux qui ont géré notre pays des années 60 à nos jours : le Parti Démocratique Gabonais. Les quatorze (14) dernières années ont sûrement été les pires. Ali BONGO ONDIMBA affirmait en 2009, pendant un meeting de campagne : « Je ne serais heureux que lorsque les Gabonais seront heureux ». En 2023, soit deux (2) septennats plus tard, la misère sociale et le désespoir sont visibles, la vie chère nous tient, le chômage grimpe et les emplois disponibles se précarisent, mais « Ya Ali » est heureux dans ses rencontres au milieu des camarades du Parti. Les retraités crient, pleurent et meurent sans pensions dans des hôpitaux malades, mais les pédégistes veulent une victoire « cash », un « coup KO ». Les 5000 logements par an promis en 2009 auraient pu nous épargner beaucoup de sinistres. S’agissant de l’éducation, le tableau est tout aussi sombre. Des effectifs pléthoriques dans les établissements publics (du primaire au supérieur), des chantiers à pas de tortues et des éléphants blancs tels que l’école des métiers du bois de Booué, les universités de Mouila, Oyem et Port-Gentil. Des projets que le Président de la Transition a décidé de réanimer pour qu’ils aillent à leurs termes. Dernièrement, l’on a pu voir le chef de l’Etat Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA et le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) procéder à l’inauguration d’un complexe scolaire (pré-primaire, primaire et secondaire) à Lalala, dans le cinquième arrondissement de Libreville, livré en moins de 8 (huit) mois de travaux. Questions : alors, c’est possible ? Quels matériaux indisponibles avant le 30 août ont-ils utilisés pour la réalisation de ce bel édifice ? Qu’est-ce qui a manqué pour que le gabonais soit heureux dans son pays ?

Enfin, abordons le mode de financement de ce parti politique. Selon la loi, chaque parti politique reconnu reçoit chaque année une subvention de l’Etat. Celle-ci varie en fonction du nombre d’élus (nationaux et locaux) de chaque parti. Cette subvention n’avait pas été versée depuis plusieurs années jusqu’en janvier 2023. Après le 30 août, plusieurs barons de l’ancien régime ont publiquement posé la question de savoir comment ce parti pourrait survivre sans les caisses de l’Etat. C’était un secret de polichinelle, mais c’est dit. Qu’est-ce qui a conduit un parti politique (fut-il le Parti au pouvoir) à utiliser l’argent public de manière aussi prolongée et sans modération alors que plusieurs organes publics n’avaient plus de budget de fonctionnement ? Est-ce que le PDG était une entité constitutionnelle ?

Bien que certaines raisons puissent être évoquées pour justifier la dissolution du Parti Démocratique Gabonais, l’État de droit que nous recherchons ne saurait s’accommoder d’une telle pratique.

Il est vrai que l’opportunité est trop belle pour faire ressentir aux pédégistes la moitié de ce qu’ils ont fait vivre à chacun. L’occasion est trop belle pour que les pédégistes vivent la dissolution de l’Union Nationale en 2011. Mais non ! N’allons pas vers cette voie.

D’abord et avant tout, le PDG est une structure politique légalement constituée et reconnue. De ce fait, il dispose d’un récépissé l’autorisant à mener des activités politiques. C’est un parti vieux de 56 ans qui a participé à toutes les échéances électorales et autres activités politiques de la nation. Ainsi, lorsqu’en janvier 2023, le ministère de l’Intérieur publia la liste des partis politiques légalement reconnus, l’ancien parti unique était présent au milieu d’une centaine d’autres formations politiques.

Puis, nous ne devons pas dissoudre le PDG en raison de la démocratie. Celle-ci est l’expression de la souveraineté du peuple à travers des élections libres, transparentes et équitables. Les partis politiques sont les principaux acteurs et animateurs de la démocratie. Le fait de dissoudre l’un d’entre eux sans raison légale nuit à l’équité et fragilise la démocratie. Parce qu’il s’agit du PDG aujourd’hui, ça réchauffe les cœurs d’envisager sa disparition. Mais plus tard, quel autre parti, organisation syndicale ou association suivra par la suite ? Ne créons pas de dangereux précédents pour le nouveau Gabon. La République, ce n’est pas ça !

Enfin, le Parti Démocratique Gabonais comme totem de malédiction. Ses membres ont géré toutes les ressources disponibles pour le développement d’un territoire de 267.667 km2 et l’épanouissement de moins de 2.000.000 d’habitants. Entre les ressources disponibles et les réalisations, le ratio se manifeste par le coup de libération du 30 août. Dans sa chanson intitulée Les 1000 peurs, Massassi dit : « Je parle bien sûr de ceux qui ont confisqué nos rêves pendant longtemps et qui demandent encore plus de temps ». Incapable d’apporter le bien-être sur le long terme, mais capable de semer la peur, la tristesse et le désespoir. Et ils voulaient encore rester là ! Non, pas de dissolution ou de suspension du PDG ! Qu’il soit le totem de malédiction, le symbole évident de tout ce qui n’a pas fonctionné, de ce que nous ne souhaitons plus revoir et revivre. PDG, symbole de gabegie, d’enrichissement personnel, dekounabelisme, de mensonge, de fraude, d’ostracisme. PDG, symbole de sous-développement développé, d’endettement sans réalisation, de paupérisation du peuple, déprécarisation des artistes et de soumission des journalistes. PDG, le totem de malédiction vers lequel nous devrons regarder à l’avenir, pour que plus jamais tout ça. 

Le PDG ne peut être dissout que si la justice est saisie concernant les détournements massifs d’argent public à son profit. Rappelons encore que certains pédégistes eux-mêmes l’ont confessé. Pour le reste, l’on ne peut dissoudre un parti politique aussi légèrement au prétexte de sa mauvaise gestion du pays. Nous ne saurons démarrer une ère véritablement démocratique en adoptant un exclusionnisme décomplexé. Le PDG ne semble pas être un parti séditieux, un mouvement armé ou même la branche politique d’une guérilla, d’après les apparences. Au Gabon, on compte une centaine de partis politiques. C’est bien sûr excessif ! Surtout au regard de la genèse douteuse de la plupart d’entre eux. Les commissaires du Dialogue National Inclusif s’y sont penchés. Ils suggèrent notamment la suspension de tous les partis politiques et la mise en place de nouvelles règles de création de ces derniers. Il y a même un cas particulier du Parti Démocratique Gabonais. Au dialogue politique d’Angondjé en 2017, il était suggéré de dissoudre les partis qui n’auraient pas d’élus après un cycle électoral (élection présidentielle, élections législatives, élections locales). Il nous faut juste appliquer enfin cette disposition pour permettre au suffrage universel de réguler le nombre de partis politiques. Plutôt que de se laisser tenter par des propositions ségrégationnistes, faisons plutôt confiance au Peuple souverain dans un environnement électoral libre, transparent et équitable.

Même si certains ont quitté cette formation politique pendant et après les Bongos, c’est le PDG en tant que système, logiciel de pensée et d’action que nous devons éradiquer, pas la coquille uniquement.

Non ! Tous les pédégistes actuels et anciens ne se valent pas, ils ne sont pas tous des individus malveillants. Ce sont tous des gabonais. Dans tous les cas, ils nous seront utiles pour la suite.Certains sont en conversion dans le sens du Nouveau Gabon. Quant aux autres, ils ne savent pas faire autre chose que ce qu’ils ont toujours fait.

Nous appelons à la vigilance devant ce virus qui ne cesse de muter. Chaque semaine, un nouveau variant du virus PDG fait sa sortie ; certaines nouvelles associations et autres plateformes politiques.

Alors, le PDG principalement, ses alliés, son opposition fabriquée de l’époque et ses nouveaux variants doivent être ce totem de malédiction vers lequel on doit regarder pour que plus jamais avant le 30 août.



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