Face à la montée en puissance des gangs à Port-au-Prince, des institutions étatiques envisagent un déplacement stratégique vers Pétion-Ville, jugée plus sécurisée. Mais cette solution pourrait-elle vraiment garantir la stabilité ?
L’insécurité galopante dans la région métropolitaine de Port-au-Prince remet en question la capacité de l’État haïtien à gouverner depuis sa capitale traditionnelle. Face à cette situation, Pétion-Ville, commune voisine, est perçue par certains responsables comme une alternative plus viable pour accueillir les institutions publiques et relancer les activités administratives.
Petion- Ville, 16 mars 2025-
Une capitale prise en otage
Depuis plusieurs mois, la capitale haïtienne est quasiment sous le contrôle de groupes armés qui imposent leur loi dans de nombreux quartiers. Enlèvements, affrontements violents, extorsions et fermeture forcée de commerces rythment le quotidien des habitants. Les services publics sont fortement perturbés, et plusieurs ministères ont réduit ou suspendu leurs activités, faute de conditions de sécurité suffisantes.
Cette situation a mis à mal la crédibilité du gouvernement, et pousse les autorités à envisager un déplacement partiel ou total de certaines institutions vers Pétion-Ville, perçue comme plus stable.
Pétion-Ville : une zone encore sous contrôle ?
Considérée comme l’une des communes les plus développées du pays, Pétion-Ville présente pour l’instant un visage plus serein que celui de Port-au-Prince. Sa relative sécurité, son tissu économique actif et son cadre résidentiel attirent les regards des décideurs. Toutefois, gangs armés, notamment ceux de la coalition criminelle « Viv Ansanm », multiplient les tentatives pour étendre leur influence jusqu’à cette zone stratégique, suscitant l’inquiétude des résidents et des observateurs.
Face à ces menaces, plusieurs établissements bancaires, écoles et universités ont été contraints de fermer leurs portes. L’activité économique ralentit, et la crainte d’un basculement dans le chaos gagne du terrain.
La délocalisation, une solution durable ?
Pour certains dirigeants, déplacer les institutions vers Pétion-Ville permettrait d’assurer la continuité des services publics et de maintenir un minimum de gouvernance. Mais cette option soulève des défis majeurs : coûts élevés de relocalisation, besoin d’infrastructures adaptées, problèmes de logistique et de coordination.
De plus, une partie de la population perçoit cette mesure comme un abandon de Port-au-Prince, voire du pays tout entier, face à la montée du grand banditisme. Beaucoup dénoncent le manque de volonté politique à restaurer l’ordre dans la capitale et redoutent que Pétion-Ville ne subisse à son tour le même sort.
Pétion-Ville, future capitale de fait ?
Le déplacement des institutions ne résoudra pas à lui seul la crise sécuritaire. Pétion-Ville reste vulnérable, entourée de quartiers sous influence des gangs, et les menaces sont bien réelles. Faire de cette commune la nouvelle capitale sans combattre efficacement l’insécurité risque de ne faire que déplacer le problème.
En somme, si la délocalisation peut être une réponse temporaire à la paralysie de l’administration publique, elle ne doit pas se substituer à une véritable politique de sécurité et de rétablissement de l’ordre sur l’ensemble du territoire. Car transformer Pétion-Ville en capitale sans réformes profondes pourrait simplement répéter, ailleurs, les erreurs et échecs de Port-au-Prince
Jean Gilles Désinord
Vant Bèf Info (VBI)
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