Depuis un an, le prix de l’or bat record après record. Vendredi, pour la première fois, il a atteint 3000$ US l’once. À travers le monde, les acheteurs se disputent le précieux métal avec frénésie. Au N.-B., vit-on le même engouement?
Bryan Bell, de Moncton, vend et achète de l’or depuis quarante ans. En janvier, il a cédé son entreprise, The Coin Cabinet, à son fils Malcom, qui l’a rebaptisée The Vault.
Mais le père n’est jamais très loin. Et lorsque l’Acadie Nouvelle lui a téléphoné pour savoir si ces derniers temps les Néo-Brunswickois étaient acheteurs ou vendeurs, il a été catégorique:
«Ils achètent et c’est comme de la folie! On penserait que le prix de l’or étant en hausse, les gens vendraient, mais c’est le contraire.»
«Les gens achètent, achètent, achètent, a-t-il repris. Nous avons du mal à trouver de quoi bâtir notre stock pour satisfaire notre clientèle locale.»
Bryan Bell dit voir toutes sortes de gens. Certains reviennent aux deux semaines pour acheter de petites quantités d’or. D’autres, qui sont à l’aube de la retraite, déboursent des sommes additionnelles pour investir dans le métal jaune.
Il croit que plusieurs achètent parce que l’avenir est incertain. L’or réaffirmerait ainsi son statut de valeur refuge.
«Beaucoup de gens sont nerveux à cause des marchés boursiers, avec ce que fait le président Trump, entre autres. Donc, ils achètent de l’or par mesure de sécurité.»
Selon Bryan Bell, il y a longtemps qu’un tel mouvement aurait dû être amorcé. Et il est d’avis que ce n’est pas fini, entre autres parce que le dollar canadien est rongé par l’inflation.
«Dans le passé, on allait faire l’épicerie avec 40 ou 60$, et on se disait: « Oh mon Dieu! C’est tellement d’argent! » Aujourd’hui, on achète les mêmes articles… c’est plusieurs centaines de dollars!»
«Et que valent les dollars canadiens à l’extérieur du pays? s’est-il demandé. Zéro! Ils sont sans valeur. La vraie monnaie, dans le monde entier, c’est l’or. Tu peux le dépenser partout.»
Trop élevé!
Dans le nord de la province, Daniel Kervin, l’ancien propriétaire du commerce Or et Argent Acadien Daniel Kervin, n’est plus acheteur. Selon lui, le prix du métal précieux a quelque chose d’étourdissant. Mardi, il a rappelé à l’Acadie Nouvelle qu’une envolée de ce genre s’était autrefois mal terminée.
«Pour moi, c’est super cher! Le prix de l’or est élevé. Il se peut que ça monte encore, mais moi, j’ai vu, dans les années 1980… ça avait monté beaucoup comme ça, puis tout d’un coup ça avait tombé de presque 30% dans l’affaire d’un mois.»
M. Kervin a aussi expliqué que les commerces spécialisés dans les métaux précieux s’accordent une marge de manœuvre. Lorsqu’ils vendent de l’or, ils prélèvent approximativement 5% en commission, et à la vente leur prix est inférieur d’environ 10% au prix du cours spot (prix des marchés).
Toutefois, l’or en lingots 24 carats, pur à .999 (99%) ou à .9999 (99,9%), n’est sujet à aucune taxe. En revanche les profits, a expliqué l’ancien commerçant, sont imposables en tant que gain de capital. En contrepartie, les ventes négatives, aux fins d’impôt, passent pour des pertes en capital.
Si M. Kervin n’achète plus de lingots, son téléphone sonne encore. Récemment, il a décliné une proposition majeure. Il a toutefois soufflé un conseil au vendeur pour lui permettre d’obtenir le meilleur prix possible.
«Il y en a un qui m’a appelé l’autre jour. Il avait 100 onces d’or à vendre. Je lui ai dit que la meilleure place où aller, c’était chez l’un de ces investisseurs qui préfèrent l’acheter d’un particulier.»
Des effets en bijouterie

L’or, plus qu’un investissement, est aussi le produit par excellence des joailliers. Par contre, si le métal jaune s’élève maintenant à 3000$ US (4400$ CA) le prix des bijoux, on s’en doute bien, s’élèvera aussi à des prix records. Quel en sera l’effet sur les ventes?
La propriétaire de la Bijouterie Tower, de Bathurst, Sabrina Van Der Pluijm, a expliqué au journal que sa clientèle s’est adaptée au prix élevé de l’or.
«Les gens sont plus prudents. Je ne peux pas dire qu’ils achètent plus. Ils choisissent des métaux alternatifs. Beaucoup décident d’acheter de l’acier inoxydable parce que c’est beaucoup moins cher.»
Les bijoux plaqués or sont une autre solution intéressante, selon elle.
Nous avons voulu savoir si la popularité croissante de ces achats alternatifs était uniquement provoquée par les prix élevés de l’or ou s’il s’agissait d’une tendance en soi. Mme Van Der Pluijm a répondu qu’il y avait un peu des deux dans cette nouvelle réalité.
Cependant, certaines traditions restent bien ancrées. Lorsqu’on parle de bague de fiançailles, par exemple, qui serait prêt à acheter une bague en cuivre?
«Ça ne changera pas. Mais pour les pièces de mode, au lieu d’acheter de l’or 10 ou 14 carats, ils choisiront autre chose», croit Mme Van Der Pluijm.
À la Bijouterie Rino Martin, située à Edmundston, les clients sont également en quête d’alternatives. Le propriétaire, Daniel Martin, a constaté un intérêt accru pour les substituts de l’or. On s’intéresse davantage à d’autres matériaux, comme l’argent ou les bijoux en acier.
«Dernièrement, les gens se sont tournés vers les bijoux en argent, mais on continue à vendre de l’or. Oui, les prix augmentent; je dirais que ça prend un peu plus de moyens», a-t-il expliqué à l’Acadie Nouvelle, mardi.
Il a enfin remarqué que les manufacturiers font preuve d’astuce, car ils conçoivent des bijoux en or moins «lourds».
«Ils vont changer le design pour que ça requiert moins d’or, a-t-il repris. Ils sont bons pour faire des bijoux quand même abordables pour toute la clientèle. Il y a des procédés, au niveau des boucles d’oreille, par exemple: ce qui était plein avant, va être semi-vide. Mais de la façon dont ils les conçoivent, ça reste tout aussi solide.»
L’or en quelques chiffres

L’unité de mesure de l’or et de l’argent, l’once Troy, diffère légèrement de l’once qui était de rigueur au Canada avant que ne soit adopté le système métrique dans les années 1970. Une once Troy pèse 31,1035 g contre 28,3495 g pour l’once du système anglais.
En 1934, une loi américaine fixa le prix de l’or à 35$ US l’once. À cette époque, la monnaie américaine était la seule qui pouvait être convertie en or. En 1971, le métal jaune fut libéré de cette contrainte et il s’est mis à fluctuer au gré de l’offre et de la demande. En 1974, le premier choc pétrolier fit monter l’or à 145$. Cinq ans plus tard, de graves tensions géo-politiques l’élevèrent jusqu’à 850$.
Au cours de l’année 2000, plusieurs banques centrales liquidèrent une partie de leurs réserves d’or et le métal précieux toucha un creux de 280$. En 2008, l’effondrement des marchés boursiers, en raison de la crise des subprimes, poussa l’or à plus de 1000$ l’once. En 2020, les bouleversements économiques mondiaux, à l’heure de la pandémie de COVID-19, l’ont propulsé à 2000$. Enfin, le 14 mars dernier, il a franchi les 3000$.
L’or comme placement peut être acheté en lingots ou en pièces d’investissement. Au Canada, la pièce toute désignée est la Maple Leaf. La Grande-Bretagne produit pour sa part la Britannia, l’Afrique du Sud, le Krugerrand, les États-Unis, le American Eagle et le Buffalo.
Ces pièces se vendent au prix de l’or, tandis que les pièces numismatiques, destinées aux collectionneurs de monnaie, sont vendues à un prix supérieur à la valeur du métal qu’elles contiennent.
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