Depuis mi-février 2025, les gangs qui terrorisent la capitale haïtienne ont accentué leurs actions, poussant plus de 60 000 personnes à fuir leurs maisons. Depuis Port-au-Prince, l’ONG Médecins sans Frontières constate une explosion de patients reçus dans ses hôpitaux. Elle craint également une détérioration des conditions d’hygiène et une flambée des épidémies.
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
«La violence est devenue quotidienne, presque palpable». Le constat de Christophe Garnier, chef de mission MSF (Médecins sans Frontières) en Haïti, vient illustrer les chiffres alarmants sur la situation humanitaire en Haïti. Près d’un dixième de la population totale est déplacée en raison de la violence des gangs: les Nations unies dénombrent plus d’un million de personnes qui ont dû quitter leur résidence, parfois plusieurs fois.
Et la situation ne s’améliore pas. Plus de 60 000 personnes ont été déplacées sur un mois (mi-février à mi-mars) dans la capitale haïtienne Port-au-Prince « en état de siège » en raison d’une nouvelle flambée de la violence des gangs qui ravagent le pays, selon l’agence de l’ONU pour les migrations (OIM). «Nous n’avons jamais observé un nombre si élevé de personnes déplacées en si peu de temps», a commenté dans un communiqué le chef de l’OIM dans le pays, Grégoire Goodstein.
Une violence omniprésente
Face à cette hausse des tensions, Médecins sans Frontières tente de continuer à fournir une aide médicale d’urgance. Avec environ 2 000 personnes dans son équipe, l’ONG déplore un pays «où la violence prend le dessus sur tout le reste».
Le chef de mission MSF (Médecins sans Frontières) en Haïti constate une «augmentation presque deux fois supérieure à ce que l’on voit habituellement» du nombre de patients reçus dans les divers hôpitaux gérés par MSF. Des victimes de balles perdues, ou des blessés par la violence qui règne dans les rues mais aussi en raison des accidents de la route, résultant de l’impossibilité de circuler normalement dans les rues de la capitale.
Pour éviter les dangers de la rue, le personnel de l’organisation habite en général à proximité des hôpitaux, et évite d’utiliser les ambulances pour transporter les personnes à soigner.
La fin de l’USAID
De plus, Christophe Garnier craint les prochaines semaines: «la situation sanitaire va aller se dégradant toujours un peu plus». D’abord avec la décision «catastrophique» de la suspension de l’USAID par l’administration Trump qui a des conséquences très concrètes. Par exemple, les ONG qui fournissaient de l’eau ou l’accès aux toilettes aux plus de 200 000 réfugiés dans des camps de fortune à Port-au-Prince ne disposent plus de fonds pour poursuivre cette aide.
En outre, l’approvisionnement, notamment de médicaments, est une source d’inquiétudes depuis la fermeture de l’aéroport de la capitale du pays. Christophe Garnier souligne aussi «une fuite des gens éduqués», notamment aux États-Unis, qui refusent de vivre une vie de misère et de peur quotidienne.
Le risque du choléra
Enfin, l’arrivée de la saison des pluies risque de compliquer le travail de MSF, avec une dégradation des conditions d’hygiène. «Imaginez des personnes, même avec une très bonne hygiène de vie, qui sont chassées de chez elles et qui se retrouvent à vivre dans un camp de fortune sous une bâche, sans accès à l’eau potable et sans accès à l’eau de service, avec insuffisamment de latrines, il y a un risque d’explosion du choléra qui est très élevé parmi d’autres épidémies», anticipe Christophe Garnier.
Les gangs contrôlent environ 85% du territoire selon l’ONU et multiplient ces derniers jours des attaques dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince. Le millier de soldats kenyans envoyé sous mandat onusien et la police haïtienne ne parviennent pas à juguler cette flambée de la violence des gangs, qui sèment la terreur depuis des années dans le pays.
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