Par: Zakia Laaroussi
L’Algérie ne se contente plus d’incarner ce voisin à la respiration courte, toujours prompt à éteindre maladroitement les feux. Elle est désormais celle qui allume les brasiers et hurle au secours en s’improvisant victime.
Dans une scène aux allures surréalistes, Alger crie à l’indignation, ferme son espace aérien à Bamako, rappelle ses ambassadeurs, et proclame sa « grande consternation », après que le Mali l’a accusée d’avoir abattu un drone sur son territoire.
La réaction algérienne ressemble à celle de celui qui pleure avant même qu’on ne le gifle, incarnant à merveille ce proverbe égyptien célèbre : « Il m’a frappé et s’est mis à pleurer, puis m’a devancé pour se plaindre ». Un véritable théâtre d’ombres, où le simulacre prend le pas sur la diplomatie.
Comme si notre voisine avait oublié qui a soufflé sur les braises le premier. Depuis longtemps, l’Algérie se présente comme la marraine exclusive du Sahel, garante — du moins en apparence— des accords de paix avec les Maliens. Mais au lieu de jouer les médiatrices, elle s’est positionnée comme tutrice, juge et partie.
Le ministère algérien de l’Ingérence affirme que le drone abattu à Tin-Zaouatine — à la frontière — est le troisième en quelques mois à violer son espace aérien.
Le Mali, de son côté, riposte avec assurance : le drone se trouvait bien à l’intérieur de son territoire, et son abattage relève d’un acte hostile et prémédité, perpétré à 9,5 kilomètres au sud de la frontière algérienne.
Entre les radars algériens et l’enquête formelle malienne, la vérité semble s’évaporer dans la turbulence des narratifs.
En réponse à ces accusations qualifiées de « graves », Alger a annoncé des mesures de réciprocité : fermeture immédiate de son espace aérien aux vols maliens, rappel de ses ambassadeurs au Mali et au Niger, suspension de la prise de fonctions de son nouvel ambassadeur au Burkina Faso.
Certains y voient une affirmation de souveraineté ; d’autres y lisent un épisode supplémentaire dans la série du déni, où le fautif se drape dans les habits de la victime, à grand renfort de déclarations officielles.
La posture algérienne ne justifie pas l’acte : elle le maquille. Comme le dit si bien ma grand-mère Khira :
« Celui qui a la peau qui démange est toujours le premier à se gratter ». Au lieu d’apporter des preuves tangibles, l’Algérie opte pour la confusion stratégique, accusant le Mali de chercher un bouc émissaire à ses propres échecs, et l’affublant d’un projet putschiste qui aurait plongé le pays dans le chaos. Le message algérien ? Ne regardez pas le ciel où le drone est tombé… Regardez plutôt la terre où je sème mon récit victimaire.
Ce qui inquiète véritablement Alger, ce n’est pas tant la carcasse d’un drone, que le réveil politique concerté des trois États sahéliens (Mali, Niger, Burkina Faso), qui, pour la première fois, ont parlé d’une seule voix en rappelant leurs ambassadeurs. Un geste que la diplomatie algérienne qualifie de ralliement irréfléchi aux accusations maliennes — comme si quiconque ose s’opposer à Alger est, par nature, dans l’erreur.
Cher lecteur, nous assistons ici à un interlude burlesque aux accents bien réels.
L’Algérie cherche aujourd’hui à déplacer le conflit du champ militaire vers la scène diplomatique, misant sur l’amplification rhétorique pour camoufler ses impairs stratégiques.
Mais cette manœuvre ne déroute pas que Bamako ; elle embrouille les peuples de la région, qui commencent à douter des intentions de ceux qui prêchent la paix tout en brisant le silence par des bombes verbales.
C’est une leçon de diplomatie du miroir, où celui qui se pense éternellement victime, refuse d’admettre que les autres ont, eux aussi, appris la langue des intérêts, et non plus celle des flatteries.
L’Algérie, qui s’est longtemps enorgueillie de son rôle stabilisateur au Sahel, semble aujourd’hui vaciller entre prétention à la neutralité et propension à l’ingérence.
Au lieu d’expliquer pourquoi ses drones survolent les confins du désert, elle préfère parler de complot et d’alignements dangereux.
Mais qu’elle se le tienne pour dit : le proverbe populaire ne ment jamais : « Seul celui qui craint la vérité cherche à l’étouffer… et le fil des mensonges diplomatiques est toujours court. » L’Algérie manie ici ce que l’on pourrait appeler la « diplomatie de la poussière » : elle soulève des tempêtes pour masquer des traces trop lourdes à effacer.
Alors, sommes-nous face à une simple tentative d’étouffer une erreur technique ? Ou bien à un escalade préméditée, pour solder des comptes politiques dans une région en pleine ébullition géostratégique ?
Ce qui est certain, c’est que la transparence est absente, et que la posture algérienne ressemble de plus en plus à une longue pièce de théâtre tragique : « Tente de me capturer en photo, je serai toujours la victime… même si la pierre est dans ma main. »
Le proverbe ne ment pas. Il finit toujours par dévoiler l’essence des choses. Et peut-être que la meilleure épitaphe à ce tumulte diplomatique nous vient d’un vieux dicton marocain : « Qui commet la faute mérite la punition… et qui n’a rien à se reprocher ne craint pas l’enquête. » Que les radars parlent avant les communiqués, Que la vérité détruise le vacarme, Et que la lumière lève enfin le brouillard sur ce théâtre d’ombres.
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