la France a réduit sa facture carbone en 2023, mais rate de peu son objectif

La France tient le rythme prévu pour décarboner son économie, mais les forêts et les sols de son territoire n’absorbent pas autant de CO2 que prévu. Ce qui empêche, de peu, le pays de tenir ses objectifs climatiques et de rattraper le retard accumulé lors de la précédente décennie. Telle est la conclusion tirée par le Citepa, l’organisme chargé de l’inventaire des gaz à effet de serre français, dans un rapport publié ce jeudi.

Les gaz à effet de serre émis par l’activité humaine en France ont ainsi baissé dans quasiment tous les secteurs de l’économie (agriculture, transports, industrie …), reculant de 5,8% en France en 2023 par rapport à 2022. Ce chiffre, dont s’enorgueillit le gouvernement (après un recul de 2,7% entre 2021 et 2022), avait été dévoilé en avant première mercredi, par le Premier ministre Gabriel Attal.

Pour mémoire, la France, qui doit s’aligner sur l’objectif européen de -55% d’émissions d’ici 2030 par rapport à 1990, avait échoué à respecter son premier budget carbone (2015-2018) et avait revu ses ambitions à la baisse en 2019.

Dans les clous, mais peut mieux faire

Selon le rapport du Citepa, en 2023, la France a donc rejeté dans l’atmosphère l’équivalent de 373 millions de tonnes de dioxyde de carbone (Mt CO2e), « soit en dessous du niveau minimum record de 2020 », lors du ralentissement majeur de l’économie pendant la pandémie de Covid. Ramenées au nombre d’habitants, le taux d’émissions passent donc de 5,5 tonnes de CO2 par citoyens français (2022), à 5,2 tonnes en 2023.

« Après un plateau relatif dans les années 1990 jusqu’en 2005, une diminution irrégulière de 2006 à 2014, puis une période de lente ré-augmentation des émissions entre 2014 et 2017, les émissions de GES connaissent une dynamique de réduction plus marquée depuis 2017 », résume le Citepa.

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« On est dans les clous de nos objectifs », s’est empressé de se féliciter ce jeudi l’entourage du ministre de la Transition écologique Christophe Béchu. Mais celui-ci concède qu’en France « l’absorption du carbone était un peu moins importante que prévu » l’année dernière.

En effet, en retranchant des émissions globales françaises la quantité de CO2, qui est absorbée naturellement par les forêts et les sols (qualifiés de puits de carbone), « le budget carbone 2019-2023 n’est pas respecté », avertit le Citepa. De sorte qu’au total, sur ces cinq années, les émissions nettes de la France atteignent en moyenne 380 Mt « contre un objectif de 379 Mt, soit un dépassement de 1,4 Mt » (0,4%), indique l’organisme.

Un progrès notable sur la décarbonation de l’électricité

« Pour le secteur de l’industrie de l’énergie, le niveau d’émissions atteint en 2023, de 35 Mt CO2, constitue le niveau le plus bas depuis 1990, en baisse de 17,9% par rapport à 2022 », souligne également l’organisme. Une bonne performance qui s’explique par la hausse de la production d’électricité bas-carbone tricolore, ainsi que la poursuite de la baisse de la consommation d’électricité des Français.

Après une année 2022 marquée par un manque de disponibilité de plusieurs centrales nucléaires (une énergie décarbonée), 2023 a ainsi vu les centrales nucléaires françaises reprendre progressivement leur activité. « La production d’électricité nucléaire a connu une forte hausse (+41,5 TWh). La production renouvelable a aussi augmenté (+9 TWh pour l’hydraulique, +12 TWh pour l’éolien, +3 TWh pour le solaire) », chiffre le Citepa.

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Autre facteur expliquant cette tendance baissière : la production d’électricité par les centrales thermiques, très carbonée, a été réduite en 2023 : -14 TWh pour les centrales à gaz, tandis que les centrales à charbon n’ont représenté que 0,8 TWh. Enfin, explique le Citepa, après une année 2022 déjà marquée par un faible niveau de consommation d’électricité (dans un contexte de crise énergétique et d’appels à la sobriété), celle-ci s’est de nouveau réduite en 2023 (-3%).

Les arbres, point noir de cette dernière facture carbone française

La feuille de route climatique de la France, fixée par sa deuxième Stratégie nationale bas carbone (SNBC) 2019-2023, prévoyait d’atteindre entre 40 et 45 Mt de CO2 absorbé par les forêts et le sols à horizon 2030. Mais ce puits de carbone « s’est considérablement réduit » et n’a absorbé qu’ « environ 20 Mt CO2 dans les années récentes, notamment en raison de l’effet couplé de sécheresses à répétition depuis 2015, de maladies affectant le taux de mortalité des arbres, et d’une hausse des récoltes de bois », explique sur le sujet le Citepa.

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Et sur ce front, l’avenir est incertain : selon une étude récente de l’IGN, « la séquestration du carbone en forêt continue de s’éroder » dans la grande majorité des projections d’ici 2050, y compris si le gouvernement parvient à tenir son objectif de planter un milliard d’arbres d’ici 2032.

Une stratégie à revoir sur les forêts ?

« La dégradation du puits de carbone est aussi un choix politique puisque le gouvernement s’entête à vouloir augmenter la récolte de bois alors que tous les signaux sont au rouge », a de son côté réagi auprès de l’AFP Sylvain Angerand de l’association Canopée. « Cette diminution du puits implique un effort encore plus conséquent sur les autres secteurs afin de parvenir à la neutralité carbone », rappelle le Citepa, alors que la 3e version de la SNBC, annoncée comme « imminente » depuis des mois par le gouvernement, se fait toujours attendre.

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Les modes de gestion de la forêt « n’ont pas radicalement changé ces dernières années », rétorque le ministère de l’Agriculture. Le gouvernement cherche à « renouveler les forêts se dépérissant, comme celles d’épicéas et de sapins du grand Est victimes d’attaques parasitaires, et à les remplacer par des arbres plus adaptés au changement climatique », a-t-il indiqué. Et le bois est « un matériel écologique pouvant remplacer le béton ou le plastique et évitant ainsi des émissions ».

L’exécutif s’est, pour sa part, dit conforté dans sa stratégie « d’adapter la forêt au changement climatique et d’accélérer la reforestation et les zones naturelles qui absorbent du carbone ».

Une baisse d’émissions à consolider

Cette baisse des émissions de CO2 françaises en 2023 va-t-elle se consolider ? Pas si sûr selon Anne Bringault, du Réseau Action Climat. D’après elle, ces réductions sont une « bonne nouvelle », mais « en grande partie liée à des facteurs conjoncturels comme la baisse de l’activité économique, les prix élevés de l’énergie ou le redémarrage de réacteurs nucléaires » à l’arrêt en 2022. L’experte appelle donc l’exécutif à s’attaquer notamment aux émissions du secteur des transports.

De son côté, le Citepa constate une « situation inédite où tous les grands secteurs émetteurs participent à une baisse des émissions, dans un contexte particulier (inflation, reprise de production nucléaire…), mais sans crise économique majeure ».

(Avec AFP)

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