Gérard Cotellon livre sa vérité sur la crise Covid en Guadeloupe

Pendant la crise Covid, Gérard Cotellon était en première ligne, à la tête du CHU de Guadeloupe. Cinq ans après la pandémie, l’actuel directeur de l’ARS à la Réunion, livre sa vérité sur la gestion hospitalière, l’hécatombe qui a suivi l’arrivée du vaccin, et la violence sociale qui a explosé autour de la vaccination obligatoire.

Quand Gérard Cotellon prend les rênes du CHU de Guadeloupe en 2018, il hérite d’un établissement en grande difficulté. L’incendie de novembre 2017 a laissé des séquelles profondes. “Le CHU était structurellement malade. Il ne remplissait déjà pas correctement sa mission à cause de problèmes chroniques” raconte-t-il.

Dès l’apparition des premiers cas en France en 2020, il comprend alors l’impact catastrophique que pourrait avoir la propagation du Covid en Guadeloupe où les comorbidités comme le diabète, l’obésité, l’hypertension sont très répandues. « Nous n’avions ni les capacités de réanimation suffisantes, ni le matériel nécessaire« , explique-t-il.

Face à la menace, la direction de l’hôpital anticipe différents scénarios et s’organise doucement. Les stocks de masques sont mis sous clé pour éviter les vols, et un plan d’agrandissement de la réanimation est lancé. « La première décision que j’ai prise, c’était de transformer le self en service de réanimation », affirme-t-il.
Huit lits supplémentaires sont ainsi ajoutés aux 20 lits existants. Le premier confinement est une respiration, mais la suite sera bien plus compliquée.

Fin 2020, la tension hospitalière se fait ressentir la troisième vague du Covid déferle avec une arrivée massive de patients en détresse respiratoire, les lits supplémentaires ouverts en réanimation ne suffisent plus.

En janvier 2021, le vaccin contre la Covid-19 arrive en Guadeloupe. Pour Gérard Cotellon, qui croit fermement au progrès scientifique, c’est un espoir immense. Sauf qu’à son grand désarroi, il se heurte à un rejet massif de la population. “Des militants anti-vax ont pilonné les réseaux sociaux et les médias avec un message totalement contre-productif, qui nous a menés à la catastrophe d’août 2021”, déplore-t-il.

La quatrième vague est un véritable tsunami : « on n’a jamais connu ça » souffle-t-il. Entre juillet et septembre 2021, l’hôpital déborde, des malades partout, la réanimation est asphyxiée, engorgée, l’afflux de patients est hors de contrôle.
Face à l’urgence, un protocole d’admission est validé par la Société française de réanimation et le Comité national d’éthique. Une décision nécessaire, mais lourde.

Gérard Cotellon se décrit comme un homme de terrain, un professionnel qui connaît l’hôpital de l’intérieur. Son parcours en témoigne : il a commencé sa carrière en tant qu’infirmier, avant de devenir cadre de santé, puis DRH et enfin directeur d’hôpital sur plusieurs fonctions.

Avec cette expérience, il sait que la réanimation est un espace limité où les décisions sont difficiles. « La réanimation, c’est du tri », affirme-t-il. « On ne peut pas mettre tout le monde en réa. Il y a des gens qui sont éligibles parce que vous savez que vous avez la capacité de les réanimer et que la réanimation leur donne une chance de survie. Et il y en a d’autres, ça ne sert à rien de les mettre en réanimation parce qu’ils vont mourir. »

J’ai vu des familles entières disparaître.

En septembre 2021, le gouvernement impose l’obligation vaccinale aux soignants. Une mesure qui résonne comme un coup de tonnerre.

« Au 16 septembre, quatre cinquièmes du personnel n’avaient pas fourni de preuve de vaccination », rappelle l’ancien directeur du CHU. Ce que prévoit la loi ? Les suspendre immédiatement. Mais cette option est inenvisageable : « on aurait dû fermer l’hôpital. J’ai pris la responsabilité de ne pas appliquer la loi, j’aurais pu être poursuivi », explique-t-il. « On a continué à faire de la pédagogie, à essayer de convaincre, mais il fallait bien qu’un jour, la loi soit appliquée. »

C’est en novembre 2021 que le séisme social frappe la Guadeloupe: barrages, grèves, manifestations violentes, l’île est paralysée. Gérard Cotellon devient une cible, il est placé sous protection policière. En janvier 2022 il est agressé physiquement, pire encore, il affirme que des tirs à balles réelles ont été recensés sur les vitres du couloir d’accès à la Direction Générale du CHU. « Ce jour-là, j’ai compris que j’étais devenu un point de fixation », confie-t-il.

Il décide alors de quitter ses fonctions. « Je pense avoir bien fait, parce qu’après mon départ, tout s’est calmé », observe-t-il aujourd’hui.

Désormais à la tête de l’Agence Régionale de Santé de La Réunion, Gérard Cotellon tire un bilan amer de cette crise. « Le vrai scandale, c’est que les gens sont morts huit mois après l’arrivée du vaccin », déplore-t-il.

Il regrette notamment l’instrumentalisation du scandale du chlordécone, qui a renforcé la défiance envers l’État et la médecine. « Certains ont transformé un problème sanitaire en une crise identitaire. »

Malgré la violence de la crise, Gérard Cotellon reste convaincu que la science est la clé, croyant profondément aux conquêtes médicales, qui sont pour lui des réalités permettant d’allonger la durée de vie, en bonne santé. Et il conclut avec une phrase sans appel : « Quand on est hospitalier, si on ne croit pas à tout ça, il ne faut pas travailler à l’hôpital. Il faut travailler ailleurs. »


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