la décision de la Cour d’appel de Paris donne de l’espoir aux associations mobilisées

La Cour administrative d’appel de Paris a confirmé la faute de l’État dans l’empoisonnement à la chlordécone de la population en Guadeloupe et en Martinique. La juridiction demande une indemnisation pour les victimes, si, et seulement si, le préjudice est démontré. À ce stade, seules 11 personnes devraient être indemnisées. L’avocat des parties civiles entend poursuivre la procédure jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme.

Dans la foulée de cette décision judiciaire du 11 mars 2025, associations et syndicats se sont réunis en Martinique afin d’analyser les conclusions rendues par la juridiction selon laquelle, l’État devra indemniser une partie des victimes, 11 au total. Il s’agit de celles pour qui le préjudice moral d’anxiété a été prouvé.

Mais pour Philippe Pierre-Charles, membre du collectif martiniquais Gaoulé Kont Chlordécone, « le compte n’y est pas ».

La décision de justice a l’air de confondre le préjudice d’anxiété et le préjudice physique ; ce n’est pas la même chose. Le préjudice d’anxiété, c’est le fait qu’on ne peut pas manger tranquillement sans avoir une inquiétude totale, on ne peut pas être serein quand on a des parents atteints, lorsqu’on ne sait pas que faire face aux dégâts qu’on a subis… ce qui veut dire qu’il faudra poursuivre. On verra avec les avocats sur le plan judiciaire ce qui est possible, est-ce qu’il faut aller en cassation, c’est un peu technique ; mais on va continuer à dire que le compte n’y est pas.

L’avocat des parties civiles, Maître Christophe Lèguevaques, se félicite que « toutes les fautes de l’État ont été reconnues », mais il regrette l’application d’« une jurisprudence restrictive » de la part de la Cour.

Avant tout il faut revenir sur l’essentiel ; c’est que les fautes de l’état ont été reconnues. C’est une avancée considérable qui va servir de jurisprudence à toutes les victimes, qu’elles soient dans cette procédure où dans d’autres. Sur cet aspect-là, je suis très satisfait. En revanche, nous sommes déçus parce que la Cour d’appel a appliqué une jurisprudence restrictive sur l’appréciation du préjudice moral d’anxiété. Mais nous avons des éléments pour la cassation et surtout pour la Cour européenne des droits de l’homme. Il y a une décision qui a été rendue le 30 janvier 2025 par la Cour européenne des droits de l’homme contre l’Italie, laquelle a sanctionné des pollutions permanentes et qui a inversé la charge de la preuve.

Maître Christophe Lèguevaques


Images de défilés de rue contre l’empoisonnement à la chlordécone (illustration).


Aujourd’hui, la démonstration du préjudice pèse sur les victimes. Avec la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, c’est à l’Etat de démontrer que la pollution n’est pas la cause des maladies. Pour les 1390 personnes qui n’ont pas été indemnisées, je leur propose d’aller devant le Conseil d’État en cassation, parce que je considère que cette jurisprudence est anormale, on verra ce que dira le Conseil d’État. Et si le Conseil d’État ne nous donne pas satisfaction, nous lancerons alors une procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Me Christophe Lèguevaques,

(interrogé par Grégory Gabourg au journal radio de 7h – mercredi 12 mars)

En Guadeloupe, l’avocat Harry Jawad Durimel, instigateur de la plainte déposée en février 2006, estime que le combat doit continuer afin que les victimes, pour la plupart des ouvriers agricoles, obtiennent gain de cause.

Bravo pour les auteurs de ce recours et aussi pour nous qui avons permis d’avoir un dossier chlordécone qui sert maintenant à chercher une indemnisation. Car lorsque nous avons initié cette plainte en 2006, on ne savait rien sur le pesticide ou presque rien (…). On ne s’arrêtera que lorsque l’Etat déclarera un vrai plan chlordécone (…), donc le combat est immense. Est-ce que quand vous avez un cancer de la prostate et que vous en mourez ou que vous en êtes handicapé, 15 000€ c’est suffisant (…)? Ce n’est pas pour moi un combat d’argent.

Harry Durimel

(joint en Guadeloupe par Jessy Blanquet)

La chlordécone, pesticide pouvant entraîner des risques pour la santé humaine, a été utilisée dans les bananeraies des Antilles jusqu’en 1993. « Très persistant, il a contaminé durablement les sols et l’eau, et impacte encore aujourd’hui les cultures et les productions animales » rappelle l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail).

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