AboUn incroyable destin
Préretraite pour un médecin genevois devenu chef de tribu au Ghana
À 82 ans, le Dr Edward Kunz remet son cabinet de généraliste à Versoix. Lors d’un voyage au Ghana où il est né, il est devenu chef traditionnel dans le village de Ntsumuru.
Le Dr Edward Kunz, 82 ans, médecin généraliste et chef de tribu au Ghana.
LAURENT GUIRAUD/TAMEDIA
À 82 ans, le Dr Edward Kunz va remettre son cabinet de médecin généraliste FMH à Versoix. Pas facile cependant de trouver un repreneur: cette branche de premier recours n’attire plus. Également chef de tribu au Ghana, son pays d’origine, le praticien à l’incroyable destin va s’installer en Saône-et-Loire, une partie de la semaine.
Il porte bien son âge et il le sait. À raison de quatre-vingts heures d’activité par semaine, le travail a assurément bien entretenu sa santé! Et il n’est pas prêt d’y mettre un terme. Edward Kunz aurait évidemment pu partir à la retraite depuis longtemps, mais son stéthoscope, il ne le lâchera pas comme ça. Alors, il va continuer à courir entre la France, Genève et… le Ghana. Interview.
Dr Kunz, vous remettez enfin votre cabinet?
J’essaye, même si j’ai toujours dit que je travaillerais jusqu’à ma mort. J’ai confié la tâche à une entreprise spécialisée, mais il n’y a pas de repreneur. Vous connaissez l’âge moyen des généralistes? Soixante-trois ans, je crois.
Aujourd’hui, les jeunes praticiens souhaitent un mode de vie différent avec davantage de temps libre. Ils ne veulent plus travailler quatre-vingts heures par semaine, ce que je comprends. Quand j’étais enfant, le médecin du village où j’habitais, Colombier (NE), débutait tôt le matin et finissait souvent ses visites à domicile vers minuit. Il m’avait dit de ne jamais faire ça.
Et pourtant…
J’ai réduit mon horaire de travail à 65 ans. Je commence à 6 h jusqu’à 14 h. Ce qui me permet, parfois, d’aller jouer au golf.
D’origine zurichoise, vous êtes né au Ghana. Puis vous êtes rentré en Suisse et avez fait vos études à Genève et Paris. Racontez-nous…
Après mon diplôme fédéral de médecine, j’ai eu la chance de collaborer avec le neurobiologiste français Henri Laborit. C’est lui qui a initié la neuroleptanalgésie qui donnera plus tard l’anesthésie moderne.
Laborit a introduit le premier psychotrope de l’histoire de la médecine, la chlorpromazine, mieux connue sous le nom de Largactil. Entre autres substances inventées, il y a aussi le GHB comme médicament (ndlr: aujourd’hui surnommé la drogue du violeur). Le GHB a longtemps été prescrit comme agent inducteur intraveineux de l’anesthésie. Je suis resté deux ans à Paris pour épauler Laborit dans ses travaux. Je suis aujourd’hui l’héritier de la formule du GHB.
Qu’est-ce qui vous a conduit à Versoix?
Après Paris, j’espérais poursuivre dans la recherche. Cela n’a pas fonctionné. Je m’apprêtais à rejoindre un hôpital de Fleurier (NE) quand un médecin de Versoix – que je connaissais bien – m’a proposé de reprendre son cabinet. J’ai accepté fin 1976. Je travaillais à l’hôpital de Genève parallèlement et, le soir, j’allais visiter ses vieux patients.
Et maintenant?
Je vais vivre en Saône-et-Loire trois à quatre jours par semaine où j’ai acquis une longère (maison étroite de plain-pied). Dans la région, il y a trois ou quatre golfs pour mon plus grand plaisir. Le reste du temps, je reviendrai à Genève où je ferai, quand même, quelques remplacements de médecin.
Il reste aussi le Ghana où vous avez été intronisé chef de tribu?
Je n’y suis pas retourné depuis le Covid pour des raisons médicales. Je vais certainement y repartir sous peu.
«J’ai été kidnappé»

À 82 ans, le Dr Edward Kunz va remettre son cabinet de médecin généraliste FMH à Versoix.
LAURENT GUIRAUD/TAMEDIA
Né d’un père suisse et d’une mère ghanéenne, Edward Kunz a 4 ans lorsqu’il quitte le Ghana. Son père – employé de la compagnie française d’Afrique occidentale qui vend, notamment, du cacao – a décidé que l’éducation du petit devait se faire en Suisse, à Colombier (NE), où vivait son frère: «J’ai aimé cette famille, ma cousine est devenue «ma sœur», j’ai étudié la médecine, je me suis marié et j’ai deux filles magnifiques. Or ma vie n’est pas qu’une romance… Car disons-le, j’ai été kidnappé! J’en ai porté longtemps les séquelles!»
Enfant, il pratique de nombreux sports, dont le football et le ski. Sa mère, il doit se l’inventer: «Mon père, dont elle était séparée, ne lui avait jamais dit où je vivais. Elle m’a cherché des années et a fini par me retrouver.»
Mais dans son incroyable destin, Edward Kunz va finir par la revoir: il a 33 ans quand il monte dans l’avion pour Accra, capitale du Ghana. Il fait 34 degrés et un taux d’humidité de 90%. Sacré changement pour celui qui a plutôt connu les températures de La Brévine. Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, il est reçu comme un roi devant 300 personnes.
Lors d’un autre voyage, il sera intronisé chef traditionnel de la tribu Nkonya, dans le village de Ntsumuru. Edward Kunz s’appelle depuis Nana Kwabena Atu I.
Sa maman est morte depuis longtemps. Mais son nom reste présent, sur l’hôpital de Confort Afua Ofedie (ndlr: nom de famille maternel) Hospital que son fils a créé avec des mécènes. L’établissement est composé d’une polyclinique et d’une partie hospitalière. Tel un hommage à sa maman, seules les femmes peuvent y être hospitalisées.
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