La crise de la dette publique force le Ghana à solliciter le FMI
Ajoutées aux efforts de réduction du déficit budgétaire jugés insuffisants pour garantir la soutenabilité de la dette, et après le choc économique dû à la pandémie, les retombées de la guerre en Ukraine sur les comptes publics ont porté un coup de grâce à la confiance accordée par les investisseurs. Fin 2022, les créditeurs extérieurs détenaient environ 60% du stock de la dette publique. De cette part, les créanciers obligataires possèdent 45%, les multilatéraux 30%. Par conséquent, ces derniers, ainsi que les créanciers domestiques (banques, assurances et fonds de pension) ont massivement retiré leurs fonds placés dans l’économie ghanéenne, provoquant au passage un effondrement du cédi. La devise a ainsi perdu environ 50% de sa valeur face au dollar sur un an, contribuant à l’alourdissement de la dette extérieure. Afin de soutenir la monnaie et de limiter l’inflation, la Banque centrale a porté son taux directeur de 14,5% en janvier 2022 à 28% un an plus tard, en parallèle d’une inflation qui a dépassé 30% sur l’année, mais au prix d’une augmentation des intérêts sur la dette domestique. Les réserves de change de la Banque centrale ont fondu rapidement, passant de 9,7 milliards de dollars US fin 2021 à 6,6 en septembre 2022 (moins de 3 mois d’importations), alors qu’elle n’est pas intervenue sur les marchés. Finalement, le gouvernement a dû se résoudre à solliciter le FMI afin de faire face à son problème de financement (service de la dette estimé à USD 3 milliards en 2023) et calmer les marchés. Un accord préalable sur un programme assorti d’une facilité de crédit de 3 milliards de dollars a été atteint en décembre 2022. Afin d’obtenir sa confirmation, Accra s’est engagé sur la voie d’une restructuration de son passif exigible.
En attendant son réaménagement, le Ghana a partiellement fait défaut sur sa dette extérieure. Un programme d’échange de titres auprès des porteurs domestiques a été réalisé au premier trimestre 2023, avec une décote devant faire passer la dette publique domestique de 35% à 25% du PIB. Les créanciers privés extérieurs se sont eux réunis au sein d’un comité de négociation. Au total, le gouvernement ghanéen espère que la restructuration abaissera le stock de la dette totale d’environ 90% à 60% du PIB. Concernant l’assainissement des finances publiques, le gouvernement améliorera probablement la collecte fiscale (11% du PIB en recettes, dont la moitié consommée par les intérêts, contre 18,5% en dépenses prévus de janvier à septembre 2022), le contrôle des dépenses, la gestion des entreprises publiques, et accélérera la restructuration des secteurs de l’énergie et du cacao. D’ores et déjà, le gouvernement a introduit au printemps 2022 une taxe sur les transactions par mobile (e-levy), et une augmentation de la TVA de 2,5%, une tranche supplémentaire à 35% pour l’impôt sur le revenu et un gel des dépenses salariales. Depuis des années, déjà, le déséquilibre des finances publiques alimente l’endettement extérieur et agit sur la balance des paiements, au travers du compte financier (décaissements et remboursements liés aux emprunts) et du compte courant (intérêts de la dette). En conséquence, la compression du déficit public en 2023 sera primordiale, aidée en cela par la restructuration de la dette.
En 2022, la hausse du coût des importations alimentaires (céréales, sucre etc.) a pesé sur l’excédent commercial, certes légèrement compensée par les cours élevés du pétrole et surtout de l’or. Comme par le passé, le déficit courant a été alimenté, en grande partie, par celui des revenus, soumis à l’augmentation du service de la dette extérieure et des rapatriements de bénéfices par les investisseurs étrangers, ainsi que celui des services, même réduit par la reprise du tourisme. Ce dernier déficit est dominé par les achats de services liés à l’exploitation pétrolière, ainsi qu’au transport, et accentué par l’usage croissant des télécommunications. Le déficit courant est attendu en baisse en 2023, essentiellement du fait de la diminution des importations liée à la modération de la demande domestique et de celle des cours des produits importés. Face à la pénurie de devises, le gouvernement ghanéen essaie de lancer des échanges « en nature » or contre carburants. Un premier accord a été trouvé avec une compagnie émiratie pour livraison en janvier 2023. Avec le ralentissement économique attendu dans les économies avancées (pays d’accueil de la diaspora), les envois de fonds d’expatriés (5,8% du PIB en 2021 ne suffiront pas à combler ces déficits.
L’inflation et le resserrage budgétaire pèseront sur la consommation
Vu l’impasse devant laquelle se trouvent les finances publiques, la politique économique sévère attendue en 2023 participera à la compression de la demande. En 2022 déjà, la population a fortement souffert de l’explosion des prix, entraînant un tassement de la consommation due à l’effondrement de son pouvoir d’achat. La relative indépendance énergétique du pays (pétrole brut, hydroélectricité) n’a pas empêché une hausse de plus de 50% des prix de l’énergie, le gouvernement ayant choisi, ni d’en contrôler les prix, ni d’augmenter les subventions outre-mesure. Il est fort probable que la demande reste fébrile en 2023, vu l’incertitude pesant sur le taux de change et un programme d’austérité lié au prêt du FMI. L’inflation élevée devrait entraîner logiquement une aggravation de la pauvreté (seuil fixé à 1,9 dollars US par jour), descendue en 2019 à 11,1% de la population, ainsi qu’une nouvelle contrainte sur la consommation, malgré une réduction de l’épargne des ménages.
La consommation des ménages étant un moteur de l’économie (~70% du PIB), la croissance en sera affectée d’autant. Les difficultés du secteur bancaire, la politique monétaire restrictive et les sorties de capitaux devraient particulièrement affecter les investissements privés. Le développement d’une base industrielle (plan One-District-One-Factory) ne progressera donc pas significativement, après une amorce dans l’agroalimentaire, les engrais, l’assemblage automobile, l’aluminium et l’acier. Il est aussi probable que l’investissement public soit réduit, faisant les frais d’un futur plan d’économies. Concernant la contribution des exportations nettes à la croissance, une détente simultanée des cours des produits alimentaires et carburants importés et de ceux exportés en 2023 devrait la maintenir positive. Toutefois, l’extraction illégale et la contrebande d’or, le retard de la mise en service de champs pétroliers off-shore ainsi que le pouvoir de marché des torréfacteurs sur les prix du cacao pèseront sur l’apport des échanges extérieurs à la croissance. Le Cocobod (Ghana) et le Conseil du Café-Cacao (Côte d’Ivoire) continuent de revendiquer de concert depuis 2019 des primes « coût de la vie » et « pays d’origine » aux acheteurs étrangers, sans accord ferme jusqu’ici.
Une démocratie résiliente malgré les revers financiers
Malgré une crédibilité politique fortement entamée, le gouvernement du président Akufo-Addo devrait conserver sa courte majorité jusqu’aux élections générales de 2024. Crédibilité politique entamée, car le président avait notamment placé son emphase sur la fin de la dépendance à l’aide extérieure. Des manifestations récurrentes sous le slogan #FixTheCountry, sans incidents graves signalés, témoignent d’une indignation d’éléments actifs de la société civile face à l’incurie de la classe politique.
Jusqu’ici fort de sa situation de locomotive économique régionale, et crédité de sa solidité institutionnelle, le Ghana devrait, une fois de plus, obtenir la compréhension de ses créanciers, et poursuivre sa tradition de dialogue avec des interlocuteurs diversifiés. Le pays entretient des liens étroits avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, sans négliger la Chine, un important partenaire commercial. Bien que faible, le risque d’infiltration terroriste islamiste n’est pas négligeable à la frontière nord. Depuis 2017, le Ghana a lancé une coopération avec ses voisins à travers l’initiative d’Accra sur le renseignement anti-djihadiste au Sahel et dans le golfe de Guinée.
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