« Il faut remettre du bon sens paysan dans ce monde instable »

Dominique Chargé. Emmanuel Macron a été fidèle à ce que nous souhaitons aujourd’hui, c’est-à-dire une Europe qui remette l’agriculture et la souveraineté alimentaire au centre de ses préoccupations. J’adhère également à ce qui a été dit autour de la transition écologique, de la nécessité et des moyens nécessaires pour l’accomplir.

Quelles sont les revendications de vos adhérents ?

Nos adhérents ressentent un manque de considération, de reconnaissance qui a pu être mis en évidence lors de la crise agricole ces derniers mois. Il peut exister une incapacité à exercer leur métier à cause de différentes contraintes ou interdictions. Aujourd’hui, la ferme France décroche en compétitivité. Nous voulons mettre en évidence l’incohérence entre les objectifs assignés à savoir la souveraineté alimentaire ou la transition écologique et les moyens qui sont déployés qui ne suffisent pas pour atteindre ces objectifs. Depuis une vingtaine d’années, la production baisse en France au profit d’importations qui ne respectent pas nos standards. Les coopératives agricoles souhaitent restaurer notre souveraineté alimentaire et de retrouver nos capacités de production.

Après la crise sanitaire, l’inflation, les Français ont massivement baissé leur consommation et sont descendus en gamme ce qui a baissé notre compétitivité. Nous ne sommes pas suffisamment positionnés sur les produits d’entrée de gamme et de cœur de gamme qui constituent la majeure partie de la consommation en France. Nous demandons aujourd’hui l’accès à l’eau, des moyens de protection de nos cultures et de nos animaux, les moyens de s’adapter au changement climatique comme les techniques d’hybridation des végétaux. Aujourd’hui, nos coopératives peinent à accompagner les agricultures sur la mise en œuvre de ces transitions. Enfin, nous souhaitons des normes de classement des élevages qui soient équivalentes dans tous les pays européens. En effet, elles sont beaucoup plus restrictives en France que dans le reste de l’Europe, ce qui pénalise encore notre compétitivité.

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Pensez-vous que le projet de loi sur l’orientation agricole est à la hauteur des attentes des agriculteurs ?

Le fond est bon, mais il manque de muscle sur les moyens pour engager les jeunes dans des projets économiques qui soient résilients et qui leur permettent d’avoir suffisamment de visibilités sur leur parcours d’agriculteur. Nous souhaitons que ce projet de loi soit renforcé sur deux volets : un volet compétitivité et un volet accompagnement des transitions. Nous aimerions également y voir la sécurisation des moyens de production, l’eau, la génétique végétale, animale, les engrais et les moyens de protéger nos cultures. Pour répondre aux attentes du marché, il faut mieux organiser économique l’offre de production. Il ne faut plus fonctionner dans une économie de « flux poussé », mais dans une économie de « flux tiré », c’est-à-dire décider de la production en fonction des attentes du marché. Il faut également moderniser nos exploitations, faire appel à de la robotique, au numérique.

Quelles sont les propositions de la Coopération Agricole pour l’Europe ?

Nous avons de nombreuses propositions réparties sur deux plateformes. La première de 50 propositions pour moins de complexité et plus de compétitivité. Cette plateforme était destinée à répondre à la crise agricole. Et la deuxième, une plateforme de 25 propositions pour plus d’Europe et mieux d’Europe. Nous sommes des Européens convaincus et nous pensons que le périmètre économique pour le monde agricole est européen. Nous proposons notamment d’avoir un vice-président de l’Union européenne exclusivement dédié à l’agriculture, à l’alimentation et à la ruralité. Nous demandons aussi la mise en place systématique d’études d’impact économiques à chaque nouvelle réglementation. Nous souhaitons une Europe plus homogène, ne plus avoir de surtransposition, par exemple sur l’étiquetage nutritionnel, l’emballage, les déchets, la réglementation phytosanitaire ou encore le bien-être animal.

Le périmètre économique pour le monde agricole est européen

Nous proposons davantage de convergence fiscale et sociale. Le coût complet de la main-d’œuvre en France est plus élevé que la moyenne européenne : 37,9 euros en France contre 22,8 euros en Espagne par exemple. Nous souhaitons développer un Carbon Act européen afin d’éviter le dumping environnemental et que les coûts de décarbonation soient bien inclus dans les échanges internationaux. Enfin, nous voulons lever les freins idéologiques et réglementaires pour avoir accès aux technologies et à l’innovation agronomique.

Quels sont les grands enjeux pour les coopératives agricoles ?

La souveraineté alimentaire, la compétitivité de nos fournisseurs, la massification et le déploiement des transitions écologiques et l’adaptation au changement climatique. La sécurité alimentaire européenne est une priorité absolue. Il faut remettre du bon sens paysan dans ce monde qui est devenu instable.

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