L’explosion en décembre d’une usine de stockage de carburant compte parmi les pires accidents que la Guinée a connus. Une explosion qui a occasionné beaucoup de dégâts matériels et dont les répercussions se ressentent encore dans le quotidien des Guinéens dont le mode de vie et les activités se sont fortement détériorés.
Conakry, la capitale guinéenne, connaît régulièrement des pénuries de carburant et d’eau depuis l’explosion (dans la nuit du 17 au 18 Decembre 2023) dans le principal dépôt d’hydrocarbures de la société publique guinéenne de pétrole.
De plus, des dysfonctionnements au sein des installations et équipements de fourniture d’énergie (un groupe de la centrale Kaloum 5 a pris feu récemment et un câble haute tension a été rompu à Sanoyah, non loin de Conakry), affectent des dizaines de quartiers de la capitale qui sont régulièrement dans le noir.
Les délestages qui impactent les activités et le commerce de nombreux Guinéens qui voient leurs revenus menacés.
« Je vends des poulets surgelés, du yaourt, du lait frais, et toutes les variétés de beurre. Mon commerce florissait et j’avais réussi à fidéliser de nombreux clients. Mais, depuis l’avènement des délestages, je vis un cauchemar « , déplore Mamadou Bah, opérateur économique, résident au quartier Petit Simbaya, dans la banlieue de Conakry.
« Mon chiffre d’affaire a considérablement chuté. J’ai jeté a la poubelle des kilos de produits laitiers et dérivés qui étaient en état de putréfaction avancée dans mes frigos » , lance-t-il, dépité.. »Je dois vous dire que certains des produits que j’avais commandés et stockés et qui sont tous pourris, je les ai pris à crédit. Je me demande comment rembourser. Tous les jours, je m’attends à ce que mes créanciers debarquent et je stresse en permanence » renchérit le commercant.
Le vendeur estime avoir perdu plusieurs millions depuis le début des délestages récurrents dans la capitale. De quoi lui donner des maux de tête.
»Avant je pouvais vendre jusqu’a 3 à 5 millions de Francs guinéens par jour (env. 214000 a 356000 francs CFA). Aujourd’hui, c’est à peine si je peux gagner 600000 francs. Vous voyez le désastre économique que je subis. Je suis face a un dilemme. je ferme mon supermarché ou je me reconvertis en cherchant à vendre autre chose que les produits surgelés »
Les délestages de plusieurs heures par jour ont des conséquences considérables sur l’activité économique dans le pays au point où des PME/PMI ont aujourd’hui mis la clé sous le paillasson, selon l’Union pour la défense des consommateurs de Guinée.
»Beaucoup de PME et même de grandes entreprises ont des difficultés dues principalement au manque d’électricité. L’impact des coupures intempestives se ressent jusque dans les ménages où la conservation des aliments au frais pose problème. Conséquences, les pères de famille ne peuvent plus maîtriser leur budget de consommation du fait de l’achat quotidien des provisions. Bref, les délestages ont exacerbé la cherté de la vie » explique Mbani Sidibé, le president de l’Union.
Des délestages qui impactent le coût de la vie
Face à cette situation, les autorités guinéennes avaient d’ailleurs pris la décision d’alléger le coût de la vie en procédant à la baisse des prix de certaines denrées alimentaires.
»Quand vous partez aujourd’hui dans les marchés de Conakry et dans les grandes villes, vous allez voir que les prix plafonds n’ont pas du tout été respectés faute de suivi. Ici, chez nous, le prix est souvent laissé àl’appréciation des acteurs du secteur. Chaque préfecture, et sous préfecture, a son propre prix. Et à l’époque, nous avons dit clairement au gouvernement qu’avant d’aller vers cela, il fallait retravailler sur la structure des prix et appliquer la loi portant réglementation générale de la concurrence et de la liberté des prix. L’opérant est libre de fixer son prix, mais il a l’obligation d’informer le consommateur sur le prix unitaire TTC. La loi dans notre pays réprime la non publicité des prix et aussi le fait que certains importateurs, certains détaillants, n’arrivent pas à respecter ces prix » nous dit le president de l’Union pour la défense des consommateurs de Guinée.
Un problème d’électricité qui a toujours existé dans le pays
Les autorités guinéennes justifient les délestages récurrents par la baisse du niveau d’eau des barrages hydro-électriques (Garafiri lancé en 1999, Kaléta et Souapitia en 2015) qui parviennent tant bien que mal à approvisionner le pays en électricité et des dysfonctionnements dans certaines centrales électriques.
Le premier Ministre Amadou Oury bah, lors de son premier point de presse depuis sa nomination, évoque les répercussions de l’explosion du dépôt pétrolier de Kaloum mais aussi le problème de disponibilité des fonds publics.
Karpowership, la centrale thermique turque, qui ravitaille certains pays africains en électricité (Guinee Bissau, Ghana, Sierra Leone entre autres…) etait pressentie en Guinée mais le Chef du Gouvernement a souligné que l’utilisation d’un bateau turc ne serait pas la solution la plus viable en raison de son coût élevé, compte tenu des contraintes budgétaires actuelles. Il a déclaré que le gouvernement étudiait diverses options pour améliorer l’approvisionnement en électricité, tout en évitant les solutions coûteuses.
»Nous sommes devant une crise qui perdure. Vous savez, le volume d’eau des barrages diminue en fonction des saisons et la production du courant baisse naturellement quand il n’ya pas assez d’eau. »
A l’arrivée des autorités de la Transition, un bateau flottant turc fournissait de l’électricité en appoint.
Mbani Sidibé, président de l’Union des consommateurs de la Guinée, appelle à un audit du secteur : « Aujourd’hui, nous sommes devant une crise et je pense qu‘il faut l’audit global du secteur de l’énergie, surtout l’électricité. La société nationale d’électricité ne peut même pas vous dire aujourd’hui quel est le nombre exact de consommateurs qu’il a dans sa base de données. »
La piste du mix énergétique est aussi évoquée comme solution à la crise.
»Il faut développer d’autres sources d’énergie aussi, que ce soit l’éolienne, les sources thermiques ou solaires, pour permettre à toute la Guinée d’avoir le courant » propose M. Sidibé.
La compagnie nationale d’électricité EDG (Electricité De Guinée), dirigée par un intérim depuis le licenciement du dernier directeur, a toujours connu des problèmes de gestion selon certains Guinéens.
»Quand vous allez à l’intérieur du pays, il y a beaucoup de préfectures, et de sous préfectures qui ne connaissent même pas le courant » nous apprend le président des consommateurs guinéens.
Les coupures récurrentes d’électricité ont souvent été a l’origine d’émeutes dans la capitale, Conakry, comme ce fut le cas dans plsieurs quartiers au mois de Mars après une panne générale d’une des centrales du pays.
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