Guerre au Soudan : tout accord de paix doit respecter la souveraineté nationale, selon l’envoyé de l’ONU
Dans un entretien exclusif accordé au service arabe d’ONU Info à New York, Ramtane Lamamra souligne que la solution doit être politique, appelant à s’appuyer sur la sagesse et la capacité de traiter les causes profondes qui ont conduit à ce conflit brutal.
Il affirme que le peuple soudanais est souverain et doit avoir le dernier mot sur son avenir.
Des réfugiés soudanais arrivés dans un camp en République centrafricaine (photo d’archives).
Une situation qui se détériore
La guerre entre les Forces armées soudanaises (FAS) et un puissant groupe paramilitaire autrefois allié appelé les Forces de soutien rapide (FSR) a éclaté en avril 2023, provoquant des morts, des destructions et des déplacements massifs.
Plus de 12 millions de personnes ont fui, que ce soit ailleurs dans le pays ou de l’autre côté des frontières. La famine a été confirmée dans 10 endroits, et 17 autres sont au bord du gouffre.
Dans cet entretien, M. Lamamra évoque la détérioration de la situation au Soudan et les défis auxquels sont confrontés les efforts de paix, notant qu’il fait tout son possible pour convaincre les parties belligérantes et les décideurs que la seule solution est celle qui découle de leur volonté politique commune.
L’envoyé souligne la nécessité cruciale de donner la priorité à la protection des civils, réitérant l’appel du Secrétaire général à une cessation des hostilités pendant le mois sacré du Ramadan, qui commence ce vendredi soir.
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L’Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Soudan, Ramtane Lamamra.
Tirer les leçons du passé
M. Lamamra exhorte les Soudanais à tirer les leçons des expériences passées, affirmant que les efforts en cours pour parvenir à une solution pacifique doivent se dérouler dans le contexte du respect de la souveraineté, de l’indépendance et de l’unité – à la fois du peuple et du territoire.
« Je crois que c’est fondamental et indiscutable », déclare-t-il.
« Quant aux Nations Unies – et à moi-même personnellement – je continuerai à réitérer et à insister sur ce point car il est essentiel, car nous voulons sortir de cette épreuve avec un Soudan fort et unifié : un Soudan qui tire les leçons de ses expériences historiques contemporaines et qui prend les décisions nécessaires pour que les erreurs qui ont conduit au déclenchement des guerres dans un passé récent, y compris la guerre actuelle, ne se répètent pas ».
Déclaration de Nairobi
En ce qui concerne les récents développements à Nairobi, la capitale du Kenya, où des groupes politiques et militaires ont signé une déclaration exprimant leur intention d’établir une autorité gouvernementale dans les zones contrôlées par les FSR, l’envoyé fait référence aux déclarations du Secrétaire général de l’ONU qui a exprimé sa grave préoccupation face à cette initiative, car elle augmente encore le risque de fragmentation du Soudan.
M. Lamamra avertit que tout ce qui creuserait le fossé entre les Soudanais au lieu de les unir est « indésirable ».
Il mentionne également la feuille de route publiée à Port Soudan le 9 février, dont le chef de l’ONU a salué l’adoption et demandé à tous les Soudanais intéressés de partager leurs idées en vue d’une éventuelle inclusion, car cela faciliterait les discussions nécessaires pour reconstruire un État soudanais cohérent et unifié.
L’Envoyé personnel du Secrétaire général déclare que s’appuyer sur la proposition actuelle est la prochaine étape qu’il est prêt à franchir « malgré sa sensibilité et sa difficulté ».
Il souligne la nécessité d’une coordination entre les différentes initiatives proposées pour parvenir à un dialogue national global au Soudan.
Le rôle de la communauté internationale
A cet égard, M. Lamara appelle la communauté internationale à assumer ses responsabilités et à coordonner ses efforts pour soutenir la paix au Soudan.
Il avertit que tout engagement international sérieux pour résoudre la crise nécessite « une étude minutieuse et objective et une compréhension approfondie » de la situation, y compris les racines du conflit, son histoire, ses dimensions, ceux qui l’influencent, les interventions étrangères et d’autres facteurs qui doivent être pris en compte.
M. Lamamra souligne que les efforts internationaux et régionaux doivent être unifiés pour devenir « une seule voix forte » afin d’éviter les conflits entre les initiatives.
« Sans aucun doute, résoudre la crise au Soudan, mettre fin à la guerre, à la tragédie et aux souffrances des citoyens sont tous essentiels. Il existe de nombreux points d’entrée et les efforts doivent être coordonnés par un travail sérieux à chaque point d’entrée de la crise », ajoute-t-il.
Consultations avec la société soudanaise
L’envoyé de l’ONU met également en avant les vastes consultations qu’il a menées avec un large secteur de la population soudanaise – y compris les jeunes, les femmes et les organisations de la société civile – pour écouter leurs points de vue et suggestions.
Il souligne l’importance de ces consultations pour comprendre la situation et fixer les priorités.
M. Lamamra explique qu’il veille à travailler avec « discrétion », loin de la « diplomatie du mégaphone ». Il indique avoir soumis officiellement aux deux dirigeants une liste de recommandations issues de ces consultations concernant la protection des civils et exhorté les décideurs à agir.
« Les travaux sont en cours à plein régime, et nous déploierons tous nos efforts », ajoute-t-il, notant que l’absence d’avancée ne diminuera pas la détermination à parvenir à un résultat souhaitable.
Respect, équilibre et confiance
Dans le même contexte, M. Lamamra déclare que ses rencontres avec les responsables du gouvernement à Port Soudan sont caractérisées par le respect, notant qu’il est attentif à écouter toutes les parties.
« Je crois que le devoir d’équilibre et de gagner la confiance de tous est ce qui me motive lorsque je prends en compte les points de vue des parties », déclare-t-il à ONU Info.
« Je crois que chaque partie a une perspective complète et intégrée construite – naturellement – sur l’amour du Soudan, car je crois qu’aucune d’entre elles n’a de patrie alternative, donc l’accent doit être mis sur cette patrie unique qui accueille tout le monde », ajoute-t-il. « Et je crois que le temps viendra où ce sentiment de la solution pacifique souhaitée émergera ».
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Siège de l’Union africaine à Addis-Abeba, en Éthiopie.
L’élan au sommet de l’UA
M. Lamamra a récemment participé au sommet de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba en tant que membre de la délégation du Secrétaire général de l’ONU.
Il y a discuté des moyens de parvenir à une solution pacifique au Soudan en coordination avec les pays voisins et les organisations régionales et internationales, à commencer par l’UA, la Ligue des États arabes, le bloc est-africain IGAD et l’Organisation de la coopération islamique.
Il affirme que la crise soudanaise a été au premier plan des discussions.
Dans ce contexte, il salue l’élection de Mahmoud Ali Youssef à la présidence de la Commission de l’UA et son rôle dans le soutien aux efforts de paix au Soudan.
Espoir pour la déclaration de Djeddah
Il y a près de deux ans, les parties belligérantes au Soudan ont signé une déclaration dans la ville de Djeddah, en Arabie saoudite, visant à protéger les civils et à assurer un accès humanitaire sans entrave.
Interrogé sur la possibilité de mettre en œuvre l’accord sur le terrain et sur les obstacles qui l’empêchent, M. Lamamra décrit la déclaration comme « un document prometteur et positif, qui est le seul document que tout le monde a signé et approuvé quelques jours après le déclenchement de la guerre ».
Il souligne que des pourparlers techniques préparatoires doivent bientôt débuter afin de commencer à mettre en œuvre la déclaration.
« Un message de fraternité »
En conclusion de son entretien avec ONU Info, M. Lamamra adresse un message au peuple soudanais et aux parties belligérantes à l’occasion du Ramadan.
Il déclare que le peuple soudanais aime la liberté, la paix et la coexistence pacifique.
« Mon message est un message de fraternité. Un message avec les valeurs de l’Islam qui sont appréciées par les musulmans et les non-musulmans. Les personnes concernées doivent toujours suivre les enseignements du véritable Islam et apprécier le caractère sacré de la vie humaine », dit-il.
« Nous espérons que nos frères saisiront cette opportunité pour penser à un Ramadan sans violence, un Ramadan rempli de fraternité et d’aspiration à un avenir meilleur ».
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