AboVoyage à vélo couché
À 19 ans, il pédale jusqu’au Sénégal malgré son handicap
Parti du Nord vaudois, Antoine Bodmer accomplit un périple hors norme à la force des mollets, alors que ses jambes peinent à le porter.

Fin décembre, Antoine Bodmer se trouvait dans la région d’Erfoud, à l’est du Maroc.
- Antoine Bodmer parcourt l’Afrique de l’Ouest à vélo couché, malgré ses difficultés motrices.
- Ce périple semé de crevaisons et de chaleurs extrêmes a conduit le jeune Vaudois jusqu’au Sénégal.
- Les rencontres humaines lors de son voyage l’ont sensibilisé aux inégalités.
Heureux qui, comme Antoine, a fait un beau voyage. S’il n’a pas dû affronter les redoutables sirènes, tel Ulysse, le Vaudois de 19 ans a surmonté de nombreux écueils afin d’assouvir son désir: celui de voyager à la seule force des mollets jusqu’en Afrique de l’Ouest, malgré son handicap, au guidon de son vélo couché, à la rencontre d’autres peuples.
Sa maturité gymnasiale en poche, Antoine Bodmer a quitté son village de Villars-Burquin, perché dans le Nord vaudois, le 15 septembre dernier: cap sur le Maroc pour ce qu’il appelle son «voyage branlant». Cet adjectif fait référence aussi bien à la préparation un peu bancale de son périple qu’au manque d’équilibre de l’aventurier. Ses jambes peinent à le porter, au point qu’il se déplace souvent en fauteuil roulant, et ses mains manquent de motricité fine.

Le 15 septembre 2024, Antoine Bodmer quitte Villars-Burquin pour un voyage de près de 8000 km.
Antoine Bodmer
S’il refuse d’être enfermé dans la posture du «handicapé extraordinaire et inspirant», le futur étudiant en anthropologie et philosophie le reconnaît: «Mon problème affecte ma façon de voyager et les expériences que je fais.» Monter sa tente lui prend une heure au lieu de dix minutes, changer une chambre à air parfois davantage, avec la fatigue.
Crevaisons à répétition
Son trajet a d’ailleurs manqué de s’arrêter prématurément le long de la côte espagnole, mis à mal par des crevaisons à répétition. «Je chialais pas mal le soir dans ma tente. J’avais envie de revenir en Suisse», se souvient Antoine Bodmer. Au téléphone, ses parents, Carine et Claude, le consolent, l’encouragent: «Que tu reviennes ou que tu continues, on respecte ton choix.»

Le jeune Vaudois Antoine Bodmer fait une pause près d’Errachidia, dans le Haut Atlas marocain, fin décembre.
Antoine Bodmer
Dans son esprit, l’expédition relève moins du défi que du rite de passage. «Je voulais voyager pour apprendre sur les autres et moi-même, avant de commencer l’université. Le voyage est un autre moyen d’apprentissage. Quand je suis parti, j’étais un adolescent, mais là, je me sens adulte», confie-t-il depuis Saint-Louis, au Sénégal, où l’aventure continue.
Car après deux semaines au nord du Maroc, son objectif atteint, Antoine Bodmer songe à regagner la Suisse, quand un couple anglo-canadien de cyclistes l’incite à s’approcher du Sahara occidental. Avec eux, il trace finalement la route à travers le désert. «Avec le vent dans le dos, on a pu faire jusqu’à 150 km sans rien croiser. Je trimballais 6 à 7 litres d’eau, détaille le jeune Vaudois. Je me rends compte que mon corps est capable de faire beaucoup, alors que je ne lui faisais pas trop confiance.»

Malgré ses difficultés motrices, Antoine Bodmer a traversé une partie du Sahara.
Antoine Bodmer
Antoine Bodmer raconte: «Je vomissais mes tripes»
Il a toutefois ses limites. Après avoir été émerveillé par les cités caravanières de l’Adrar et leurs bibliothèques séculaires, il y a quinze jours, Antoine tombe malade lors d’un séjour dans une oasis en plein cœur brûlant de la Mauritanie. «Mon corps a mal vécu de pédaler en plein soleil sous 40 °C. Je vomissais mes tripes, j’étais déshydraté. C’était rude.» Il a dû se résoudre à lâcher une nouvelle fois le guidon et passer la frontière en voiture.
Écolo dans l’âme, le jeune homme se plaît à avancer à une allure aussi faible que son empreinte carbone. «Le vélo est l’un des moyens les plus intéressants de voyager. On est obligé de s’arrêter régulièrement, là où les touristes en 4×4 ne le font pas. On fait de super découvertes. On peut avoir des interactions sociales quand on traverse lentement les villages.» Pour lui, les rencontres humaines ont plus de valeur que les paysages.

Des lignes droites à perte de vue, dans les environs de Tarfaya, au Maroc, fin janvier.
Antoine Bodmer
Justement, ces destinées souvent croisées en sens inverse, sur la route de l’Europe en quête d’une vie meilleure, sont la source d’une sérieuse prise de conscience. «Je côtoie tellement de personnes qui galèrent profondément. Ça m’interroge sur le bien-fondé de voyager et de repartir sans les avoir vraiment aidés. Je me sens impuissant. C’est impossible de ne pas devenir altermondialiste en découvrant du pays!»
À son retour, avant la rentrée universitaire, Antoine Bodmer se promet de s’engager dans des associations. Au sud du Maroc, il a tout de même pu aider à la rénovation d’une maison traditionnelle.
«Au-delà de l’exploit sportif, ce qui m’a frappé, c’est sa façon de mettre le monde en perspective et de se remettre en question», admire son père, Claude. De temps en temps, il localise son fils pour se rassurer. «Ce voyage nous angoisse, évidemment, mais quand il a une idée en tête, il va au bout!» ajoute-t-il. Et dire qu’il y a peu, Antoine n’était pas très à l’aise en descendant de chez lui à Yverdon, 15 km plus loin…
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