La France dans le piège du stato-consumérisme. Une analyse de Jérôme Fourquet


Publié le 16 mai 2024




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Dans un long article paru dans Le Figaro, Jérôme Fourquet passe une douche froide à 30 ans de politique économique française. En expliquant les fondements du système qu’il appelle « stato-consumériste », il montre à quel point la France est étouffée par une administration inflationniste que les politiques n’ont ni la force ni l’envie de dégonfler. Contrepoints vous en fait un résumé.

Jérôme Fourquet identifie deux piliers au système stato-consumériste :

  1. L’extension de la dépense et de la sphère publique
  2. Le primat de la consommation, ou comment le keynésianisme tue une économie

 

Dette

D’abord, le sondeur de l’Ifop s’attaque à la dette qui est la pierre angulaire du système. Elle s’élève aujourd’hui à 3100 milliards, soit 110 % du PIB, soit 56 000 euros par habitant. Et c’est sous le mandat du « Mozart de la finance » qu’elle a le plus progressée : + 800 milliards.

En 2023, la charge des intérêts (55,5 milliards d’euros) est presque aussi élevée que le budget de l’Éducation nationale (56,5 milliards), premier budget de l’État ! Dans une ou deux années, elle le dépassera. Et l’État espère sauver la face avec l’assurance-vie pour financer sa dette. Mais cet argent n’est pas investi dans les entreprises françaises et se paye très cher à terme.

 

Déficit commercial

L’autre gros sujet économique est le déficit commercial. Après la période faste des années 1990 – 2000, grâce à la faiblesse du cours du pétrole, à la sous-évaluation de l’euro et à l’essor d’internet, la France a commencé son décrochage à partir de 2006.

En 2022, le solde de la balance commerciale française était dans le rouge critique : -102 milliards d’euros. Pour contrer ce déficit, la France vend ses avoirs à l’étranger et se rapproche dangereusement des « pays détenus », c’est-à-dire que les avoirs nets à l’extérieur seront bientôt négatifs. Selon la Banque de France, 40 % de l’ensemble du capital des entreprises du CAC 40 est détenu par des « non-résidents ». Certains parleront d’attractivité, mais c’est surtout que la France vend ses bijoux de famille.

Ce déficit commercial s’expliquerait par trois facteurs : l’augmentation du prix du pétrole, les importations pour nourrir le système de consommation, et le décrochage industriel (par exemple, le nombre de voitures produites en France a été divisé par trois en 30 ans). Ce décrochage industriel appauvrit le pays. Dans le secteur automobile par exemple, la crise économique et la nécessité de maintenir les marges malgré les hausses d’impôts ont poussé les entreprises à délocaliser pour trouver une main-d’œuvre moins chère. Le résultat a été une aggravation de la crise dans l’Hexagone, et la demande croissante de véhicules bas de gamme. Cette situation a empiré avec l’ouverture à la globalisation et au libre-échange, tout en maintenant le système social qui pèse sur les entreprises françaises.

Pour ne pas être iconoclaste, Jérôme Fourquet ne mesure pas le poids du système social pour l’entrepreneuriat français. On le regrette.

 

Le système consumériste et la grande distribution

Le constat est terrible : le pays ne produit plus, mais il consomme et réglemente. S’installe alors le primat des prix bas pour la consommation la plus massive, et alimente l’importation. En vingt ans, on est passé de la France des usines à la France des entrepôts.

Le système stato-consumériste repose ainsi sur un pilier essentiel : la grande distribution. Ces entreprises géantes (Leclerc 133 000 salariés ; Total 30 000 salariés) au chiffre d’affaires mirobolant (Leclerc 48 milliards en 2019 ; Carrefour 38 milliards) ont complètement remplacé les foires de jadis, et se sont parfaitement implantées sur tout le territoire. Elles nourrissent le cycle stato-consumériste : l’argent public est le principal flux d’argent vers les foyers, il est ensuite dépensé en partie dans les grandes surfaces des périphéries (68 % des Français déclarent y faire leurs courses), puis une partie de leurs dépenses est reversée à l’État par la TVA (37,5 % des recettes).

Et la boucle est bouclée. Mais ce système alimente une structure étatique boulimique, et les produits consommés sont de plus importés.

 

Le mal français : l’inflation bureaucratique

Signalant l’effet dévastateur du « système du chèque et du guichet » qui alimente l’usine étatique et l’assistanat des Français, Jérôme Fourquet montre aussi comment la bureaucratisation tue l’entrepreneuriat français et plus largement tout le système économique du pays. L’inflation législative soutient l’inflation bureaucratique : l’État coûte toujours plus cher et il devient de plus en plus difficile d’investir. Du même coup, l’appareil étatique devient tellement gros qu’il se rend lui-même incapable, le plus terrible exemple étant le désastre des hôpitaux français.

Tout le monde est d’accord sur le constat, depuis 40 ans. Valéry Giscard d’Estaing voulait rejeter la « marée blanche », Chirac, Sarkozy, Hollande entendaient « débureaucratiser » la France. Gabriel Attal aussi. Mais le système est trop inertiel. À tel point que le pouvoir est obligé de prévoir des systèmes spéciaux pour contourner sa propre administration : c’est le cas par exemple du projet France Relance où toutes les modalités administratives sont préremplies pour investir sur des sites industriels…

Jérôme Fourquet fait un rapprochement intéressant avec la politique de Deng Xiaoping. En 1979, pour contourner la lourdeur bureaucratique communiste, le dirigeant chinois avait ouvert des Zones Économiques Spéciales (ZES), avec des avantages administratifs et fiscaux, qui contribuèrent ensuite au miracle économique chinois.

Rien ne semble pouvoir arrêter la dynamique silencieuse de l’effondrement économique, et la France commence à toucher les paliers critiques. Rien, sauf une libéralisation qui se présente de plus en plus comme une évidence.

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