La France est-elle vraiment le premier pays européen importateur de gaz russe ?

Jordan Bardella affirme que Paris est le premier importateur en Europe de gaz russe.
La tête de liste RN aux élections européennes fait une confusion avec le GNL russe, qui a remplacé le gaz des pipelines russes.
Mais seulement pour un temps, assure Bercy, selon qui des sanctions sont discutées.

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Élections Européennes 2024

Lors d’un débat organisé le 5 mai en vue des européennes, Jordan Bardella a pointé la responsabilité de la France, à l’heure des sanctions contre la Russie. Face à la tête de liste de la majorité présidentielle, le candidat Rassemblement national (RN) s’est interrogé : « Madame Hayer, quel est le premier pays européen aujourd’hui importateur de gaz russe ? C’est la France d’Emmanuel Macron : balayez devant votre porte ». 

Face à la séquence, certains spécialistes de l’énergie ont rétorqué qu’il s’agissait d’une confusion entre les importations en Europe de gaz et de gaz naturel liquéfié (GNL). Contacté par TF1info, Nicolas Goldberg, associé chez Colombus Consulting, renvoie à des données agrégées par Statista (version payante), montrant bien des importations d’énergies fossiles russes (pétrole, charbon et gaz confondus) plus importantes en Allemagne, en Italie ou en Hongrie. « L’Autriche s’approvisionne fortement en gaz russe, soi-disant en raison d’un contrat long terme. C’est pareil pour la Slovaquie et la Hongrie. »

45% des importations en 2021

Avant tout, il existe des différences entre le gaz et le GNL. Le premier se transporte par gazoduc, sous forme gazeuse. Le second voyage en bateau sous forme liquide, lui donnant une plus grande flexibilité. 

Par ailleurs, il faut noter que si le pétrole fait l’objet d’un embargo dans l’Union européenne (UE), ce n’est quasiment pas le cas du gaz. Mais ce dernier reste plus difficile à acheminer depuis la guerre. « La plupart des gazoducs sont fermés. Il reste peut-être celui qui passe par l’Ukraine et qui arrive en Europe de l’Est, mais c’est à la marge », nous confie une source dans l’industrie. 

Au gré des sanctions visant les énergies russes depuis 2022, l’UE a donc réduit sa dépendance au gaz russe et diversifié le profil de ses fournisseurs. Selon la Commission européenne, le continent a importé 15% de gaz russe (gaz naturel et GNL confondus) en 2023, contre 45% au cours de l’année 2021, avant l’invasion russe. Sur ces 15%, seulement 8% du gaz provenait des gazoducs de Russie. Parmi les principaux fournisseurs, on retrouve la Norvège (plus de 30% des importations) et les États-Unis (19%). 

Pour le gaz par gazoduc et le GNL combinés, la Russie représentait en 2023 moins de 15% du total des importations de gaz de l’UE. – Commission européenne

Un bémol toutefois. Selon des chiffres que nous nous sommes procurées, la part globale de gaz russe dans nos importations est remontée à 19% les trois premiers mois de 2024. Et la France a fait le pari, pour l’heure, de miser sur le GNL. Toujours selon nos informations, la part française des importations européennes de GNL russe a dépassé les 10% au mois de janvier, devant la Belgique et l’Espagne. Sa proportion a ensuite diminué en février et en mars, où la Belgique est passée première importatrice de GNL de l’UE. Des informations qui vont dans le sens de l’analyse du Center for Research on Energy and Clean Air (CREA), un organisme de recherche, dans Politico. Selon ces données, Paris a ainsi versé à la Russie plus de 600 millions d’euros pour acheter son GNL de janvier et avril 2024. 

Du GNL arrivé en France, envoyé ailleurs

Cela ne veut pas dire que l’ensemble du GNL russe débarqué dans les ports français est consommé en France, souligne toutefois Nicolas Goldberg. « Si la France importe ‘beaucoup’ de GNL Russe, c’est surtout parce que nous sommes devenus un hub gazier pour le reste de l’Europe vu les capacités de nos terminaux et notre connexion avec le reste du continent. Mais finalement, le GNL ne pèse que peu dans les exports russes. » Interrogé par TF1info, Bercy indique qu’« avec 5 terminaux, la France représente 22 % des importations européennes, avec un haut niveau de transit vers ses voisins européens » et que « 112 TWh de gaz ont été transportés vers les pays adjacents, majoritairement vers l’Italie via la Suisse, la Belgique et l’Allemagne ». 

Par ailleurs, la hausse des importations de GNL russe pourrait être de courte durée : Bruxelles songe désormais à inclure le gaz, toute forme confondue, dans la liste des sanctions infligées à Moscou. Le 8 mai dernier, une proposition de la Commission européenne visant pour la première fois le GNL a été débattue lors d’une réunion des ambassadeurs des États membres. Le ministère de l’Économie rappelle par ailleurs son « ambition de sortir, en lien avec ses partenaires européens, de la dépendance au GNL russe ».

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Pour cela, il faudra attendre la fin des contrats passés par Total Énergies avec les Russes, dont certains d’une durée de 25 ans. À cette heure, le groupe français détient toujours une participation dans la plus grosse usine de production de gaz de Russie, Yamal LNG. Il compte cependant utiliser la force majeure pour se retirer du mégaprojet Arctic LNG 2, visé par des sanctions américaines. 

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Caroline QUEVRAIN


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