« Il n’y a pas de mode d’emploi »

Le combat de la journaliste Clémentine Vergnaud, plus de deux millions d’auditeurs le connaissent grâce au sublime podcast qu’elle a laissé derrière elle, intitulé Ma vie face au cancer. Quatre mois après que la maladie l’a emportée le 23 décembre 2023, à l’âge de 31 ans, ce sont ses parents qui racontent.

Lorsque tombe le diagnostic de son cancer des voies biliaires, en juin 2022, Clémentine vit à Clamart, à 400 kilomètres de leur maison de Courlay, où elle a grandi. Dès lors, Élisabeth et Bruno Vergnaud endossent sans vraiment le conscientiser le rôle d’aidants, comme un Français sur six.

« Une journée loin d’elle, c’était une journée perdue »

L’écoute du journal de bord de Clémentine convaincra qui en doutait de l’importance de « ces incontournables autour de soi ». « J’ai au moins mes parents et mon mari qui tous les jours se relaient pour dormir avec moi, m’aider à faire ma toilette, à manger. Ça amène autre chose à la fin de vie », témoigne-t-elle, dans le dernier épisode.

« On s’adaptait à ses besoins, rapporte Élisabeth Vergnaud, infirmière. Quand des amis ou son mari venaient la voir, on s’éclipsait ».
© (Photo E. et B. Vergnaud)

« Elle nous appelait ses trois mousquetaires, se souvient son papa. On était toujours là. C’était important pour elle comme pour nous. Le fait d’être à la retraite nous a permis d’être à 100 % disponibles. »

« Si elle nous appelait en pleurs, on n’avait pas besoin de renouveler notre arrêt de travail pour aidant ou de prévenir un employeur : on partait dans l’heure pour l’hôpital », ajoute Élisabeth Vergnaud, d’un timbre de voix troublant de similitude avec celui de sa fille.

Il n’y a pas de mode d’emploi pour mettre un enfant au monde, pas non plus pour l’accompagner dans sa fin de vie.

Élisabeth Vergnaud, maman de Clémentine Vergnaud Courlay

« Il n’y a pas de mode d’emploi pour mettre un enfant au monde, pas non plus pour l’accompagner dans sa fin de vie. » Cette phrase de la maman de Clémentine, on l’a soulignée dans notre carnet de notes, comme pour mieux s’en souvenir.

Dans le cas des Vergnaud, on compose à vue, à l’instinct. Retraité du secteur automobile, lui assure la logistique, de la gestion des transports à l’installation d’un sapin, pour égayer la chambre d’hôpital à l’approche de Noël. Infirmière de formation, elle gère l’administratif, la médiation avec « une assistante sociale inexistante » et une Sécurité sociale apathique, ou encore le planning des visites – « sur la fin, pas plus de deux par jour, pour ne pas la fatiguer ».

C’est en partie grâce à l’accompagnement de ses parents que Clémentine a pu finir sa vie à l’hôpital Paul-Brousse, sans aller en soins palliatifs.

C’est en partie grâce à l’accompagnement de ses parents que Clémentine a pu finir sa vie à l’hôpital Paul-Brousse, sans aller en soins palliatifs.
© (Photo NR, Camille Montagnon)

Il y a aussi des tâches partagées, comme apporter à Clémentine ses chocolats et macarons préférés, masser quotidiennement ses œdèmes, ce que le personnel soignant ne peut faire par manque de temps, trouver les mots justes ou se relayer à son chevet, pour des nuits « où l’on ne dort que d’un œil », toujours prêt à faire feu, pour l’aider à se tourner dans son lit ou à rejoindre les toilettes.

Sans possibilité de dormir sur place, à Paris, « tout ça aurait été infaisable financièrement », commente Élisabeth Vergnaud, pour laquelle, à l’époque, chaque jour passé à Courlay tournait au supplice. « Notre place était là-bas, avec elle. » S’il a ressenti le besoin « de souffler, marcher ou de ne voir personne », le couple n’a jamais recouru au droit au répit des aidants, au motif qu’« une journée loin d’elle, c’était une journée perdue ».

Clémentine Vergnaud pose ici avec son papa devant le sapin de Noël qu’il avait ramené dans la chambre de sa fille, décorée par l’une de ses sœurs.

Clémentine Vergnaud pose ici avec son papa devant le sapin de Noël qu’il avait ramené dans la chambre de sa fille, décorée par l’une de ses sœurs.
© (Photo E. et B. Vergnaud)

Entourée du début à la fin

Bruno Vergnaud se souvient des soirées passées avec Clémentine à l’hôpital, devant les dessins animés de son enfance, en mangeant des plats glanés au restaurant chinois du coin. Ou du jour où ses sœurs ont arpenté Paris afin de se prodiguer robe, chaussures et serre-tête en prévision de son mariage, qu’elle a célébré quelques semaines avant son décès. Dans le podcast, Clémentine qualifie ces temps privilégiés de « moments dorés », durant lesquels on oublie un peu la maladie.

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C’est la part de Français qui accompagne à titre non professionnel une personne en perte d’autonomie. En 2030, ce pourcentage sera de 25 %.

Du début à la fin, la famille Vergnaud a lutté jour et nuit aux côtés de Clémentine, qui laisse derrière elle « un vide abyssal ». Aujourd’hui, estime son père, « on fait les choses machinalement, mais le monde continue de tourner sans nous ». En avril, ils ont souhaité revoir l’équipe médicale de l’hôpital Paul-Brousse, dont le soutien a été précieux, et à laquelle le podcast rend hommage.

Pour le reste, le temps fera les choses mieux que n’importe quel psychologue, mise Élisabeth Vergnaud : « On va reprendre pied tout doucement, mais il y a ce couloir du temps à traverser. » Avec au bout, espère-t-on, de nouveaux moments dorés.

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