Haïti au cœur d’un réseau mafieux transnational, dénonce Fritz Alphonse Jean

P-au-P, 05 avril 2025 [AlterPresse] — La criminalité transnationale, à laquelle fait face Haïti, impliquerait des acteurs internes et externes, avec des ramifications jusqu’en République Dominicaine, en Jamaïque, en Colombie, et même à Miami aux États-Unis d’Amérique, dénonce le coordonnateur des actions au Conseil présidentiel de transition (Cpt), Fritz Alphonse Jean, dans un entretien exclusif accordé au journal dominicain Listin Diario, le lundi 31 mars 2025, suivi par AlterPresse.

Frits Alphonse Jean dénonce des intérêts mafieux dans ces différents pays qui tirent profit de cette instabilité, rendant la lutte contre la crise en Haïti encore plus difficile et urgente.

Il indique avoir discuté, avec le secrétaire d’État des étasunien, Marco Rubio, de l’évolution de cette crise, marquée par cette criminalité transnationale.



La criminalité transnationale, un défi majeur

Les violences en Haïti sont alimentées par les trafics de drogue, d’armes et de munitions, le blanchiment d’argent, et le trafic d’organes, un phénomène en forte croissance en Haïti, relève-t-il.

Fritz Alphonse Jean appelle à une coopération internationale, pour endiguer ces crimes transnationaux et stabiliser Haïti.

Il en profite pour saluer les efforts, déployés par le président dominicain Luis Abinader, pour lutter contre le trafic des armes et des munitions destinées à Haïti.

Il y a environ un mois et demi, plusieurs autorités policières et militaires dominicaines, impliquées dans des activités criminelles, ont été arrêtées, notamment pour avoir vendu des armes et des munitions aux gangs en Haïti, félicite-t-il.

Le mardi 4 mars 2025, les autorités dominicaines ont saisi une cargaison illégale contenant 23 armes à feu, dont un fusil Barrett calibre 50 mm, 36,000 munitions de divers calibres, et plusieurs chargeurs, au port de Haina, non loin de Santo Domingo, en République Dominicaine, en provenance de Miami, en transit vers Haïti.

Une grande partie des armes et munitions, acheminées en République Dominicaine en direcftion d’Haïti, proviendrait de Floride ou d’autres régions des États-Unis, selon l’expert indépendant sur les droits humains en Haïti, l’Américain William O’Neill.

Dans un rapport récent, le Conseil des droits humains des Nations unies souligne combien le trafic d’armes à feu et de munitions alimente un cycle de violences destructeur, entraînant de graves violations des droits humains et des abus.

Dans ce contexte, entre 270,000 et 500,000 armes à feu, de plus en plus sophistiquées, circulent illégalement en Haïti, majoritairement entre les mains de gangs, selon les Nations unies.

Différents secteurs de la vie nationale dénoncent un manque de « volonté politique manifeste » des autorités étatiques, pour faire face à la montée en puissance des gangs armés en Haïti, qui continuent de tuer, de kidnapper, de violer de nombreuses personnes ainsi que d’incendier un nombre indéterminé de maisons et d’entreprises commerciales sur le territoire national.

La passivité et le silence complice du Conseil présidentiel de transition (Cpt) et du gouvernement sont aussi critiqués.

Concernant les relations entre Haïti et la République Dominicaine, le coordonnateur des actions du Cpt estime crucial d’intensifier la coopération, afin de lutter efficacement contre la criminalité transnationale, qui affecte non seulement Haïti, mais également ses voisins, dont la République Dominicaine.

La République Dominicaine est l’un des principaux partenaires commerciaux d’Haïti, insiste-t-il.

Dans une disposition, qui prendra effet à compter du lundi 7 avril 2025, le gouvernement haïtien a, d’ailleurs, pris des mesures pour empêcher l’entrée de conteneurs en transit depuis la République Dominicaine, visant à limiter le trafic d’armes, rappelle-t-il, tout en tenant à bien préciser que cela n’affecte pas le commerce direct entre Haïti et la République dominicaine, mais uniquement les conteneurs en transit.

Ces conteneurs, souvent originaires d’autres pays, notamment de Miami (États-Unis), transitent par la République Dominicaine avant d’arriver en Haïti, fait-il remarquer.

Les saisies, effectuées par la police et l’armée haïtiennes, ont révélé la présence d’armes et de munitions dans ces conteneurs, signale Fritz Alphonse Jean.

La gestion de cette crise nécessite des contrôles rigoureux aux frontières, pour réduire les activités criminelles transnationales et sécuriser le territoire haïtien, dit-il.

Suivant les instructions du Ministère de l’économie et des finances (Mef) en référence au décret du 21 mars 2023 portant sur le code douanier, la Direction générale de l’Administration générale des douanes (Agd) informe de la suspension des importations terrestres en provenance de la République Dominicaine, selon un avis qui prendra effet à compter du lundi 7 avril 2025.

Depuis le mercredi 13 septembre 2023, le président dominicain Luis Abinader avait déjà annoncé la fermeture, à compter du vendredi 15 septembre 2023, de tous les points frontaliers haïtiano-dominicains (terrestres, maritimes et aériens), en signe de protestation contre la poursuite des travaux de construction à Ouanaminthe (Nord-Est d’Haïti) d’un canal sur la rivière Massacre.

Cependant, diverses marchandises en provenance de la République Dominicaine continuent d’entrer sur le territoire dominicain, avec la complicité d’autorités dominicaines et haïtiennes, basées sur la frontière.



Répondant à une question d’un des journalistes de Listin Diario, qui lui demandait si la mesure, d’interdire l’entrée de conteneurs en transit depuis la République Dominicaine, a été prise en concertation avec les autorités dominicaines, Fritz Alphonse Jean suppose vaguement que les autorités douanières et celles du ministère du commerce, notamment en Haïti, ont dû établir une communication avec leurs homologues en République Dominicaine, pour adopter cette décision.

Il semble difficile d’imaginer qu’une telle décision ait été prise sans coordination entre les deux parties, affirme-t-il.

Inquiétudes du Cpt face au rapatriement massif des Haïtiennes et Haïtiens

Intervenant sur le rapatriement massif des Haïtiennes et Haïtiens, il soulève deux problèmes majeurs, en rapport à la situation en Haïti qu’il juge extrêmement complexe.

D’une part, le pays traverse une période de turbulences sociales, marquées par des violences omniprésentes. Cela rend difficile l’identification des personnes rapatriées, parmi lesquelles pourraient se trouver des criminels notoires, notamment en provenance des États-Unis, se plaint-il.

Sans informations précises, ces individus risquent de renforcer les gangs, qui terrorisent la population, prévient-il.

Face à ce rapatriement massif de personnes, le gouvernement doit disposer de temps et de ressources pour gérer l’arrivée de ces migrantes et migrants, car, dit-il, Il est essentiel de garantir une capacité d’absorption adéquate, surtout dans un contexte où le pays doit déjà faire face à un grand nombre de personnes déplacées internes.

Face à ces défis, il est impératif de mettre en place des dispositions institutionnelles, pour accueillir les personnes rapatriées, tout en répondant aux urgences sociales et sécuritaires, considère-t-il.

Une crise humanitaire sans précédent

D’autre part, la précarité économique et la crise humanitaire aggravent la situation, admet Fritz Alphonse Jean.

Selon les Nations unies, près de la moitié de la population haïtienne vit dans une situation de vulnérabilité alimentaire.

Haïti est confrontée à des crises multiples : violences sexuelles contre les femmes et les filles, et embrigadement des enfants entre 12 et 14 ans dans des gangs.

Pour illustrer l’ampleur de la crise actuelle en Haïti, il déclare avoir présenté la situation à des députés canadiens.

« L’un d’eux m’a confié qu’une institutrice lui avait expliqué combien elle ne pouvait plus accueillir des enfants haïtiens dans son école au Canada, faute de structures adaptées ».

Ces enfants, venant d’une région en guerre, apportent avec eux des traumatismes profonds, a justifié l’institutrice.



Les responsables de l’école ont rapporté avoir surpris une fillette haïtienne, de 9 ans, en train d’expliquer à une petite canadienne de 8 ans comment se positionner pour réduire la douleur lors d’une pénétration, évoque, sans gêne, Fritz Alphonse Jean, pour expliquer combien cette anecdote tragique illustre « l’extrême violence sociale que nous vivons en Haïti ».

Regain de confiance, mais défis sécuritaires persistants

La présence de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (Mmas) aurait apporté un regain de confiance à certaines franges de la population et à la police nationale. Cependant, il existe une sous-estimation de la capacité des gangs sur le terrain, regrette-t-il.



Les policiers, appuyés par cette force, ont mené des offensives importantes, notamment dans l’Artibonite. Mais, un déficit de communication sur leurs réalisations limite l’impact de leurs efforts, critique sans retenue Fritz Alphonse Jean, lors de cette interview, qu’il a donnée par visioconférence dans un bureau, dont le cadre environnemental mal soigné n’a pas manqué d’attirer l’attention, au point de devenir un sujet de critiques et de débats.

Négligence protocolaire de Fritz Alphonse Jean

Certaines voix avisées déplorent l’absence du bicolore national dans le bureau de Fritz Alphonse Jean, lors de l’interview au journal dominicain Listin Diario. Ce qui peut être interprété comme une négligence et un manque de respect envers ce symbole national, de l’État et l’image institutionnelle.



Cette posture ne risque-t-elle pas également de donner l’impression d’une déconnexion entre Fritz Alphonse Jean et les valeurs qu’il est censé incarner ?

Ne pourrait-elle pas affaiblir la crédibilité du message, délivré par Fritz Alphonse Jean et détourner l’attention du contenu de l’interview ?

En effet, le drapeau, comme symbole, joue un rôle clé dans la construction d’une image de leadership et de patriotisme. Son absence peut être perçue comme un manque de préparation, de maturité et de dimension de responsable d’Etat, surtout dans un contexte de crise d’une telle ampleur, où l’image de responsable d’Etat est scrutée de près.

Un manquement qui aurait, de toute évidence, détourné l’attention des enjeux réels, abordés dans l’interview. [emb rc apr 05/04/2025 14:00]

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