Depuis 1793, la principauté de Monaco, annexée à la France, n’était plus qu’une simple sous-préfecture dans le département des Alpes-Maritimes. La chute de Napoléon Ier, en 1814, rend soudain espoir aux Grimaldi.
Le 3 mai 1814, un mois après l’abdication de Napoléon, Louis XVIII entre dans Paris. La charte constitutionnelle, octroyée à Saint-Ouen, est datée de la dix-neuvième année de son règne. La France renoue avec les Bourbons, et l’ancienne noblesse revient en faveur, tandis que la nouvelle se rallie aux lys. Le duc de Feltre, qui a l’opportunisme de prêter allégeance au roi, est chargé de communiquer à Honoré-Gabriel – le fils aîné d’Honoré IV, prince titulaire de Monaco – sa nomination au grade de chef d’escadron. Dès le 14 avril 1814, les membres de la Maison princière de Monaco ont adressé une supplique à Louis XVIII, afin que, « dans ce moment glorieux et brillant où tout se régénère en Europe et où, vraisemblablement, un traité de paix générale va réintégrer chaque souverain dans ses possessions, [il ait] l’extrême bonté de la faire rentrer dans ses droits et propriétés et de daigner reprendre la principauté de Monaco sous sa puissante protection ».
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Sur les bords de la Méditerranée, un terrible hiver et le blocus des côtes entraînent une profonde misère. La nouvelle de la chute de Napoléon, le 17 avril, y est saluée avec enthousiasme. Très largement, la population, qui arbore la cocarde blanche, souhaite revenir sous le protectorat de la France, ou même rester en son sein. C’est pourquoi la restitution du comté de Nice au roi de Piémont-Sardaigne, laisse craindre que l’ancienne principauté ne lui soit annexée dans le même élan. Il n’est pas question, de prime abord, de restaurer les Grimaldi. Durant un mois, alors que les puissances scellent à Paris le destin de la France, chacun se tient dans l’expectative. Vers la mi-mai, le prince Joseph, le frère cadet d’Honoré IV, ancien chambellan de l’impératrice Joséphine, répond à l’un de ses correspondants à Menton : « Malheureusement, le sort de la principauté de Monaco est encore inconnu et malgré nos vives déclarations, nous ignorons encore le résultat du congrès à notre égard. »
Le traité de Paris replace Monaco sous protectorat français
Le 17 mai, la menace étrangère se précise, quand un commissaire autrichien, flanqué d’une soixantaine de hussards, prend possession du Rocher. Cependant, les chefs alliés continuent de tolérer le drapeau fleurdelysé, qui flotte sur la citadelle à côté du pavillon des Grimaldi, depuis qu’on a amené les trois couleurs. À l’instigation de Louis de Millo-Terrazzani – le fils du maréchal de camp d’Honoré III –, qui dirige un gouvernement provisoire autoproclamé, les notables des trois communes de Monaco, Roquebrune et Menton expriment, par une pétition, « le vœu le plus sincère et le plus ardent » d’être bientôt gouvernés par le prince héréditaire Honoré-Gabriel, duc de Valentinois – qui deviendra Honoré V en 1819 –, « sous l’auguste protection de Sa Majesté Louis XVIII ». C’est alors que le prince Joseph intervient une fois de plus auprès de son ami Charles-Maurice de Talleyrand, négociateur du traité de Paris, afin que Monaco ne soit pas oublié. Le 30 mai 1814, la France est ramenée à ses frontières de 1792. Le huitième paragraphe de l’article premier édicte que le royaume renonce à tout droit sur les territoires placés hors de ces limites. Cependant, une phrase, rajoutée in extremis, vient préciser : « La principauté de Monaco étant toutefois replacée dans les rapports où elle se trouvait avant le 1er janvier 1792. » C’est-à-dire sous le protectorat français, institué par le traité de Péronne de 1641.
Dans Une année à Florence, Alexandre Dumas donnera de cet épisode une version humoristique, et assez fantaisiste, que reprendra plus tard Sacha Guitry. Le romancier – première bourde historique – situe la scène à Vienne. Et ce serait par l’entremise de Madame de Dino, qui était à la fois la nièce et la maîtresse du « Diable boiteux », que Talleyrand, prince de Bénévent, aurait songé à l’avenir du Rocher. Leur dialogue imaginaire est cependant délectable :
« – Mon cher prince, lui dit-elle un jour, est-ce que vous ne ferez rien pour ce pauvre Monaco, qui, depuis quinze ans, comme vous savez, a tout perdu, et qui avait été obligé d’accepter je ne sais quelle pauvre petite charge à la cour de l’Usurpateur ?
« – Ah ! si fait, répondit le prince, avec le plus grand plaisir. Ce pauvre Monaco ! Vous avez bien fait de m’y faire penser, chère amie ! Je l’avais oublié.
« Et le prince prit l’acte du congrès qui était sur sa table, et dans lequel on retaillait à petits coups de plume le bloc européen que Napoléon avait dégrossi à grands coups d’épée ; puis de sa plus minime écriture, après je ne sais quel protocole qui regardait l’empereur de Russie ou le roi de Prusse, il ajouta : ‘Et le prince de Monaco rentrera dans ses États.' »
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