La communauté rwandaise au Bénin honore la mémoire des victimes

La communauté rwandaise au Bénin et des amis du Rwanda ont commémoré samedi 12 avril 2025, le 31e anniversaire du génocide perpétré contre les Tutsis. Le premier secrétaire de l’Ambassade du Rwanda au Bénin, le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, le doyen du corps diplomatique accrédité au Bénin, la coordonnatrice du Système des Nations Unies au Bénin, et plusieurs autres personnalités ont rehaussé l’évènement de leur présence.

Trois décennies après, l’on se souvient encore des atrocités qui ont secoué les Tutsis, le Rwanda, l’Afrique et le monde. La communauté rwandaise au Bénin a commémoré cet évènement douloureux de l’histoire du Rwanda à travers un symposium sur le thème « se souvenir, bâtir, ensemble ». Au cours de la cérémonie de commémoration appelée « Kwibuka » (« se souvenir » en Kinyarwanda), Pacifique Kayihura, un survivant du génocide qui a perdu plusieurs membres de sa famille, a partagé son témoignage et son analyse sur les origines historiques et la genèse des massacres. « Le peuple rwandais vivait ensemble autrefois. Mais pendant la période coloniale il y a eu une instrumentalisation des ethnies Hutus et Tutsis. Avant la colonisation, on n’avait jamais entendu parler des conflits Hutus – Tutsis au Rwanda », a-t-il témoigné.


Sur le même panel que lui, Constant Sossou, contrôleur général de police à la retraite, ami du Rwanda, consultant en mission de sécurité, a présenté le bilan approximatif du décompte macabre. « Plus d’un million de morts, pour une moyenne de 10 000 morts par jour ». Un tel phénomène selon lui, n’est pas l’effet d’une génération spontanée. « Il a été pensé, programmé et mis en exécution ».

Sur les actions prises pour rendre justice aux victimes, il a rappelé la création d’un Tribunal pénal international pour le Rwanda, mis en place par le Système des Nations Unies à travers ses résolutions 925 et 955 ; la création de tribunaux locaux (Gacaca courts) ; l’interpellation et le jugement de hauts responsables politiques et militaires. « Des milliers de personnes ont été arrêtées (12 000 présumés coupables) », a rappelé le contrôleur de police. Le but visé à l’en croire, n’était pas de tuer le coupable, mais de faire prendre conscience « de l’ignominie » de l’acte, prendre la résolution de ne plus commencer, et accepter de payer pour ce qu’on a commis ».

Febronie Akimabera Epse Codjia, présidente de la communauté rwandaise au Bénin, a rappelé à cette occasion, la nécessité de reconstruire l’unité nationale. « Pour la 31ème fois, nous nous souvenons de ceux qui ont été assassinés. Nous nous unissons ensemble pour honorer leur mémoire, mais aussi pour bâtir notre unité qui a été mise à mal par cette douloureuse tragédie », a-t-elle laissé entendre.

Pour Aminatou Sar, coordonnatrice du Système des Nations Unies au Bénin, la violence s’est faite dans le silence de la Communauté Internationale. « Il y a 31 ans, le Rwanda se tue, et le monde aussi. En 100 jours seulement plus d’un 1 million de vies ont été arrachées avec une violence inouïe dans une indifférence glaçante de la communauté internationale. Ce fut un génocide, un crime contre l’humanité, une blessure profonde dans le cœur de l’Afrique », a-t-elle regretté.


« Nous contre eux », agir pour endiguer la vague de discours haineux

Le secrétaire général des Nations Unies à travers un message lu par la coordonnatrice du Système des Nations Unies, a dénoncé le discours du « nous contre eux » qui se fait de plus en plus entendre et polarise les sociétés. Pour lui, les technologies numériques ne devraient pas être instrumentalisées pour raviver la haine, attiser les dissensions et répandre des mensonges. Antonio Guterres a exhorté la communauté internationale à tirer les leçons « du sombre chapitre du génocide au Rwanda et agir pour endiguer la vague de discours haineux, empêcher la désunion et le mécontentement de se transformer en violence, faire respecter les droits humains et garantir l’application du principe de responsabilité ». Il a invité les Etats à tenir les engagements qu’ils ont pris dans le cadre du pacte numérique mondial afin de lutter contre les mensonges et la haine en ligne, d’honorer les obligations que leur font le droit international humanitaire et le droit des droits humains et de devenir partie prenante de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide sans plus tarder. « En cette journée du souvenir, engageons-nous à être vigilants et à œuvrer de concert à bâtir un monde de justice et de dignité pour tous et toutes, en mémoire de toutes les victimes et de toutes les personnes rescapées du génocide du Rwanda », a exhorté secrétaire général des Nations Unies.

Le premier secrétaire de l’Ambassade du Rwanda a, quant à lui, rendu hommage « aux hommes et femmes qui ont payé le prix ultime pour mettre fin au génocide, à savoir le front patriotique Rwandais, le FPR ». Jackson Ngabonziza a ensuite enjoint l’assistance à s’interroger : « le monde a-t-il vraiment tiré des leçons du génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda ? Pouvons-nous affirmer aujourd’hui que notre monde est plus engagé à faire respecter le “plus jamais ça” qu’il ne l’était à la veille de 1994, à peine 50 ans après que le monde s’était déjà engagé à plus jamais ça après la Shoah ? ».

Pour sa part, Franck Armel Afoutou, représentant le gouvernement béninois, a mis en garde contre un « mal tentaculaire qui rôde toujours ». « Nous vivons une époque où le monde est marqué par de nombreux conflits nourris par des divisions sur fond de discours haineux faisant l’apologie de la force et de la violence. Ces discours abondamment relayés grâce aux prouesses des technologies de l’information et de la communication, témoignent s’il en est encore besoin, que notre ère, celle du tout numérique, est d’une grande vulnérabilité », a laissé entendre le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. Pour lui, cette commémoration est aussi un moment de réflexion pour des actions plus fortes pour renforcer l’unité ».

Les différents intervenants ont donc fait le bilan après trois décennies, de l’unité nationale du Rwanda et l’état de la justice mémorielle. La commémoration du génocide perpétré contre les Tutsis a été également l’occasion pour les participants, de se souvenir de la présence permanente de la violence humaine, et que seule la vigilance constante des citoyens et des autorités, permet d’éviter les erreurs du passé.


F. Aubin AHEHEHINNOU et Alice PERRET

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14 avril 2025 par F. Aubin Ahéhéhinnou,
Ignace B. Fanou


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