La France mobilise financements publics et privés pour renforcer son industrie de défense

Face aux enjeux géopolitiques, le gouvernement mise sur un effort collectif pour soutenir un secteur jugé essentiel à la souveraineté nationale.

Une réunion stratégique s’est tenue jeudi à Bercy, rassemblant investisseurs, entreprises et représentants gouvernementaux autour d’un objectif commun : renforcer le financement de l’industrie de défense française. Dans un contexte international marqué par des tensions croissantes, le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a insisté sur l’importance de cet effort, qualifiant le financement de « nerf de la paix ».

Un nouveau fonds, géré par Bpifrance, sera ouvert aux particuliers avec un objectif de collecte de 450 millions d’euros. Les citoyens pourront y participer à partir de 500 euros, une initiative visant à associer l’ensemble de la population à cet élan national. Parallèlement, les investisseurs publics, dont la Caisse des dépôts et Bpifrance, injecteront 1,7 milliard d’euros pour consolider les fonds propres des entreprises du secteur. Avec les contributions attendues des acteurs privés, le montant total pourrait atteindre 5 milliards d’euros, une somme proche des besoins estimés.

Le secteur de la défense en France repose sur neuf grands groupes, tels que Dassault Aviation, Thales ou Airbus, ainsi que sur un réseau de 4 500 PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI). Ces dernières, souvent plus fragiles financièrement, nécessitent un soutien accru. Pourtant, le monde de la finance reste parfois réticent, influencé par les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), qui peuvent freiner les investissements dans des secteurs perçus comme « controversés ».

Éric Lombard a vivement critiqué cette perception, soulignant qu’investir dans la défense est un acte responsable. « Il n’y a pas d’armes controversées, il n’y a que des armes interdites et des armes autorisées », a-t-il déclaré, rappelant que ce secteur protège la souveraineté, la démocratie et les libertés. Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a abondé dans ce sens, affirmant que produire des armes autorisées « n’est pas sale ».

Les banques et institutions financières ont également exprimé leur engagement. Nicolas Namias, président du directoire du Groupe BPCE, a reconnu la nécessité d’un soutien stratégique pour accompagner les activités légales. BPCE et BNP Paribas ont annoncé que leurs filiales d’assurances doubleraient leurs investissements dans la défense. Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des dépôts, a assuré que tout ce qui est permis par la loi serait financé.

Delphine d’Amarzit, directrice générale d’Euronext Paris, a proposé d’élargir les critères ESG en y intégrant les dimensions « Énergie, Sécurité et Géostratégie ». Christophe Bavière, co-CEO d’Eurazeo, a salué cette évolution, déplorant que les investissements dans la défense aient longtemps été « traités presque comme de la pornographie », nécessitant d’être dissimulés dans les rapports.

Malgré cet élan, des voix s’élèvent pour exprimer des réserves. Patrick Martin, président du Medef, a souligné les inquiétudes des entreprises quant à la pérennité de cet effort. De son côté, Éric Coquerel, président LFI de la Commission des Finances, a regretté que le discours gouvernemental évoque des « adversaires » comme la Russie ou l’Iran, créant une atmosphère de « guerre froide ». Il a également déploré que les fonds alloués à la défense ne puissent être utilisés pour des objectifs environnementaux ou sociaux.

Enfin, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a rappelé la nécessité d’un effort « mesuré » et « financé », excluant un nouveau « quoi qu’il en coûte ». Cette réunion marque une étape importante dans la mobilisation des ressources pour l’industrie de défense, mais elle soulève également des questions sur les priorités nationales et les arbitrages budgétaires à venir.

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