La Guinée, premier producteur mondial de bauxite, s’apprête à exploiter le fer grâce au gisement de Simandou, l’un des plus grands au monde, avec une production prévue à partir de fin 2025. Cependant, les inquiétudes persistent quant à la répétition des erreurs passées avec la bauxite, où l’exportation sans transformation locale a limité les revenus pour l’État. Cela suscite des interrogations sur les retombées réelles du projet Simandou pour l’économie et la population guinéenne.
Dans l’arrière-boutique d’un commerçant de Conakry, les discussions sur le projet Simandou se font discrètes. Ce projet de mine de fer est central pour la junte au pouvoir, mais suscite des inquiétudes parmi la population locale. Un Guinéen d’une soixantaine d’années compare le scénario actuel à celui de l’extraction de la bauxite à Boké, dont l’essor s’est accéléré il y a une quinzaine d’années, sans améliorer significativement la vie des habitants.
« Il y a presque une vingtaine de sociétés minières à Boké. Allez voir comment vit la population. Ils n’ont même pas d’eau propre, ni de maison solide, ni de route. Qu’est-ce que ça a rapporté ? Simandou, pour moi, c’est du vent » déclare ce commerçant, sceptique quant aux bénéfices réels du projet.
Une aciérie annoncée
Les autorités guinéennes espèrent des rentrées fiscales annuelles entre 600 et 700 millions de dollars, mais les conventions minières restent secrètes, rendant difficile l’évaluation réelle des bénéfices. « Il faut avoir une capacité managériale très forte pour que ce projet ne souffre pas des mêmes maux que les projets miniers en cours de développement en Guinée, explique l’économiste Mohammed Camara. Il faut tirer les leçons des échecs des différentes conventions des mines, parce qu’on a compté sur ça depuis 60 ans, et voilà où nous en sommes aujourd’hui. On doit rectifier ça avec le Simandou pour qu’il tienne ses promesses. »
La question de la transformation du minerai en Guinée est cruciale. Alors que la bauxite n’a toujours pas de raffinerie dans le nord du pays, le ministre du Plan, Ismaël Nabé, assure que le projet Simandou prévoit une aciérie pour transformer le fer localement : « Le premier pilier, c’est l’industrie et donc la transformation. Pas seulement les produits agricoles, mais sur les produits miniers. Ce sera le cas au niveau de la bauxite et au niveau du fer. La transformation industrielle, c’est l’objectif du chef de l’État. »
Exportation massive vers la Chine
Aguibou Ly, directeur général d’IBS, une entreprise sous-traitante de Rio Tinto-Simfer, souligne que l’investissement dans la transformation locale est essentiel pour le projet : « Il a été clairement dit aux partenaires et aux différents investisseurs dans le secteur minier que l’investissement dans la transformation locale sera clé. C’est pourquoi, dans le projet Simandou, il y a pour la première fois une aciérie. Et aujourd’hui, le gouvernement pousse pour permettre aux sociétés dans le secteur de la bauxite d’aller vers la première étape de la chaîne de valeurs, qui est la production d’alumine. »
Malgré ces ambitions, la majorité du fer de Simandou sera exportée vers la Chine, via l’entreprise Baowu Steel, qui a investi six milliards de dollars dans le projet. Cela soulève des questions sur les bénéfices réels pour la Guinée et les impacts environnementaux du projet. Les ONG ont déjà exprimé leurs inquiétudes quant à la déforestation et aux émissions de CO2 associées à l’exploitation minière.
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