« La Bretagne a cette dimension légendaire », selon Dominique Barbéris, présidente d’honneur de « Livr’à Vannes »

Que ressent-on quand on est présidente d’honneur d’un salon littéraire tel que celui de Vannes ?

C’est la première fois que je suis présidente d’un festival. J’ai été très touchée que Sylvie Rostain (la directrice artistique du salon) me contacte et me propose la présidence, ce que j’ai accepté tout de suite. Je serai donc impliquée dans la présidence du jury et dans la lecture d’un certain nombre de textes. Je vais découvrir un salon important par le nombre et la variété des auteurs présents (2). C’est l’un des principaux rendez-vous littéraires de la fin du printemps. Je suis aussi ravie de venir à Vannes, une ville que je ne connais pas.

Que diriez-vous au public pour les inciter à franchir les portes du festival ?

Comme dans tous les salons, c’est l’occasion de rencontrer directement les auteurs et de faire des rencontres intéressantes. C’est la possibilité d’échanger avec des écrivains dont on a lu les livres mais dont on veut en savoir un peu plus.

Vous avez remporté le Grand Prix 2023 du roman de l’Académie française avec votre livre, « Une façon d’aimer » (Gallimard). Quelle a été votre réaction à l’annonce de ce prix ?

Une immense joie et une grande fierté. J’écris depuis fort longtemps et il y a toujours une part de hasard et d’inconnu dans la rencontre d’un livre avec le public. Donnant au livre une exposition incomparable, ce genre de prix est un grand secours pour les auteurs.

« Une façon d’aimer » nous plonge dans les années 50, au Cameroun, où Madeleine, une Nantaise de 27 ans, plutôt réservée, s’installe à Douala avec Guy, son mari. Elle rencontre alors un certain Yves Prigent, administrateur colonial, qu’elle va revoir régulièrement. On sent que sa vie sentimentale peut basculer. Pourquoi avez-vous eu envie de raconter cette histoire et celle-ci est-elle autobiographique, car vos parents ont également quitté Nantes pour Douala où vous êtes d’ailleurs née ?

Mes parents sont, en effet, partis au Cameroun et je me suis calée sur cette chronologie. Madeleine demeure, cependant, un personnage de fiction mais j’ai été très inspirée par des récits que j’entendais au cours de mon enfance, des récits très fragmentaires qui avaient une dimension un peu mythique. Je suis née là-bas, je rêvais de ce pays et de cette atmosphère. Je voulais écrire sur le Douala des années 50. Et c’est tout ce terrain imaginaire qui est ressorti à la mort de mon père, il y a quatre ans. La rencontre entre Yves Prigent et Madeleine relève de la fiction mais elle rejoint un questionnement qui m’intéresse autour d’une histoire d’amour qui ne se réalise pas, mais qui n’en est pas moins mémorable.

La nièce de Madeleine et de Guy, qui fait office de narratrice dans le roman, est-ce vous ?

Elle a quelque chose de moi mais beaucoup de personnages ont quelque chose de moi. On a beau écrire une fiction, il y a toujours une part de soi.

Pourquoi ce titre « Une façon d’aimer » ?

Comme souvent, le titre n’était pas le premier auquel j’avais songé. J’avais ainsi pensé à « Un chagrin de femme », mais Il a été jugé un peu mélancolique. Je trouvais que « Une façon d’aimer » renvoyait à cette histoire d’amour, un peu singulière et banale, car cela arrive à tout le monde de rencontrer quelqu’un sans qu’il y ait une suite.

Avez-vous de nouveaux projets d’écriture ?

J’ai toujours pas mal de choses en attente, mais comme je me suis beaucoup déplacée cette année et que je suis quelqu’un d’assez lent, ce ne sera pas pour tout de suite, car il faut du temps pour arriver à construire quelque chose.

Vous participez également au salon du livre de Carantec (29) (3) où une rencontre est organisée entre vous et les lecteurs. Quelle est généralement la teneur des échanges ?

C’est un format que je trouve très agréable car il y a souvent pas mal de personnes présentes et le contact est toujours chaleureux. Les gens sont prêts à vous entendre. Ils sont curieux et attentifs, car ce sont des lecteurs fidèles. D’autre part, je suis curieuse de découvrir la commune de Carantec qui, paraît-il, est très jolie.

Alors que vos parents sont originaires de Nantes, vous sentez-vous bretonne ?

Non, pas vraiment. Mes parents sont certes originaires du sud de Nantes, mais moi, je suis née à Douala et je n’ai vécu à Nantes que lors de ma scolarité, de la cinquième à la terminale. Je reste cependant très attachée à la région, car je reviens souvent voir ma famille. La Bretagne a cette dimension légendaire, rêveuse, un peu mythique et je comprends très bien qu’elle inspire des écrivains fortement enracinés, comme Philippe Le Guillou, Yann Queffélec… Même si je ne peux pas me revendiquer de la Bretagne, car je n’y habite pas, j’y ai cependant un ancrage car je fais partie de l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire.

Qu’avez-vous ressenti à l’annonce du décès de Bernard Pivot ?

Je fais partie d’une génération pour qui « Apostrophes » était la grand-messe. C’est tout un pan de l’histoire du livre et de la réception du livre qui s’en va. Bien des gens l’ont déjà dit mais Bernard Pivot n’a certainement pas été remplacé. C’était un homme qui savait mettre à l’aise, créer une certaine intimité et une atmosphère.

1. Salon « Livr’à Vannes », les 24, 25 et 26 mai, à Vannes : le 24, de 14 h à 19 h ; le 25, de 9 h 30 à 19 h ; le 26, de 9 h 30 à 18 h. Entrée libre. Le programme sur www.livreavannes.fr

2. 200 auteurs et autrices présents : Olivier Adam, Rachida Brakni, Pascal Bruckner, Philippe Besson, Pascal Blanchard, Aurélie Dupont, Lionel Duroy, R.J. Ellory, Jim Fergus, Régis Jauffret, Sébastien Le Fol, Joseph Macé-Scarron, Mo Malo, Camille de Peretti, Tatiana de Rosnay, François Surreau, Philippe Torreton, Didier Van Cauwelaert, Mathieu Vidard…

3. « Les Rencontres de la baie », du 31 mai au 2 juin, à Carantec (29). Plus d’infos sur www.facebook.com/CulturePlanete29