Général Dominique Trinquand au Vif: «Les Russes bombardent Kharkiv pour deux raisons précises»

La ville de Kharkiv subit une pression russe de plus en plus intense, via des bombardements à distance. Pour le Général français Dominique Trinquand, la Russie entend de la sorte «éloigner la menace qui plane sur Belgorod». La lutte autour de Tchassiv Yar, également théâtre de combats acharnés, «s’inscrit dans la volonté russe de contrôler les oblasts de Donetsk et Louhansk.» Mais l’aide américaine pourrait changer la donne.

Une tour de télévision détruite, des bombardements de plus en plus fréquents, une population en fuite: la ville de Kharkiv devient-elle le nouveau souffre-douleur russe? Deuxième ville d’Ukraine, la région abritait 1,4 million d’habitants avant le début de la guerre en 2022. Située au nord-est, proche de la frontière russe, elle est désormais fréquemment visée par les forces de Moscou. A distance, via une répétition de bombardements, puisque la ville pointe à une quarantaine de kilomètres du front.

Ses infrastructures énergétiques ont notamment été ciblées, provoquant d’importantes coupures de courant fin mars. Le président Volodymyr Zelensky s’était rendu début avril sur des lignes défensives fraîchement creusées dans cette région. Il y a réclamé davantage de défenses anti-aériennes des alliés, sans quoi la ville pourrait crouler sous les attaques du ciel et devenir le lieu d’une nouvelle catastrophe humanitaire. Si le récent paquet d’aide américaine devrait renforcer les opérations défensives, la crainte d’un assaut russe sur la ville est encore bien présente dans les esprits ukrainiens.

«Protéger» les oblasts de Donetsk et Louhansk

En parallèle, la petite ville de Tchassiv Yar est l’autre gros point de tension actuel. La localité est en prise à une forte mobilisation russe sur le front est. Des milliers d’hommes s’y amassent et des combats acharnés ont actuellement lieu autour de la région, définie par beaucoup comme stratégique. Située non loin de Bakhmout, la ville est un nœud central qui, s’il est rompu, pourrait ouvrir la porte à la Russie vers d’autres cités telles que Sloviansk et Kramatorsk. Cette dernière est un important centre ferroviaire et logistique pour l’armée ukrainienne.

«Les Russes essaient actuellement de conquérir les oblasts de Donetsk et Louhansk», observe le Général français Dominique Trinquand, ancien chef de mission militaire française à l’ONU, également en poste à l’Otan et à l’UE. «De cette façon, poursuit-il, la Russie espère montrer que les territoires annexés en septembre 2022 sont effectivement sous contrôle. Elle cherche à continuer cette offensive pour ‘protéger’ ces oblasts le plus rapidement possible.»

Kharkiv: enjeu stratégique et symbolique

«La deuxième offensive se traduit par les destructions dans la région de Kharkiv, distingue le Général spécialiste des relations internationales. En agissant de la sorte, la Russie entend d’abord éloigner la menace ukrainienne sur Belgorod, qui se dessine à partir de la région de Kharkiv.»

A l’heure actuelle, l’armée russe se contente d’opérer des destructions à distance. «Ils sont encore loin d’être aux abords de la ville, tempère le Général. Ils ne peuvent pas donc lancer un assaut terrestre dans l’immédiat. En revanche, ils peuvent le préparer en accumulant les destructions par voie aérienne».

En bombardant Kharkiv, la Russie entend éloigner la menace ukrainienne sur Belgorod.

Général Dominique Trinquand

Outre l’envie de repousser la menace qui plane sur Belgorod, Kharkiv est un objectif stratégique et symbolique pour Moscou. «La ville est une ancienne capitale de l’Ukraine que les Russes n’ont jamais réussi à conquérir. Lors de l’offensive de 2022, ils étaient aux portes de la ville, sans parvenir à la prendre», rappelle le Général Dominique Trinquand, auteur de Ce qui nous attend: l’effet papillon des conflits internationaux.

Kharkiv: une offensive avant les ATACMS?

Pour le Général Trinquand, les Russes sont globalement tentés de réaliser «une offensive le plus vite possible». «Avant le 9 mai, date anniversaire de la victoire de la Grande Guerre patriotique. Histoire que Poutine puisse mettre quelque chose sur la table pour l’occasion. Et aussi, bien sûr, avant que l’équipement américain, sur le point d’être livré aux Ukrainiens, ne soit capable de les repousser», analyse-t-il.

Les Russes sont tentés de réaliser une offensive le plus vite possible: avant le 9 mai et l’arrivée du matériel américain.

Général Dominique Trinquand

Cette aide américaine, estimée à 61 milliards de dollars, «a pour vocation principale la défense de l’Ukraine. Les Ukrainiens ne sont pas en position de force pour monter des offensives dans le contexte actuel», estime le Général.

A moins que les missiles offensifs à longue portée ATACMS, réelle surprise dans le package de Biden, ne change réellement la donne. Avec, ici, la Crimée à portée de tir.

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