A son déficit structurel, la Fédération française de rugby (FFR) ajoute un redressement fiscal lié à l’organisation de la Coupe du monde de rugby, qui inquiète sérieusement à tous les niveaux institutionnels.
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« Si on devait payer demain ces 57 millions d’euros [de déficit], on serait en dépôt de bilan ! La FFR n’a pas les capacités financières pour assumer cette charge« , assénait le président de la fédération française de rugby (FFR), Florian Grill, il y a deux semaines, au Figaro. De quoi s’interroger sur l’état réel des finances de la fédération du deuxième sport le plus médiatique, selon le baromètre 2025 sur « l’intérêt et l’impact du rugby en France », orchestré par Kantar Media. « Jamais en France, une fédération de cette taille-là n’a été mise en difficulté sur des montants pareils« , explique Virgile Caillet, délégué général de l’Union Sport et Cycle.
Dans ces 57 millions d’euros, en plus des 36 millions de déficit d’exploitation, Florian Grill ajoute 21 millions d’euros de redressement fiscal lié à l’organisation du Mondial 2023. Avec cette charge, le patron de la FFR a donc secoué un cocotier déjà largement chancelant et a porté sur la place publique un dossier qui préoccupe dans les couloirs du ministère des Sports. « La fédération se trouve dans une situation financière très compliquée, confie à franceinfo: sport la ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative, Marie Barsacq. Elle fait ses meilleurs efforts pour réduire son déficit structurel. Il y a aujourd’hui de réels enjeux, notamment concernant le contentieux fiscal sur la Coupe du monde de rugby. On y est sensible et on les accompagne ».
Revenons déjà sur les termes utilisés par Florian Grill. « On ne peut pas parler de dépôt de bilan puisque la FFR est une association, précise Virgile Caillet. En revanche, elle peut être déclarée en cessation de paiements, si elle n’est plus capable d’assumer ses engagements et ses obligations. C’est du domaine du possible« . Pour le délégué général de l’Union Sport et Cycle, le président du rugby français, à la tête de l’instance depuis moins de deux ans, hérite d’une situation larvée pour laquelle il a déjà engagé des mesures d’économies, à hauteur de 18 millions d’euros sur un budget annuel, en hausse comme les revenus, avoisinant les 130 millions.
Ce que reconnaît le ministère des Sports qui insiste sur l’engouement auprès des Français. « Le rugby se porte bien. L’équipe masculine [de rugby à 7] a gagné la médaille d’or à Paris l’été dernier, rappelle Marie Barsacq. On a besoin d’un rugby en bonne santé, d’une fédération en bonne santé« . La ministre, rencontrée à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, a précisé d’ailleurs qu’elle rencontrait régulièrement Florian Grill pour discuter de la situation. « Je l’ai vu au moins trois fois depuis que j’ai pris mes fonctions [à la fin du mois de décembre]. C’est une situation difficile pour la FFR, parce qu’effectivement, la Coupe du monde de rugby a été un vrai succès populaire et sportif ». Mais il a grevé durablement des finances déjà mal en point.
Si l’on parle de réussite populaire et même de léger excédent, de l’ordre de 80 millions d’euros, pour le Comité d’organisation de la Coupe du monde 2023, le montage financier, « un pari qui a permis à la France de décrocher l’événement, laisse la société, en charge de la commercialisation des hospitalités, déficitaire d’environ 30 millions d’euros », pointe Virgile Caillet. Si on fait le calcul, le boni (l’excédent entre les recettes et les dépenses) est de 50 millions d’euros.
« Sauf que, rappelle Virgile Caillet, la société en question appartenait à la fédération de rugby tandis que la somme excédentaire doit être répartie entre toutes les parties prenantes de l’organisation ». La FFR est donc solidaire de cette dette, due « à un choix d’optimisation fiscale sur la TVA, qui n’était pas le bon », dénonce l’expert. C’est la raison pour laquelle le fisc menace la fédération d’un redressement.
« J’ai beaucoup de déclarations d’amour, mais j’attends des preuves d’amour, un accompagnement concret. Est-ce qu’on veut sauver le soldat rugby ou pas ?« , questionnait encore Florian Grill dans Le Figaro du 25 février. « Nous sommes dans l’attente des résultats du contentieux« , précise encore Marie Barsacq à franceinfo: sport.
Pour le délégué général de l’Union Sport et Cycle, imaginer l’Etat intervenir pour combler le déficit « semble illusoire« . En revanche, il envisage des solutions alternatives. « Si l’Etat renfloue les caisses de la FFR, on peut imaginer qu’impunément, les autres fédés pensent que c’est une porte ouverte« . Elles pourraient alors demander elles aussi l’effacement de leur ardoise.
« Mais on peut imaginer que le déficit soit lissé dans la durée afin qu’il devienne absorbable pour la fédération de rugby. Ou peut-être peut-on examiner comment récupérer une partie de l’excédent du comité d’organisation« , note Virgile Caillet. « Redresser les finances d’une fédération, ça prend du temps, conclut la ministre des Sports. On ne va pas trouver la solution demain« .
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