Guinée. «Il aurait mieux valu commencer par indemniser les victimes», la grâce présidentielle à Dadis Camara ne passe pas

L’annonce de la grâce présidentielle accordée à l’ancien chef de la junte guinéenne, Moussa Dadis Camara, a suscité de nombreuses interrogations au sein de la population. En effet, pour beaucoup de Guinéens, cette décision semble avant tout motivée par des considérations politiques.

Samba Diallo, un citoyen de Conakry, estime que ce décret dissimule des intentions politiques «ce décret, annoncé tard dans la soirée, suscite de nombreuses interrogations et divise l’opinion publique. Pour beaucoup, il s’agit d’un acte purement politique, visant à libérer Moussa Dadis Camara dans le cadre d’une stratégie pour reconquérir la communauté forestière et préparer le terrain à une éventuelle candidature du général Mamadi Doumbouya», déclare-t-il.

Le 28 septembre 2009, alors que M. Camara était président du pays, au moins 156 personnes ont été tuées, par balle, au couteau, à la machette ou à la baïonnette, et des centaines d’autres blessées, dans la répression d’un rassemblement de l’opposition dans un stade de Conakry et ses environs, selon le rapport d’une commission d’enquête internationale mandatée par l’ONU. Au moins 109 femmes ont été violées.

À l’issue d’un procès historique qui avait duré près de deux ans, Moussa Dadis Camara avait été condamné en août 2024 à 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité pour sa responsabilité dans le massacre du 28 septembre 2009 en Guinée.

Mais à peine une année plus tard, la grâce présidentielle est annoncée «Sur proposition du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, une grâce présidentielle est accordée à M. Moussa Dadis Camara pour raison de santé », indique le décret lu à la télévision nationale par le général Amara Camara, porte-parole de la présidence.

Cependant, pour de nombreux observateurs, ce décret soulève des préoccupations liées à la justice et à l’indemnisation des victimes. Madian Traoré, consultant juridique, exprime une vision différente en soulignant que cette décision a été prise sans tenir compte du contexte complexe entourant l’affaire du 28 septembre 2009, «certes, la maladie de Moussa Dadis Camara justifie cette décision, mais on ne peut ignorer les victimes de ce massacre. Le président Doumbouya avait annoncé prendre en charge l’indemnisation des victimes, une mesure saluée par tous. Pourtant, jusqu’à présent, ce processus d’indemnisation n’a toujours pas été concrétisé. Pour moi, avant de prendre une telle décision de grâce, il aurait été nécessaire de commencer par indemniser les victimes, afin de montrer qu’il y a une volonté réelle de réparer cette injustice», déclare-t-il.

Samba Diallo ajoute qu’il est important de prendre en compte un autre aspect de l’affaire, l’absence de nombreux responsables dans les procédures judiciaires liées au massacre du 28 septembre 2009. «Dans cette affaire, Moussa Dadis Camara n’est pas le seul impliqué. Le général Sekouba, le président Alpha Condé et d’autres figures politiques étaient également cités, mais ils n’ont jamais comparu devant la justice. La décision de libérer Moussa Dadis Camara semble être une tentative de réparer une injustice dans un contexte où de nombreuses personnes demeurent impunies», conclut-il.

Ainsi, bien que la grâce présidentielle ait été officiellement justifiée par des raisons de santé, elle soulève de profondes interrogations concernant la justice, l’indemnisation des victimes et les motivations politiques sous-jacentes. Les Guinéens attendent désormais des réponses claires sur la gestion de ce dossier sensible.

Par Mamadou Mouctar Souaré (Conakry, correspondance)

Le 30/03/2025 à 12h17

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