Ce lundi 10 mars, le rapport annuel du SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) a placé la France à la 2e place des ventes d’armes à l’échelle mondiale pour la seconde année consécutive. Une « réussite » qui réjouit le patronat de l’industrie militaire.
Le marché de l’armement est en train de changer. Alors que les volumes des ventes restent pour l’heure similaires aux années précédentes, la guerre en Ukraine pousse à des recompositions majeures : c’est avant tout par la chute des exportations russes que la France parvient à s’imposer – en restant distancée largement par les Etats-Unis. La vague de la remilitarisation qui secoue l’Europe marque ses effets, et les pays du continent membres de l’OTAN ont, de la période 2015-19 à 2020-24, doublé leurs importations militaires.
Alors qu’Ursula von der Leyen a détaillé un plan de financement de 800 milliards d’euros pour la remilitarisation de l’Union Européenne et que l’Allemagne entend investir 900 milliards d’euros dans son armée, la concurrence est rude pour savoir quelles multinationales rafleront les plus gros contrats. Sur cette question centrale, l’Europe des 27 est pour l’heure extrêmement divisée : à l’encontre des intérêts français, certains pays comme l’Allemagne souhaitent en effet prolonger le recours aux importations étatsuniennes, qui ont représenté 62% du réarmement européen au cours des 4 dernières années. À Bruxelles, le ministre français de l’économie Eric Lombard se fait au contraire l’avocat de « l’autonomie stratégique européenne », qui consisterait à forcer les Etats européens à se fournir exclusivement en matériel militaire auprès d’entreprises européennes, une clause grâce à laquelle la France – qui est de loin le premier producteur d’armes du continent – assurerait des profits considérables pour son industrie militaire. Alors que les exports français vers les pays européens ont bondi de 187% entre les périodes 2015-19 et 2020-24, le patronat jubile : Thalès et Dassault, les deux « fleurons » de l’armement français, enregistrent ces dernières semaines leurs meilleures performances à la Bourse de Paris, reversant au passage des dividendes records à leurs actionnaires.
La surenchère militariste attise également les appétits des banques et des consortiums financiers, qui perçoivent tout le potentiel que présentent les mesures telles que la suspension par von der Leyen de la règle des 3% de déficit public dans le domaine militaire. Face aux dépenses records qui s’annoncent, la concurrence est féroce pour savoir qui fera crédit, alors que des discussions sont déjà en cours autour de l’établissement d’une « Banque de l’Otan », un organisme transatlantique fondé sur le modèle de la Banque Européenne à l’Investissement (BEI) mais consacré aux réarmements.
Le passage à la vitesse supérieure du réarmement européen semble donc marquer les jours heureux du complexe militaro-industriel. Déjà, les entreprises comme Thalès – qui produit notamment des missiles et des véhicules blindés – marquent le tournant : 1300 emplois vont être supprimés dans son secteur aérospatial, dans un contexte de profits records, pour se tourner entièrement vers le secteur militaire. D’après le président de l’entreprise, Patrice Caine, cette restructuration s’explique par le fait que le secteur militaire bénéficie d’un « contexte porteur ». Un euphémisme particulièrement répugnant, qui désigne ni plus ni moins que un million de victimes sur le front russo-ukrainien, des dizaines de milliers de morts suite au génocide à Gaza, etc. Un « contexte » qui s’incarne par ailleurs désormais dans la militarisation brutale des économies occidentales, et qui a d’ores et déjà permis à Thalès d’accumuler un carnet de commande record de 51 milliards d’euros.
Alors que les grands industriels, banquiers et spéculateurs engrangent des profits vertigineux grâce au carnage annoncé de millions de travailleurs, les gouvernements et les partis de gauche comme de droite entendent faire payer à ces mêmes travailleurs la facture des armes qui serviront à les massacrer. On a ainsi pu entendre il y a quelques jours Macron affirmer qu’il faudrait que la France s’inspire du « modèle danois », un pays dans lequel l’âge de départ à la retraite a été reculé à 70 ans pour financer la militarisation.
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