Une semaine avant la Semaine de la presse et des médias à l’école, Grand bien vous fasse propose des outils pour distinguer la vraie info, le divertissement, et les fake news. Comment développer son esprit critique face à la surinformation ? Et comment repérer les deepfakes, les hypertrucages, ces détournements d’images ou de voix générés par l’intelligence artificielle, qui manipulent l’opinion ?
« On joue sur vos émotions pour capter votre attention »
Après un sondage en direct à main levée dans la salle du studio 104 de la Maison de la radio et de la musique, le journaliste Thomas Huchon, spécialiste des infox, observe que de nombreux jeunes passent entre cinq et neuf heures quotidiennement sur leur téléphone.
Il en conclut qu’« il y a un vrai problème d’outils d’accès à l’information ». Il explique la logique de l’économie de l’attention sur le numérique : « On veut capter votre attention pour que vous restiez le plus longtemps possible sur votre téléphone, donc on va plutôt jouer sur vos émotions, parce que ça marche mieux que sur votre réflexion. Et au bout d’un moment, on a du mal à réfléchir et on se met à croire des choses qui ne sont pas vraies, parfois même à croire n’importe quoi. »
Comment fonctionnent les rumeurs ?
Gwénaëlle Boulet, rédactrice en chef des revues jeunesse chez Bayard, insiste sur l’importance de reprendre le pouvoir sur la masse d’informations qui nous « tombent dessus ». Si l’on ne peut pas contrôler ce qui arrive dans les fils de nos réseaux sociaux, on a en revanche le pouvoir de décider ce que l’on en fait. Est-ce qu’on « like » ? Est-ce qu’on « partage » ?
Elle analyse les mécanismes des rumeurs et identifie quatre ressorts psychologiques qui font qu’on y adhère et qu’on a envie de les transmettre : elles renforcent nos préjugés, elles consolident notre appartenance à un groupe, elles donnent une explication à ce que paraît inexplicable et elles nous valorisent aux yeux des autres. Son conseil : « La prochaine fois que vous avez des choses sur vos portables, essayez de penser à tout ça. Et avant d’avoir envie d’être le roi de la cour de récré, de se dire : est-ce que ça vaut vraiment la peine ou est-ce que je suis un peu un mouton ? »
La différence entre information et fake news
Pauline Pennanec’h, journaliste à Franceinfo, et coanimatrice du podcast « Complorama », précise la différence entre l’information et les fake news : « Une information est vérifiée, ce n’est pas une rumeur. Quand on est journaliste, on a ce qu’on appelle des sources et on recoupe notre information. Une fake news, c’est une information mensongère avec une intention manipulatoire derrière. » Il peut arriver qu’un journaliste se trompe et qu’il reconnaisse a posteriori son erreur, mais, dans ce cas, ce n’est pas une fake news, car il n’avait pas une volonté de manipulation.
Médias traditionnels et réseaux sociaux
Les intervenants soulignent l’importance de distinguer les médias traditionnels, responsables de leurs contenus, des plateformes numériques qui ne font que relayer sans vérifier. « Un média, c’est quelqu’un qui est responsable de l’information qu’il diffuse, souligne Thomas Huchon. Et c’est surtout ça qui fait la grande différence entre les médias professionnels et les réseaux sociaux qui, eux, n’assument pas la responsabilité de ce qu’ils diffusent, et qui ont même décidé, depuis le début de l’année 2025, d’arrêter la vérification de l’information et la modération.«
L’explosion des deepfakes
Olivier Lascar, rédacteur en chef au pôle numérique de Sciences et Avenir, auteur de Deepfake. L’IA au service du faux (Eyrolles, 2024), alerte sur l’explosion des deepfakes rendus possibles par l’intelligence artificielle : « Ce qui change aujourd’hui, c’est que grâce aux nouveaux outils techniques, grâce à l’intelligence artificielle, on peut faire des changements de photos, où on peut créer des images qui ont l’air vraies alors qu’elles sont fausses, en un temps record. » Face à cette évolution technologique, des laboratoires recherchent des solutions algorithmiques pour identifier les contenus falsifiés, mais la détection devient de plus en plus complexe. « Aujourd’hui, c’est IA contre IA », ajoute-t-il.
Pour conclure, les intervenants livrent quelques conseils essentiels : vérifier si une information est relayée par plusieurs médias, prendre du recul avant de partager un contenu, et se souvenir que l’information de qualité a un coût. Comme le rappelle Gwenaëlle Boulet : « Ce travail, de vérifier les informations, d’aller aux sources, de croiser les sources, de vous offrir une information qui est vérifiée, ça a un coût. Donc, on continue à aller sur les réseaux, mais s’abonner à quelque chose de payant parce que c’est sérieux, ça vaut peut-être le coup. »
Invités
- Thomas Huchon, journaliste, auteur, réalisateur, consultant et enseignant. Spécialiste du web, des infox et des théories complotistes. Co-auteur de Anti fake news, First, 2022.
- Olivier Lascar, ingénieur et journaliste. Rédacteur en chef du pôle numérique de Sciences et Avenir – La Recherche. Auteur de Deepfake : L’IA au service du faux, Eyrolles, octobre 2024.
- Pauline Pennanec’h, journaliste, responsable des podcasts de Franceinfo. Elle anime, avec Rudy Reichstadt et Tristan Mendès-France, le podcast « Complorama » dédié à l’actualité de la complosphère.
- Gwénaëlle Boulet, rédactrice en chef des revues jeunesse chez Bayard
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