ils ont fait honneur à Senna !

Un succès populaire

D’année en année, c’est un fait : les grands prix historiques connaissent un succès croissant, attirant un public toujours plus nombreux, qui s’est aussi féminisé et rajeunit. Preuve que l’amour de la belle mécanique se transmet.

La formule est simple : les voitures sont belles et font du bruit, les plateaux sont variés et riches, les pilotes sont accessibles et font le spectacle, le tout dans une ambiance passionnée et nostalgique. Oui, ne croyez pas que les pilotes, bien que plus tous jeunes pour certains, soient là pour faire de la figuration. Les participants « envoient du lourd » et ne font pas semblant, ce qui d’ailleurs s’est traduit par des accrochages, des sorties de piste et des ruptures mécaniques. On fait la course pour de vrai, même au volant de modèles historiques. Quand on se trouve en bord de piste et que l’on est soufflé par le bruit d’un V12 Ferrari, d’un V12 Matra ou d’un V8 Cosworth, le V6 Turbo hybride nous semble bien fade à côté. On tourne peut-être en 1’30-1’35 contre 1’10, mais est-ce bien là le plus important ?

Le programme se répartissait sur 8 séries, se déclinant de la série A1 mettant en lice les voitures de grand prix et les voiturettes d’avant-guerre, jusqu’à la série G avec les F1 comprises entre les années 1981 et 1985. La particularité de la série C était de voir évoluer des voitures de sport à moteur avant, produites entre 1952 et 1957, l’édition 1952 du grand prix de Monaco ayant été disputée par cette catégorie. Les machines d’avant-guerre sont toujours aussi impressionnantes à voir, surtout au niveau de leur pilotage. On peut vraiment admirer le travail physique du pilote, qui joue des bras mais aussi du haut du corps, de son buste, de ses épaules pour accompagner le bolide dans la prise des virages.

Quel plaisir, quel émerveillement au passage des Bugatti Type 35, le modèle qui fête son centenaire. Petite déception, une seule Alfa Romeo cette année, pas des moindres, puisqu’il sagit d’une 8C 2300 Monza 1933 ayant été conduite par Tazio Nuvolari. Malheureusement, une panne mécanique laissera la belle milanaise au paddock le dimanche.  à Monaco, quel privilège d’être si près, au point d’avoir presque la sensation de pouvoir les toucher, principalement dans l’épingle du Fairmont et dans le dernier virage d’Anthony Noguès !

Du beau monde au volant

Dimanche matin dans la Série A2, a été remportée par Claudia Hürtgen, comme en 2022, au volant de sa Ferrari 246 Dino de 1960. Une belle revanche sur le destin pour l’allemande, qui avait été grièvement blessée à la main lors du grand prix de Monaco F3 en 1993, suite à un accident où sa monoplace s’était retournée. Cette blessure avait alors interrompu sa carrière en monoplace. Et en plus d’une couronne de lauriers et d’un trophée original, une figurine « Antoine le Pilote » représentant Juan Manuel Fangio, la très expérimentée pilote allemande a été récompensée par Ruben Fangio, fils du quintuple champion du monde argentin. Claudia Hürtgen a terminé avec 20 secondes d’avance sur Marino Franchitti, le frère de Dario (triple vainqueur des 500 Miles d’Indianapolis), dans une Maserati 250F, et Anthony Wood (Tec-Mec).

Dans la série B réservée aux F1 du début des années 60, nous avons pu assister à un duel « revival » splendide entre Lotus et Ferrari. Andy Middlehurst, dans une Lotus 25 de 1962, ayant remporté plusieurs Grands Prix aux mains de l’immense Jim Clark, a résisté jusqu’au bout aux assauts de la Ferrari 1512 de 1964 (ex-John Surtees et Lorenzo Bandini), pilotée par l’Américain « Joe » Colasacco, qui échoue à 7 dixièmes du vainqueur.

La course de la Série D « Jackie Stewart » (12 tours) était réservée aux F1 des saisons 1966 à 1972, équipées de moteurs 3 litres atmosphériques. Michael Lyons, parti en pole position, au volant d’une jolie Surtees TS9 de 1971, a été victime d’un ennui mécanique. La première place a été récupérée aussitôt par le Japonais Katsuaki Kubota qui pilotait la superbe Lotus 72 JPS avec laquelle Ronnie Peterson était monté sur le podium en principauté en 1973. A la 3e place figure « Mr John of B », dans qui évoluait sur une superbe Matra MS120 dont le moteur V12 nous envoûte toujours. Et au pied du podium, on trouve un certain Adrian Newey, le fameux ingénieur en partance de Red Bull.  Il termine à une superbe 4e, au pied du podium au volant d’une Lotus 49B de 1968 rouge et or.

Dans la course de la Série E (monoplaces de F1 construites entre 1973 et 1976), baptisée « Niki Lauda », c’est l’Anglais Stuart Hall, parti en pole position, qui a fait triompher une McLaren M23 de 1973, toute blanche. Il devance Nicholas Padmore (Lotus 77) et Michael Lyons (McLaren M26) alors que Marco Werner, triple vainqueur des 24 Heures du Mans, et némésis de Jean Alesi sur l’édition 2021, a été contraint à l’abandon dans sa Lotus 76 de la saison 1974 (ex-Ronnie Peterson). On pouvait admirer dans cette série la Ferrari 312 B3-74 de Niki Lauda, qui était déjà présente lors du grand prix de France historique en avril dernier.

Le week-end s’est conclu par les séries F « Gilles Villeneuve » (F1 entre 1977 et 1980) et série G « Ayrton Senna » (1981-1985), soit les F1 à effet de sol puis les F1 à monocoque carbone.

La série F a été chaotique, avec trois interruptions par drapeau rouge en raison des trop nombreux incidents en piste. Michael Lyons, auteur de la pole samedi avec sa Hesketh 308 E bleue, aux couleurs du magazine de charme « Penthouse » (ah les seventies !), a décroché un 8e succès en Principauté depuis 2012, sur un circuit qu’il affectionne énormément. Il est suivi par des Fittipaldi jaunes, « made in Brazil », dont une pilotée par Jonathan Cochet, le champion de France de Formule 3 en l’an 2000. A noter que Zak Brown, le patron de McLaren Racing, était au volant…d’une Williams !

La dernière course était celle de la Série G, un hommage vibrant à Ayrton Senna en présence de plusieurs membres de sa famille (Bianca, Paola et Bruno) qui ont distribué les coupes et les récompenses sur le podium final. Stuart Hall, né en 1984 (tiens donc), s’est imposé sur sa March 821 devant les Lotus de Marco Werner et Michael Lyons.

Senna sempre

L’édition 2024 était évidemment d’une certaine émotion, puisque nous commémorons le 30e anniversaire de la disparition d’Ayrton Senna à Imola. Comme au Castellet, Monaco a rendu hommage à Magic, qui a bâti une partie de sa légende dans les rues de la Principauté, avec 6 victoires – un record, dont 5 consécutives entre 1989 et 1993 – ainsi que des tours de qualifications mémorables, dont la fameuse pole position 1988, où il infligea 1’’5 d’écart à Alain Prost. Senna avait alors expliqué être entré dans une sorte d’état second, un « tunnel » dans lequel il avait réalisé avoir dépassé « son état de conscience ».

Pour l’occasion, plusieurs véhicules légendaires étaient réunies, comme son kart de 1977, la Ralt F3 avec laquelle il fut champion d’Angleterre de F3 , la Formule Ford 2000 Van Diemen RF82 et surtout trois F1 iconiques : la Toleman Hart TG84 de 1984, avec laquelle il écrivit la première page de son histoire légendaire dans les rues détrempées de Monaco, la Lotus-Renault noir et or 97T de 1985, avec laquelle il remporta ses premières victoires et signa ses premières poles, puis une McLaren-Honda MP4/5B de 1990, avec laquelle il fut champion du monde. Bruno Senna, neveu d’Ayrton et qui fut lui-même en F1 entre 2010 et 2012, a pris le volant de la McLaren pour une parade chargée d’émotion. Revoir ce casque jaune et vert, au volant d’une monoplace rouge et blanche dans les rues de la principauté, était une sensation assez exceptionnelle.


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