La France apporte une aide décisive à l’Ukraine dans ce domaine du nucléaire civile avec un contrat garantissant l’approvisionnement en combustibles de ses centrales

Orano, le groupe français spécialisé dans le cycle du combustible nucléaire, vient de signer avec Energoatom un contrat qui pourrait bien changer la donne énergétique en Europe de l’Est. Objectif : garantir l’alimentation des centrales nucléaires ukrainiennes jusqu’en 2040 grâce à des services d’enrichissement d’uranium fournis depuis la France. Un partenariat qui, derrière son jargon technique, cache des enjeux géopolitiques, industriels et scientifiques d’une rare densité.

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L’accord a été signé en mars 2025 entre Petro Kotin, président par intérim d’Energoatom, et Nicolas Maes, directeur général d’Orano, sous l’œil vigilant de Jarek Niewierowicz, président du conseil de surveillance ukrainien.

À première vue, il s’agit d’un contrat commercial sur une chaîne d’approvisionnement. Mais la lecture attentive révèle bien plus : une stratégie d’émancipation énergétique de l’Ukraine vis-à-vis de certains fournisseurs traditionnels, notamment russes. Et dans ce contexte, le rôle d’Orano devient très politique.

De quoi parle-t-on quand on parle d’« enrichissement » ?

L’uranium naturel contient environ 0,7 % d’uranium-235, isotope fissile utilisé dans les réacteurs. Pour être exploité efficacement, ce taux doit être porté à environ 3 à 5 %. Ce processus s’appelle l’enrichissement.

En pratique, Orano utilise la technologie de centrifugation gazeuse dans son usine Georges Besse 2, située sur le site du Tricastin, dans la Drôme. Un chef-d’œuvre d’ingénierie moléculaire, où l’uranium hexafluorure est envoyé dans une série de centrifugeuses tournant à très grande vitesse pour séparer les isotopes en fonction de leur masse. C’est à la fois un art et une science, reposant sur des procédés physiques d’une finesse impressionnante.

Pourquoi l’Ukraine en a besoin maintenant

L’Ukraine possède un parc nucléaire important avec 15 réacteurs en fonctionnement avant l’invasion russe en 2022. La centrale de Zaporijia, la plus grande d’Europe, est occupée par les forces russes depuis mars 2022 et ne produit plus d’électricité. Les autres centrales incluent Khmelnitski, Rovno et South Ukraine, qui continuent à fonctionner malgré les tensions. L’Ukraine cherche à sécuriser ses approvisionnements, et surtout à se déconnecter des circuits industriels liés à la Russie. Jusqu’à récemment, une bonne partie de l’uranium enrichi provenait de Tvel, une filiale de Rosatom.

Le contrat avec Orano est donc une redirection stratégique, appuyée par une montée en puissance du nucléaire dans le mix énergétique ukrainien. L’objectif : garantir un futur énergétique stable, même en temps de guerre.

Une usine française sur le point de gonfler ses muscles

Orano ne se contente pas d’un simple accord commercial. Pour faire face à la demande croissante, l’entreprise a lancé en 2023 un projet d’extension de 30 % de la capacité de Georges Besse 2. L’usine passera ainsi de 8,5 à 11 millions d’UTS (Unités de Travail de Séparation) d’ici la prochaine décennie.

Petit rappel utile : une UTS représente l’énergie nécessaire pour effectuer la séparation isotopique. Plus ce chiffre est élevé, plus l’usine peut enrichir d’uranium. En clair, Orano muscle son outil industriel et vise une position centrale dans l’approvisionnement mondial.

Et l’Europe dans tout ça ?

Ce partenariat a des retombées qui dépassent les frontières de l’Ukraine. Dans un contexte de tensions internationales et de reconfiguration du marché mondial de l’énergie, l’Union européenne soutient les initiatives qui renforcent l’autonomie énergétique de ses partenaires.

Ce contrat franco-ukrainien s’inscrit dans la stratégie européenne de sécurisation des filières critiques, en particulier celles liées au nucléaire civil. Rappelons que le nucléaire fournit près de 25 % de l’électricité produite dans l’UE, un chiffre qui grimpe à plus de 50 % pour la France.

Derrière les chiffres, des conséquences concrètes

Ce contrat signifie aussi des flux économiques sur plusieurs décennies, des investissements lourds dans l’ingénierie nucléaire, et une montée en compétence des opérateurs des deux côtés.

Il peut aussi servir de modèle pour d’autres pays souhaitant réduire leur dépendance énergétique à des partenaires jugés instables. Et au-delà de l’actualité, il montre comment une technologie complexe comme l’enrichissement peut se retrouver au centre des équilibres géopolitiques du continent.

Source : Orano

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