« Des enfants d’à peine un an sont violés par des hommes armés. Cette seule affirmation devrait choquer tout un chacun aux tréfonds de son âme et obliger à agir immédiatement », déclare Catherine Russell, Directrice générale de l’Unicef.
Depuis le début 2024, 221 cas de viols d’enfants ont été enregistrés, pour deux tiers des filles. Seize enfants avaient moins de 5 ans dont quatre à peine un an.
Image partielle de la violence infligée aux enfants
Ces cas ont été signalés dans neuf États, aux quatre coins du Soudan. Par ailleurs, 77 cas supplémentaires d’agression sexuelle contre des enfants, principalement des tentatives de viol, ont été recensés.
Or, ces chiffres sont bien inférieurs à la réalité, souligne l’Unicef.
Les victimes et leur famille sont souvent réticentes ou incapables de se manifester, craignant la stigmatisation, le rejet, les représailles des groupes armés, les atteintes à la confidentialité ou l’accusation de collaboration avec un groupe armé.
Les données collectées par des organismes luttant sur place contre les violences sexuelles « ne donnent qu’une image partielle de l’ampleur réelle de la violence infligée aux enfants », explique l’agence onusienne, qui fustige les violences sexuelles utilisées comme arme de guerre.
« Des millions d’enfants au Soudan risquent d’être victimes de viol et d’autres formes de violence sexuelle, utilisées comme tactique de guerre. Une telle pratique constitue une violation abjecte du droit international et est susceptible d’être considérée comme un crime de guerre », ajoute Mme Russell.
Des pleurs et des cris
Depuis avril 2023, le Soudan est pris dans un conflit brutal entre le chef de l’armée Abdel Fattah al-Burhan et son ancien adjoint Mohamed Hamdan Daglo, qui dirige les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).
Les témoignages – anonymisés pour préserver les victimes — sont déchirants.
« Ils m’ont forcée à monter dans une grosse voiture… Ils m’ont emmenée à un endroit près d’une voie ferrée, et trois personnes m’ont violée », confie une jeune fille de 16 ans, qui est aujourd’hui près d’accoucher.
« Après neuf heures du soir, quelqu’un ouvre la porte, muni d’un fouet, choisit l’une des filles et l’emmène dans une autre pièce. J’entendais la petite fille pleurer et crier. Ils la violaient », se souvient pour sa part, celle qui se fait nommer Omnia (nom fictif), une survivante adulte qui a été détenue par des hommes armés dans une pièce avec d’autres femmes et filles.
« Chaque fois qu’ils la violaient, cette fille revenait couverte de sang. Elle n’est encore qu’une jeune enfant. Ils ne libèrent ces filles qu’à l’aube, et elles reviennent presque inconscientes. Pendant les 19 jours que j’ai passés là-bas, j’ai atteint un point où j’ai voulu mettre fin à ma vie ».
Des séquelles considérables et indélébiles
D’une manière générale, les victimes subissent souvent de graves blessures physiques et psychologiques qui peuvent avoir des conséquences à vie et laisser les survivantes face à des « choix impossibles », comme une grossesse, se confier à leur famille ou aux autorités et se faire soigner.
« Personne, aucun enfant, ne devrait avoir à endurer ces horreurs. Cela doit cesser immédiatement », exige l’Unicef.
« La multiplication des violences sexuelles au Soudan terrorise la population, en particulier les enfants », ajoute Catherine Russell.
« Les parties au conflit, et celles qui exercent une influence sur elles, doivent tout mettre en œuvre pour faire cesser ces violations graves des droits de l’enfant. Les cicatrices laissées par cette guerre sont d’ores et déjà incommensurables et indélébiles ».
L’Unicef exhorte les belligérants à respecter leurs obligations de protection des civils, en particulier des enfants. L’agence onusienne demande également aux pays donateurs à considérer les programmes relatifs aux violences liées au genre comme vitaux.
« La crise de la violence sexuelle qui frappe le Soudan continue de s’étendre, de toucher d’autres enfants et de laisser des séquelles considérables et indélébiles », insiste-t-elle, relevant que « le temps est compté ».
Les combats à El Fasher, au Soudan, et dans les environs ont forcé de nombreuses familles à fuir pour se mettre à l’abri.
Des milliers de personnes fuient dans le nord du Darfour
De son côté, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a indiqué lundi que plus de 3.400 familles ont fui leurs maisons dans les villages des localités de Dar El Salam et Kalimendo dans l’Etat du Darfour du Nord en raison de l’escalade de l’insécurité.
Les FSR ont poursuivi ces derniers jours leurs attaques contre des dizaines de villages à Dar El Salam, dans le cadre d’une campagne de déplacement plus large qui a déjà ciblé des villages à l’ouest d’El Fasher, la capitale du Darfour du Nord, et au nord de Kutum cette année et l’année dernière.
« Samedi dernier, 2.653 familles ont été déplacées de divers villages de la localité de Dar El Salam en raison de l’aggravation de l’insécurité », a détaillé l’OIM dans son dernier rapport de situation.
Au total, près de 605.000 personnes ont fui El Fasher et d’autres zones du Darfour du Nord entre avril 2024 et le 31 janvier 2025, en raison des attaques des forces de sécurité et des abus généralisés qui les accompagnent, notamment les meurtres, les viols, les pillages et les humiliations.
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