Grève à Carrefour Monaco: les raisons de la colère des salariés

Entre Carrefour France et des salariés de l’hypermarché de l’enseigne à Monaco, le torchon brûle. C’est le moins que l’on puisse dire.

Des représentants du personnel ont informé leur direction du lancement d’un mouvement social d’ampleur, qui a débuté lundi 15 avril avec près d’une cinquantaine de salariés au rendez-vous de 5 à 8 h. Un débrayage matinal qui a retardé la mise en place des rayons le lundi matin et qui tire sa justification dans les fameuses négociations annuelles entre syndicat et patronat.

Querelle autour de l’ancienneté

Et en cause plus précisément, les discussions autour de la mise en place d’une prime d’ancienneté. Alexandra Oukdim, représentante du personnel et déléguée syndicale (USM), affirme avoir reçu une première proposition verbale qu’elle juge « insultante ». Une proposition confirmée par la direction nationale du groupe. « En effet, il s’agissait de la première proposition en lien avec la prime d’ancienneté, qui a évolué au cours de la négociation afin de favoriser le dialogue social. » Le premier palier, de 5 à 10 ans d’ancienneté, induisait une augmentation de 8 euros brut par mois. 12 euros pour le deuxième palier de 10 à 15 ans d’ancienneté et 18 pour les salariés ayant plus de 15 ans de maison. Cette proposition s’accompagnait également d’une prime exceptionnelle de 200 euros brut sur l’année. Si les comptes ne sont pas bons pour les grévistes, ils assurent avoir accepté de faire des concessions. « On a accepté de réduire de 50 à 70 % de nos revendications et Carrefour France refuse de nous donner 10 % de plus. »

La deuxième proposition de Carrefour France, dont la circulaire informative a été placardée dans les espaces réservés au personnel monégasque, revoit à la hausse ces primes. 38 euros brut par mois de 5 à 15 ans d’ancienneté, 42 euros de 10 à 15 ans et 46 au-delà de 15 ans. Si les représentants du personnel se disaient prêts à accepter cette proposition, bien que toujours insuffisante à leurs yeux, le retrait de la prime de 200 euros a déclenché leur colère. Entre-temps, la déléguée syndicale a fait parvenir une nouvelle proposition à la direction nationale. 50 euros brut par mois pour le premier palier, 75 pour le deuxième et 100 pour le dernier. « Le coup des 200 euros, c’est une ultime insulte. C’est ce qui a mis le feu aux poudres. C’est un manque de considération et un mépris par des gens [la direction, NDLR] qui n’en ont rien à cirer des clients et du futur conflit social qui va durer. Carrefour France en fait une histoire de principes au détriment de la Principauté », lance Amor Ben Hamida, représentant du personnel également.

Sur la circulaire distribuée par Carrefour France aux salariés, la direction promet « jusqu’à 6,33 % soit 1534 euros » d’augmentation salariale annuelle. Un calcul trompeur pour Alexandra Oukdim. « 3,15 % sont prévus par les dispositions légales », affirme la déléguée syndicale. Faux, répond Carrefour France. « Aucune disposition légale ne prévoit les augmentations de salaire des collaborateurs de Carrefour Monaco. Les propositions émises par la direction allant jusqu’à 3,15 % d’augmentation de salaire s’inscrivent dans le cadre des négociations annuelles. Et l’ensemble des mesures proposées portent jusqu’à 6,3 % l’augmentation annuelle », se défend le groupe.

Une « participation » trop faible?

Autre sujet de tension, celui de la prime de participation. « On touche la participation mais pas l’intéressement », assure Alexandra Oukdim. 1150 euros nets pour 2023 ajoute Amor Ben Hamida, « quand ceux de Nice Lingostière ou Antibes ont 1.700 euros ».

Anormal pour les deux représentants rappelant que le Carrefour de Monaco est le plus rentable du groupe avec 6,7 millions d’euros de bénéfice lors du dernier exercice.

Pour eux, ils auraient dû toucher au moins la même participation que leurs collègues du sud-est. « S’agissant de la prime de résultat, les dispositions ont été revues dans le cadre de la négociation annuelle 2023 et signées par les partenaires sociaux, portant ainsi son montant jusqu’à 1.300 euros bruts annuels en 2024 contre 895 bruts en 2023, soit une augmentation de 45 % en un an. Sur ce thème, les dispositions légales sont différentes entre Monaco et la France », justifie la direction nationale.

Énième affront pour les salariés, le ticket-restaurant

La direction nationale proposait d’augmenter celui-ci de 40 centimes pour le porter à 5,90 euros. Sachant que 20 centimes sont à la charge de l’employeur, l’autre moitié à la charge de l’employé. « Quand on sort pour manger, c’est minimum 10 euros, tout a augmenté. Et la direction propose une hausse de 20 centimes, c’est inacceptable. On vend des sandwichs en vitrine qu’on ne peut même pas se payer. Pour vous montrer à quel point on considère les salariés de ce magasin », dénonce Amor Ben Hamida. Mais pour Carrefour France, cette hausse des tickets-restaurants, aussi faible soit-elle, s’inscrit surtout dans un ensemble de mesures plus larges.

« La proposition de la revalorisation de la valeur des titres-restaurants à hauteur de 5,90 euros contre 5,50 précédemment s’inscrit dans un panel plus large de mesures en soutien du pouvoir d’achat de nos collaborateurs telles qu’une augmentation de salaire de 3,15 % pour une hôtesse de caisse, l’augmentation de la remise sur achats à hauteur de 12 %, la revalorisation du forfait pause, la reconnaissance des métiers de bouche ainsi que la mise en place d’une prime d’ancienneté. »

Deux camps inflexibles

En l’état des choses, Alexandra Oukdim et Amor Ben Hamida affirment que la grève se poursuivra jusqu’au 31 décembre 2024, avec de nombreux débrayages surprises, notamment lors des Grands Prix, pour perturber la bonne marche du magasin.

Ils revendiquent plus d’une centaine de salariés [sur les près de 270 que compte le magasin, NDLR] suivant le mouvement.

Ces actions coup de poing – qui risquent d’être fortement préjudiciables à l’enseigne en cette période des grands évènements en Principauté – ont pour but de faire revenir Carrefour France à la table des négociations avec des propositions revues à la hausse… même s’il semble y avoir une cassure des deux côtés.

« On n’a plus confiance, certains salariés aimeraient même qu’on change d’enseigne », relate Amor Ben Hamida. Et il semblerait que Carrefour France ne soit pas prêt à faire monter les enchères.

« Les propositions faites par Carrefour dans le cadre de cette négociation annuelle sont principalement axées sur le maintien du pouvoir d’achat de nos collaborateurs et ont été formulées en tenant compte des revendications émises par nos partenaires sociaux. Celles-ci ont d’ailleurs pu évoluer tout au long de cette négociation. »

Crédit: Lien source

Les commentaires sont fermés.