Pour la junte militaire qui a pris le pouvoir au Niger en renversant le président Mohamed Bazoum le 26 juillet 2023, il n’y a pas de doute, les troupes militaires françaises qui ont été priées de quitter le territoire nigérien ont en partie trouvé refuge au Bénin qui avec lequel il partage 266 kilomètres de frontière.
À Porto-Novo, la capitale du Bénin, le président Patrice Talon a toujours réfuté cette information. Le porte-parole du gouvernement béninois a plusieurs fois martelé que son pays avait renforcé depuis 2021 la présence militaire sur les zones frontalières et a construit une série “de petits camps” dans la perspective de lutter plus efficacement contre les dangers terroristes aux portes du pays. C’est dans cette optique que l’armée béninoise a d’ailleurs lancé une campagne de recrutements de 5 000 militaires dont 3 500 sont déjà opérationnels.
Le chef d’État-major des armées françaises, le général Thierry Burkhard, a confirmé ces déclarations face à la presse lors d’un passage à Cotonou, la capitale économique du Bénin, en décembre dernier.
Œil pour œil
Le Niger au centre d’une nouvelle guerre froide
Des explications qui, officiellement, ne convainquent pas le général Tiani arrivé à la tête du Niger. Pour lui des troupes françaises sont présentes chez son voisin et sont une menace pour son régime. Son pays a donc décidé de ne pas rouvrir, en février dernier, sa frontière avec le Bénin, fermée à la suite du coup d’État et des sanctions prises par la Communauté des États d’Afrique occidentale (Cédéao) contre les militaires qui ont renversé le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum. Pour plusieurs observateurs, il ne fait guère de doute que le Bénin paie sa position très dure contre les putschistes au lendemain du coup d’État. La junte militaire nigérienne n’a pas oublié que le président Talon a été un des meneurs du combat en faveur d’une intervention militaire régionale pour rétablir le président Bazoum avec lequel il entretenait des relations très étroites.
Or noire et vengeance
Pendant trois mois, les Béninois ont subi cette fermeture qui a un impact important sur leur économie, tout le commerce étant coupé entre les deux pays. Mais, début de ce mois de mai, le président béninois a trouvé dans le pétrole le moyen de faire pression à son tour sur la junte militaire voisine.
En effet, le Niger doit entrer ce mois de mai dans la cour des exportateurs de pétrole. Pour atteindre ce statut, il doit compter sur l’oléoduc de 2 000 kilomètres, construit par des entreprises chinoises, qui doit transporter l’or noir vers le port béninois de Sèmè Kpodji, sur l’océan Atlantique.
Les États-Unis sont poussés hors du Niger
Le président Talon a en effet annoncé le 7 mai que le pétrole nigérien ne serait pas chargé sur le navire battant pavillon des îles Marshall. Une perte sèche pour le Bénin, qui devrait empocher plus de 450 millions de dollars de taxes en 20 ans grâce au transit du pétrole, mais surtout pour le Niger qui produit désormais chaque jour 110 000 barils dont 90 000 sont prévus à l’exportation. Ce croque en jambe béninois a des implications jusqu’à Pékin, le grand argentier de ce projet, qui, outre le financement de cet oléoduc pour plus de 2,3 milliards de dollars, a aussi accordé un prêt de 400 millions de dollars au nouveau pouvoir nigérien. Jusque-là, en retrait de ce contentieux régional, la Chine a mobilisé une équipe de médiation qui s’est rendue dans les deux pays et a obtenu, ce mercredi, la levée de l’interdiction de chargement du pétrole qui a débuté dès le lendemain. Le premier navire pétrolier devrait quitter le port de Sèmè Kpodji ce dimanche 19 mai. Mais les Béninois ont prévenu que cette autorisation de chargement était provisoire et entendent bien que le Niger rouvre sa frontière entre les deux pays et relance une forme de collaboration apaisée avec Porto-Novo.
Cohabitation militaire russo-américaine
La chine a ainsi démontré ses derniers jours son poids diplomatique gagné grâce aux investissements économiques. La Russie a aussi marqué les esprits ces derniers jours par l’envoi de militaires au Niger. À la demande de la junte, qui a déjà poussé dehors la France et négocie le rythme du départ des troupes américaines, des hommes de l’Africa Corps, l’héritier du groupe Wagner, continuent d’arriver dans le pays et s’installent progressivement dans les installations abandonnées par la France et les États-Unis provoquant des scènes étonnantes, comme dans cette base aérienne où Russes et Américains cohabitent depuis plusieurs jours, comme l’a confirmé la semaine dernière le secrétaire d’État américain à la Défense Austin Powell.
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