EXCLUSIF – Il y a cinquante ans, le 19 mai 1974, Valéry Giscard d’Estaing devenait le troisième président de la Ve République. Son épouse Anne-Aymone, qui fut jusqu’en 1981, première dame, a accepté exceptionnellement de confier au Figaro Magazine souvenirs et vérités d’une vie au service de la France.
La parole d’Anne-Aymone Giscard d’Estaing est rare. L’ex-première dame n’aime toujours pas occuper la première place. Et pourtant, ce fut bien la sienne durant sept années. Exposée à une lumière qu’elle ne recherchait pas, Anne-Aymone s’attacha durant toute cette période à incarner le charme et l’élégance française, avec une rare distinction. Dans la lignée d’Yvonne de Gaulle et de Claude Pompidou, elle représenta une certaine idée de la France et de la manière de la servir. Moderne, elle se fit installer un bureau à l’Élysée pour pouvoir travailler et préparer ses déplacements en province à la rencontre des Français. Elle a ouvert la voie à celles qui lui succéderont.
Sa règle de conduite semble avoir été inspirée du célèbre « Never explain, never complain », cher à Élisabeth II. « Elle n’a peur de rien, et c’est une grande force d’âme… », disait de son épouse, en 2015, Valéry Giscard d’Estaing à Frédéric Mitterrand, lors d’une interview télévisée. La vie de celle qui n’aime rien tant que cultiver les roses de sa propriété d’Authon, dans le Loir-et-Cher, n’a pas manqué d’épines, dont les premières l’ont fait saigner au cœur même de son enfance. La disparition de son père, mort en déportation en 1944, victime du typhus, au camp de Melk-Mauthausen, la marquera toute sa vie. Frappée encore dans le grand âge, lorsqu’elle perd en 2018 sa fille Jacinte. « Elle peut affronter les plus grandes épreuves, sans donner un signe de défaillance », écrivait d’elle VGE dans Le Pouvoir et la Vie.
Issue du mariage de François de Brantes et d’Aymone de Faucigny-Lucinge, elle-même descendante du duc de Berry – fils du roi Charles X –, Anne-Aymone Giscard d’Estaing puisera dans ce haut lignage des codes qui lui faciliteront son rôle de représentation. Privilège d’une éducation aristocratique, ne jamais montrer qu’on s’ennuie, alors qu’on bâille au plus profond de soi-même… Une origine sociale que moqueront parfois les adversaires de son mari, qualifiant le couple présidentiel de « hautain et distant »… « Maman est tout le contraire, réagit Louis Giscard d’Estaing, son fils cadet. Elle a toujours été d’une grande simplicité et s’échinait à nous rendre la vie la plus normale possible, une des raisons pour lesquelles nous ne vécûmes jamais à l’Élysée. » Aussi, quand Anne-Aymone Giscard d’Estaing nous reçoit dans son appartement parisien du quartier de Montparnasse, c’est une bouffée de distinction qui emplit l’espace. Cette grâce tranquille et cette gentillesse sincère, qu’elle incarna durant sept ans, se retrouvent presque amplifiées chez cette femme de 91 ans, prévenante, forte et intelligente, sur laquelle le temps ne semble pas avoir de prise. Une femme en qui se finit un monde…
LE FIGARO MAGAZINE. – Ou étiez-vous, madame, le 19 mai 1974, à 20 heures ?
Anne-Aymone GISCARD D’ESTAING. – Chez nous, rue Bénouville, devant la télévision, où j’ai appris, comme tous les Français, l’élection de mon mari à la présidence de la République. Nous avions voté le matin en Auvergne, à la mairie de Chanonat, et nous étions rentrés après le déjeuner à Paris.
Crédit: Lien source
Les commentaires sont fermés.