Un revirement. Après des mois de silence et de refus, Kinshasa a accepté l’invitation du président angolais et médiateur Joao Lourenço à engager à Luanda, en Angola, des pourparlers directs avec le Mouvement du 23 mars (M23), le groupe armé soutenu par le Rwanda, actif dans l’est de la RDC. Une délégation congolaise est attendue dès ce mardi 18 mars.
« Aller écouter ce qu’il a à nous dire »
Il s’agit d’« aller écouter ce qu’il a à nous dire », assure Tina Salama, la porte-parole du président Félix Tshisekedi, qui qualifie régulièrement les combattants du M23 de « pantins » ou de « terroristes ». En réalité, Félix Tshisekedi n’avait pas vraiment les moyens de refuser l’offre de rencontre, estime Pierre Jacquemot, ancien ambassadeur en RDC et expert à la Fondation Jean-Jaurès : « La déroute complète de son armée l’oblige à rabaisser son caquet. »
Thierry Vircoulon, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri), abonde dans le même sens. « Félix Tshisekedi est dans une impasse. En lui tordant le bras, l’Angola lui rend service », note-t-il.
Soutenus par quelque 4 000 militaires rwandais, selon des experts de l’ONU, les rebelles antigouvernementaux du M23 ont pris le contrôle depuis fin 2021 de vastes pans de territoire dans les provinces congolaises du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, frontalières du Rwanda. Ces dernières semaines, à l’issue d’une offensive éclair, ils se sont emparés de deux villes d’un million d’habitants, Goma et Bukavu, leur assurant un contrôle sur le lac Kivu, et ont mis la main sur plusieurs zones fertiles en minerais.
Le M23, qui affirme se battre pour défendre les intérêts des Congolais Tutsis et appelle à « aborder les causes profondes du conflit », a indiqué dans un communiqué le 13 mars « accueillir favorablement » ces discussions directes, que son parrain rwandais réclamait de longue date.
« Le M23, quoique inféodé au Rwanda, dispose de sa propre autonomie. Il faut, outre le processus politique entre RDC et Rwanda, un processus interne à l’État congolais pour aborder la question des réfugiés et celle du développement économique de la région en proie à une insécurité chronique depuis trente ans », confiait ainsi une source diplomatique proche du dossier, avant même la prise de Goma fin janvier.
« Donbass africain »
« Le M23 n’est pas seulement une force militaire et politique, indique Pierre Jacquemot. Il a formé, ces deux dernières années, des administrateurs qu’il installe à la tête des villes conquises. » Pour l’ancien ambassadeur, le M23 pourrait chercher à obtenir lors des négociations une implantation durable dans les provinces du Kivu sous la houlette du Rwanda, de manière à garantir les approvisionnements en minerais de ce dernier.
« Le M23 a gagné sur le terrain militaire et a plus ou moins annexé les territoires conquis », explique Thierry Vircoulon, qualifiant la manœuvre de « Donbass africain ». « Kigali a intérêt à ce que son protégé obtienne une forme de reconnaissance de ses conquêtes territoriales. Or, on voit mal comment le gouvernement congolais pourrait accepter de telles concessions.Jusqu’ici le M23 appelait à renverser le pouvoir en place en Kinshasa », rappelle-t-il.
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