Haïti : l’espoir inébranlable des enfants face à la violence 

Port-au-Prince, le 24 mars 2025 – « Après avoir passé quatre jours auprès des communautés et de nos partenaires en Haïti, où la crise perdure malgré l’indifférence de la communauté internationale, j’ai pu mesurer l’ampleur des souffrances des enfants et des jeunes du pays. Les familles vulnérables sont en proie à une situation catastrophique dans le centre du pays, où le chaos continue de priver les enfants de services essentiels et de les exposer à de graves risques en matière de protection. Leur présent et leur avenir sont véritablement menacés.

Les groupes armés contrôlent désormais près de 85 % de la capitale haïtienne, Port-au-Prince, ainsi que de vastes zones de la région agricole de l’Artibonite, ce qui a contraint des centaines de milliers de personnes à fuir et fait courir un risque à plus d’un million d’enfants. L’accès aux communautés affectées est de plus en plus limité par l’insécurité et la présence des groupes armés.

J’ai visité une école transformée en camp de déplacés à Port-au-Prince, qui abrite aujourd’hui plus de 7 000 personnes, dont la moitié sont des enfants. J’y ai rencontré des mères, des pères et des enfants forcés de fuir pour sauver leur vie, laissant tout derrière eux. Leur traumatisme était palpable. Les familles ont raconté avoir fui la ville sous les tirs, avoir vu leur maison réduite en cendres, et avoir été brutalement privées de nourriture, d’eau et de soins de santé.

Les enfants subissent les conséquences de ce conflit. Certains sont blessés, d’autres déplacés ou orphelins. J’ai également été témoin de l’incroyable résilience des Haïtiens sur ce camp, en voyant de nombreuses femmes déplacées tenir de petits étals, vendre des articles ménagers comme du savon ou du pain pour gagner un peu d’argent, afin de subvenir aux besoins de leurs enfants. Ces femmes refusaient d’abandonner, malgré tout ce qu’elles avaient enduré.

Le système de santé est au bord de l’effondrement. Plus de la moitié des hôpitaux du pays ne sont plus opérationnels, et il n’y a qu’un seul hôpital public en état de fonctionner dans la capitale. Aux Gonaïves, dans l’Artibonite, j’ai visité un centre de santé très fréquenté, qui est sur le point de fermer. Il accueille jusqu’à 500 personnes par jour, dont des jeunes mamans et des bébés, des femmes enceintes, des enfants malnutris et des victimes de violences sexuelles. Le directeur médical m’a dit clairement que sans le soutien continu de l’UNICEF, ils ne seraient plus en mesure de fonctionner. Le système de santé déjà fragile d’Haïti s’effondre sous la pression de la violence persistante et des ressources de plus en plus limitées. Cependant, les systèmes de prestation de services publics fonctionnent toujours en dehors des zones contrôlées par les groupes armés et doivent être à tout prix maintenus.

L’éducation n’est plus un espace protégé pour les enfants. Elle est menacée, puisque près d’un million et demi d’enfants ne sont pas scolarisés ou risquent de devoir abandonner l’école. Des centaines d’établissements scolaires ont été détruits ou réquisitionnés, ou sont utilisés comme abris temporaires pour les personnes déplacées.

C’est dans une école que j’ai pu entrevoir une lueur d’espoir. J’y ai rencontré une adolescente de 14 ans qui avait été violée et blessée par balle au visage. Malgré le traumatisme qu’elle a subi, elle continue d’aller à l’école. Cet établissement qui comptait autrefois 300 élèves accueille aujourd’hui 700 enfants déplacés d’une autre école qui a dû être fermée en raison de l’escalade des attaques menées par des groupes armés. La jeune fille m’a confié que malgré tout ce qui lui était arrivé, lorsqu’elle entrait en classe, elle retrouvait un sentiment d’espoir. Malgré le chaos et la surpopulation, elle s’accroche à son rêve de devenir médecin. Elle refuse d’abandonner, et nous devrions faire de même.

Sans accès à l’éducation, l’avenir de ces enfants est compromis. Sans protection, ils sont susceptibles d’être enrôlés dans des groupes armés ou d’être exposés à une violence indicible. Nous estimons que les enfants constituent 30 à 50 % des groupes armés. Les filles sont de plus en plus exposées au risque de violences sexistes et sexuelles perpétrées par ces groupes, ainsi que dans certains sites de déplacement qui ne bénéficient pas d’une protection suffisante.

Lors de réunions avec le Président du Conseil de transition, le Premier ministre et les ministres, nous avons convenu de la nécessité urgente de protéger les enfants et d’assurer l’accès aux services essentiels. Face aux défis actuels, l’UNICEF et le gouvernement ont réaffirmé leur engagement en faveur des droits et du bien-être des enfants, en mettant l’accent sur la santé, l’éducation, la protection et le développement des adolescents et des jeunes. Nous avons souligné l’importance d’une action coordonnée menée par le gouvernement haïtien en collaboration avec ses partenaires techniques et financiers tels que l’UNICEF, ainsi que de l’allocation par le gouvernement de ressources suffisantes et pérennes, y compris pour la réponse humanitaire, afin d’assurer la fourniture de services sociaux de base pour les enfants et de compléter les investissements de ses partenaires.

L’UNICEF s’est engagé à apporter une réponse humanitaire ciblée, effective et efficace aux enfants d’Haïti. Mais nous ne pouvons pas le faire seuls. Notre appel de fonds pour Haïti s’élève à 272 millions de dollars pour répondre aux besoins les plus urgents des enfants et seulement 15 millions de dollars ont été reçus à ce jour.  L’UNICEF s’efforce de venir en aide à 128 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère en Haïti, une forme de malnutrition qui multiplie par 10 le risque de décès si elle n’est pas traitée. Sans un financement durable de la part du gouvernement et de ses partenaires, dont l’UNICEF, chacun de ces enfants est en danger.

La crise actuelle du financement de l’aide humanitaire ne se limite pas à Haïti… elle touche le monde entier, et ce sont les enfants les plus vulnérables qui en paient le prix. J’ai vu en Haïti certains enfants parmi les plus vulnérables dans une situation désespérée. Mais j’y ai aussi vu de l’espoir. Les enfants d’Haïti gardent espoir en un avenir meilleur, ils se rendent à l’école chaque fois qu’ils le peuvent et refusent de renoncer à leur vie et à leur pays.

Ce n’est pas le moment d’abandonner Haïti.  En cette période de transition, il est temps d’investir dans ces enfants, dans leur avenir, afin d’éviter qu’une génération entière ne soit sacrifiée sur l’autel de la violence. »

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