MICHEL EULER / AFP
Dominique de Villepin attaque lourdement Bruno Retailleau dans son livre.
POLITIQUE – Un chiraquien et un filloniste peuvent-ils encore s’entendre ? Pourtant issus de la même famille politique, Dominique de Villepin et Bruno Retailleau semblent aujourd’hui cultiver des positions diamétralement opposées. Dernière preuve : la (très) lourde charge à laquelle s’adonne l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac contre l’actuel patron de Beauvau dans son dernier essai, intitulé Le pouvoir de dire non, paru ce lundi 7 avril.
Villepin dénonce le « spectacle d’impuissance » offert selon lui par Bruno Retailleau depuis sa nomination au ministère de l’Intérieur. « Je n’accepte pas de voir un ministre de la République venir devant les Français à la télévision pour donner ce spectacle d’impuissance et, en plus, celui d’un dysfonctionnement ministériel en mordant les platebandes d’un collègue ou du président de la République », attaque-t-il dans un entretien à l’AFP.
Les deux hommes divergent très nettement sur le dossier algérien. Là où le très bruyant ministre de l’Intérieur a voulu en faire un cas personnel, usant de formules choc et s’attirant les foudres d’Alger en assumant le bras de fer, l’ex-ministre des Affaires étrangères plaide pour que la France sorte « de la diabolisation » de l’Algérie.
« On fait le show, on fait de la communication et pour moi, c’est la pire image de l’impuissance publique », fustige ainsi celui qui est resté célèbre pour son discours hostile à la guerre en Irak aux Nations unies en 2003. Placé en tête des personnalités politiques préférées des Français par plusieurs instituts de sondages, Dominique de Villepin regrette qu’aujourd’hui « une partie de la droite » aille « chasser sur les platebandes de l’extrême droite, non pas en apportant des réponses aux demandes des Français sur les services publics, l’immigration ou l’école, mais en surenchérissant sur ce qui est le plus facile : les questions identitaires ».
À droite, un « enracinement parfois xénophobe » ?
Quant à Bruno Retailleau, il est accusé de participer à la « logique d’enracinement parfois xénophobe » de la droite, en réduisant « l’identité à l’héritage, à la biologie, à une pureté fantasmée ». Cela, à défaut d’obtenir des « résultats » tangibles « contre la criminalité et le trafic de drogue ».
Bien rares sont les personnalités de droite à s’opposer à cette lente glissade qui a conduit, par exemple, l’ex-patron de LR Éric Ciotti à s’allier à Marine Le Pen aux dernières élections législatives. « « J’ai été toujours de cette ligne de refuser tout glissement vers cette tentation identitaire, de la surenchère et des extrêmes », assure ainsi Dominique de Villepin, qui s’est longuement fait applaudir lors de la dernière Fête de l’Humanité, après un discours offensif en faveur du droit des Palestiniens à disposer d’un État.
« Retrouver la sérénité avec l’Algérie »
Selon lui, la politique d’immigration menée actuellement en France est « très largement déclaratoire ». « Elle s’est très largement contentée d’incantations sur “On va renvoyer les OQTF” », tacle-t-il, là encore en visant Bruno Retailleau, qui assumait de vouloir mettre en place un rapport de forces avec l’Algérie pour qu’elle reprenne une soixantaine de ses concitoyens qui ont l’obligation de quitter le territoire. Sans y parvenir. Le ministre a même été dessaisi du dossier, au profit de son collègue des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.
Plus globalement, l’ancien secrétaire général de l’Élysée s’aventure pour la première fois sur des terrains nouveaux. Ainsi, la parution de son essai est l’occasion de détailler sa vision de la société sur des thèmes comme la lutte contre le changement climatique ou la défense de la « justice sociale ». Il propose notamment d’inscrire la « neutralité carbone » dans la Constitution, de « désinvestir ce qui est toxique » et de « mettre fin à l’exploitation aveugle des ressources ». Son but : « non pas interdire mais planifier ».
Une démarche qui ressemble fort à une ébauche de campagne présidentielle. Les rumeurs qui entourent une éventuelle candidature en 2027 amusent le principal intéressé, qui ne cesse d’entretenir le flou. « Mon premier devoir, c’est de faire en sorte d’apporter jusqu’au bout la contribution qui est la mienne », écrit-il dans son livre, usant là d’une formule alambiquée dont il raffole. Il assure tout de même vouloir mener « un combat existentiel pour la démocratie et la République », tout en reconnaissant franchir, avec cet essai, « un engagement supplémentaire, à l’évidence ».
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