[Interview] Brenda Biya nous parle de son coming out

La fille du président d’un État homophobe qui fait son coming out, ça fait scandale. Celui de Brenda Biya, dont le père est Paul Biya, au pouvoir au Cameroun depuis 41 ans, a aussi rimé avec chagrin d’amour. Auprès de têtu·, elle raconte la découverte de son identité dans un pays qui pénalise l’homosexualité, et ses perspectives d’avenir en tant que bi assumée.

« Je suis folle de toi, et je veux que tout le monde le sache. » Il ne fallait que ces quelques mots, postés le 30 juin sur Instagram accompagnés d’une photo d’elle embrassant une femme, pour que la presse internationale s’intéresse à Brenda Biya. Forcément, quand on est la fille du dirigeant d’un État qui interdit l’homosexualité, faire son coming out – bi, nous précise-t-elle – attire l’attention : le père de Brenda est le président du Cameroun, Paul Biya, à la tête de ce pays d’Afrique centrale depuis 41 ans, et qui a mis en place une législation punissant de cinq ans de prison les rapports homosexuels.

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Malheureusement pour la jeune femme de 26 ans, son coming out était en fait une rupture. Lorsqu’elle sort du placard, Brenda Biya n’est déjà plus en couple avec Layyons Valença en raison d’une dispute survenue la veille de l’anniversaire de Brenda, qu’elles étaient parties fêter ensemble au Cameroun. De retour à Genève, en Suisse, où elle vit, elle a décidé de reconquérir sa belle en criant son amour sur tous les toits. « Étant quelqu’un de spontané, j’ai voulu démontrer mon amour, explique-t-elle dans une vidéo Tiktok. Parfois je fais les choses et je réfléchis après. » Mais après ce message, les choses se sont envenimées, et des photos de l’intimité du couple ont été diffusées sur les réseaux : « Je croyais que mon ex était la bonne personne et il s’est avéré qu’elle ne l’était pas, conclut-elle auprès de têtu·. Ce sont des choses qui arrivent. »

« Je suis heureuse que ma famille soit au courant. Au moins, le sujet est posé. »

« Quand mon intimité s’est retrouvée sur les réseaux, ça a été très difficile à gérer, reprend-elle. Mais finalement, les gens ont été assez compréhensifs. J’essaye de voir le bon côté des choses. Je suis toujours en vie, je respire, alors ça va. » Même si son annonce a très vite dégénéré en scénario tragique digne d’un épisode des Feux de l’amour, la jeune femme ne regrette rien. « Je suis heureuse que ma famille soit au courant. Ils sont encore en train de digérer la chose à leur manière mais au moins, le sujet est posé, relativise-t-elle. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’un dialogue s’est instauré. Mais même s’il reste des tabous, nous avons eu deux discussions ouvertes depuis mon coming out. »

L’homosexualité au Cameroun, frein au coming out

Brenda Biya ne vit plus au Cameroun depuis la classe de 6e, et ses premiers questionnements sur son identité sexuelle se sont fait sentir au lycée. « J’ai voulu réprimer qui j’étais, ce que je ressentais, jusqu’à ce que j’entre à l’université », raconte-t-elle. Elle cherche alors des représentations dans des séries : « Ma préférée, celle qui m’a pour la première fois permis de m’identifier, c’était Pretty Little Liars. » Dans cette série sur un groupe d’adolescentes traquées par un stalkeur qui menace de révéler leurs secrets, l’une d’elle, Emily, est une lesbienne dans le placard. « Je me retrouvais beaucoup dans Emily et en même temps je la kiffais trop », se souvient Brenda Biya.

« Jusqu’ici, beaucoup de gens avaient déjà des doutes sur ma sexualité mais tant que je ne m’exprimais pas, j’étais hétéro. Ce qui m’allait très bien puisque je ne m’assumais pas », poursuit Brenda. Au départ, la politique de son père la dépasse. « Au fil du temps, j’ai pris conscience de l’image de l’homosexualité dans le pays, admet-elle. Quand je me suis rendue compte que des gens étaient mis en prison pour ça, je lui en ai voulu. » La jeune femme s’était résignée à vivre une vie à l’ombre du placard. « J’ai eu des aventures, des petites relations, mais je gardais en tête que de toute manière, je finirais par me marier avec un homme. Je me répétais : ‘Regarde d’où tu viens, ta culture, tes parents n’accepteront jamais. C’est mort.’ Alors je m’autorisais à vivre ce que j’avais besoin de vivre mais en sachant qu’à la fin, c’était ce qui m’attendait », détaille-t-elle.

Elle s’était rendue complètement indisponible émotionnellement, jusqu’à cette relation avec son ex-copine. Brenda veut alors vivre celle-ci ouvertement, sans avoir à se cacher : « Je me projetais beaucoup. On parlait famille et enfant. Grâce à mon ex, j’ai pu surmonter ma peur de faire mon coming out. Je ne me sentais pas de le faire seule. » Bien que leur relation ait pris fin, les barrières ont définitivement sauté.

Brenda Biya, espoir pour la jeune génération

Le coming out de Brenda Biya est porteur d’espoir pour les militants LGBTQI+ camerounais, qui y voient une possibilité de changement dans le pays : l’activiste trans Shakiro, réfugiée en Belgique, y voit une « révolution ». Plusieurs ont néanmoins souligné les privilèges dont bénéficie la jeune femme. La blogueuse LGBTQI+ Bandy Kiki, qui vit au Royaume-Uni, a ainsi noté sur Instagram que « les lois anti-LGBT au Cameroun ciblent de manière disproportionnée les pauvres. La richesse et les relations créent un bouclier pour certains, tandis que d’autres sont confrontés à de graves conséquences. »

Ce déséquilibre n’échappe pas à la fille du chef d’État : « Vivre à l’étranger m’a donné cette liberté d’être moi-même. Je sens une grosse différence entre la personne que j’étais au Cameroun et celle que je suis devenue, confirme Brenda auprès de têtu·. Aujourd’hui, je m’accepte, je suis plus en paix avec la personne que je suis. Je n’essaye plus de faire comme les autres à tout prix. » Elle appelle désormais à ce que son président de père mette fin à la répression : « S’il ne s’agissait que de moi, les gens seraient libres d’aimer qui ils voudraient. J’aimerais voir les choses changer, les mentalités évoluer, mais ça va prendre du temps, c’est complexe. » Elle y croit néanmoins : « Notre génération est déjà beaucoup plus ouverte que celle de nos parents. Les choses bougent. Les personnes LGBTQI+ sont beaucoup plus visibles, que ce soit dans les médias ou dans la vie de tous les jours. Ça pousse les gens à s’éduquer, à être dans l’acceptation. »

Aujourd’hui, la jeune femme veut continuer à partager son expérience en tant que personne LGBTQI+ sur les réseaux sociaux, mais n’envisage pas de retourner au Cameroun dans un futur proche : « Je garde un peu mes distances. J’ai peur des répercussions. »

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Crédit photo : Brenda Biya via Instagram


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