Le groupe Bolloré et son ancien PDG, Vincent Bolloré, sont de nouveau sous le feu des projecteurs judiciaires. Un collectif d’ONG africaines, Restitution pour l’Afrique (RAF), a déposé une plainte auprès du parquet national financier (PNF) de Paris, dénonçant un système opaque fondé sur la corruption et le favoritisme dans l’attribution des concessions portuaires en Afrique.
Les plaignants réclament la restitution de plusieurs milliards d’euros, issus de la cession des actifs africains du groupe en 2022, estimant que ces profits ont été acquis de manière frauduleuse.
Un empire controversé
Depuis les années 1980, Bolloré s’est imposé comme un acteur incontournable en Afrique, contrôlant jusqu’à 16 concessions portuaires et employant plus de 20 000 personnes sur le continent. Mais cette domination a souvent été critiquée pour son manque de transparence et ses liens étroits avec certaines élites politiques locales.
Le collectif RAF, regroupant des ONG de six pays africains, accuse le groupe d’avoir obtenu ses concessions par des pratiques frauduleuses : financements occultes de campagnes électorales, nominations stratégiques de responsables politiques et attribution de contrats sans appels d’offres.
Un système de corruption pointé du doigt
Selon la plainte, les ports de Lomé (Togo), Conakry (Guinée), Douala et Kribi (Cameroun), Tema (Ghana) et Abidjan (Côte d’Ivoire) ont été attribués à Bolloré dans des conditions douteuses. Plusieurs enquêtes judiciaires avaient déjà mis en lumière ces pratiques.
En Guinée et au Togo, par exemple, des soupçons de financement illégal des campagnes électorales de Faure Gnassingbé et Alpha Condé par une filiale du groupe remontent à 2013. Le RAF estime que ces méthodes ont privé les États de ressources essentielles, freinant ainsi les investissements en infrastructures, éducation et santé.
« La corruption détruit des vies en Afrique. Moins de routes, moins d’hôpitaux, moins d’investissements… Il est temps d’exiger justice », affirme Jean-Jacques Lumumba, président du RAF.
Des milliards d’euros en jeu
L’élément inédit de cette plainte repose sur le concept de « biens mal acquis inversés ». Les ONG considèrent que les bénéfices tirés des concessions portuaires obtenues frauduleusement ont été blanchis via leur revente.
En 2022, Bolloré Africa Logistics a été cédée pour 5,7 milliards d’euros. Une somme que les plaignants jugent partiellement illégitime et dont ils exigent la restitution pour financer des projets de développement en Afrique. Ils s’appuient sur une loi française de 2021, qui permet d’allouer les avoirs issus de la corruption à des initiatives d’intérêt public dans les pays concernés.
Vers un procès ?
La plainte déposée pourrait déboucher sur une nouvelle enquête, voire un procès. En 2021, le groupe Bolloré avait accepté de payer une amende de 12 millions d’euros pour éviter des poursuites sur des faits similaires.
Cependant, en juin 2024, le PNF a refusé de clore l’affaire, estimant que la gravité des accusations nécessitait une audience publique.
Si la justice donne suite à cette plainte, Bolloré pourrait faire face à l’un des plus grands procès économiques de ces dernières années, avec des implications majeures pour la gestion des infrastructures portuaires en Afrique.
La rédaction
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