«La Collection» de Dominique Paravel, un voyage acerbe au cœur de l’absurde

Enfance lyonnaise et vingt-cinq ans de vie à Venise, Dominique Paravel a publié un premier livre en 2011, Nouvelles vénitiennes, loué par la critique. Avec La Collection, elle nous entraîne sur une aire d’autoroute, près de Montélimar. Conservateur d’un musée de province, mal dans sa peau et pas très heureux dans la vie, Gabriel, 60 ans, est victime d’un malaise. Quand il reprend ses esprits, épouse et voiture ont disparu. Que peut-il faire ? Demander de l’aide, téléphoner ? Rien n’y fait ; il se retrouve piégé dans l’impitoyable périmètre de cette aire.

Il y découvre des gens bizarres (routiers, prostituées, etc.) qui lui rappellent les personnages qui figurent sur les toiles d’une collection de son musée. Il réalise que ces personnes aux agissements absurdes symbolisent notre société en pleine perdition.

Avec ce roman incisif, l’écrivain porte un regard désabusé sur notre monde. Son texte est ourlé de l’exquis velours d’un humour acide, voire teigneux ; il en est pour preuve quand elle décrit Pique-nique en Franche-Comté, une œuvre de Dagnan-Bouveret (1892) : « Le repas est fini, les ventres repus. Une vieille femme contemple le vide, yeux mi-clos, nez bubonneux. Un couple assis côte à côte offre tous les signes de l’imbécillité congénitale propre à la paysannerie du Second Empire, rétrécissement du crâne, oreilles décollées. »

Plus loin, elle dégaine encore : « Autour de lui un mouvement incessant entre les voitures et l’Autogrill, la cafétéria et la Maison des nougats. Un père brachycéphale et rasé, une mère à la face camuse, quatre enfants. Par un paradoxe du vivant, les plus laids semblent les plus acharnés à se reproduire. Sur cette aire d’autoroute de juillet, tant de corps décidés à s’exposer quoi qu’il en coûte, jeune fille au ventre bourrelé débordant d’un short, vieilles ripolinées, familles grasses, larges, montées sur des pattes d’éléphant, avachies dans des joggings, claquettes avec chaussettes, troupeau impavide. »

Cruel mais imparable. On ne fait pas forcément de bons romans avec de bons sentiments ; l’auteur le rappelle avec brio.

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La Collection, Dominique Paravel, Serge Safran, 140 pages, 16,90€.

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