Dans une réponse audacieuse aux droits de douane considérables imposés par le président américain Donald Trump sur les produits européens, le ministre français de l’Économie et des Finances, Éric Lombard, a proposé une contre-mesure stratégique : le renforcement de la réglementation sur la manière dont les entreprises américaines des Big Tech traitent les données. Cette initiative marque un nouveau tournant dans l’escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et l’Union européenne, la France se positionnant comme un leader dans la contestation de la domination économique américaine à travers le prisme de la politique numérique.
L’imposition récente par Trump de droits de douane sur un large éventail d’importations européennes a provoqué une onde de choc sur les marchés mondiaux. Ces droits de douane, présentés comme une réponse aux déséquilibres commerciaux et aux subventions, ont suscité de vives critiques de la part des dirigeants européens, qui estiment qu’ils violent les normes commerciales internationales et nuisent de manière disproportionnée à leurs économies. La France, qui critique vivement les politiques commerciales unilatérales des États-Unis, a été particulièrement touchée, ses secteurs des produits de luxe et de l’agriculture étant soumis à des droits de douane élevés.
Plutôt que de riposter par des droits de douane à l’emporte-pièce, qui risquent de dégénérer en une guerre commerciale plus large, la ministre Lombard a proposé une approche plus calculée. En ciblant les pratiques en matière de données des géants américains de la technologie tels que Google, Amazon et Meta, la France vise à toucher un point sensible de l’économie américaine tout en affirmant le pouvoir réglementaire de l’Europe.
Le plan de Mme Lombard est axé sur une surveillance plus stricte de la manière dont les entreprises technologiques américaines collectent, stockent et monétisent les données des utilisateurs en Europe. S’exprimant lors d’un récent forum économique à Paris, il a fait valoir que la domination des grandes entreprises technologiques repose largement sur « un accès illimité aux données des citoyens européens, souvent avec une responsabilité minimale ». En imposant des règles plus strictes – qui pourraient inclure de lourdes amendes, la localisation obligatoire des données ou des limites aux transferts transfrontaliers de données – la France pourrait réduire l’influence de ces entreprises tout en générant des revenus pour compenser les pertes liées aux tarifs douaniers.
L’idée s’appuie sur le cadre existant en Europe, notamment le règlement général sur la protection des données (RGPD), qui place déjà la barre très haut en matière de confidentialité des données. Cependant, la proposition de Mme Lombard va plus loin, suggérant des réglementations sectorielles adaptées pour freiner des pratiques telles que la publicité ciblée et les biais algorithmiques, qui sont depuis longtemps des points de discorde.
Les données sont l’élément vital de l’industrie technologique moderne, et les entreprises américaines les ont exploitées pour bâtir des empires de plusieurs milliards de dollars. L’Europe, qui compte plus de 450 millions de consommateurs, représente un marché énorme pour ces entreprises. En resserrant la vis sur l’utilisation des données, la France pourrait perturber les modèles commerciaux des grandes entreprises technologiques, en imposant des mesures de conformité coûteuses ou en limitant leur capacité à opérer de manière transparente au-delà des frontières.
Cette décision a un poids symbolique. Les États-Unis accusent depuis longtemps l’Europe d’utiliser des réglementations telles que le GDPR pour cibler injustement les entreprises américaines, alors que les dirigeants européens affirment que ces règles visent à protéger les citoyens, et non à faire du protectionnisme. La proposition de Mme Lombard recadre ce débat, en positionnant la réglementation des données comme une réponse directe à l’agression économique – une façon de lutter contre les tarifs douaniers sans utiliser la même arme.
Bien qu’innovante, cette stratégie n’est pas sans risque. Tout d’abord, réglementer les géants américains de la technologie pourrait provoquer une réaction brutale à Washington, où les législateurs des deux bords se sont ralliés à la défense de l’innovation américaine. Le président Trump, connu pour sa rhétorique combative, pourrait augmenter les droits de douane ou prendre des mesures de rétorsion dans d’autres secteurs, ce qui aurait pour effet de tendre davantage les liens transatlantiques.
Deuxièmement, le plan de la France nécessiterait l’adhésion des autres États membres de l’UE, ce qui est loin d’être garanti. Des pays comme l’Irlande et le Luxembourg, qui abritent d’importants centres technologiques et bénéficient d’accords de faible imposition avec des entreprises américaines, pourraient s’opposer à des mesures susceptibles de faire fuir les investissements. Le processus décisionnel complexe de l’UE pourrait également retarder ou diluer toute nouvelle réglementation, ce qui en atténuerait l’impact.
Enfin, il y a la question de l’application de la législation. Les grandes entreprises technologiques se sont révélées habiles à contourner les obstacles réglementaires, en payant souvent des amendes dans le cadre de leurs activités ou en exploitant les lacunes. Pour que la vision de M. Lombard aboutisse, la France et l’UE devraient élaborer des règles rigoureuses et les soutenir par une mise en œuvre agressive, ce qui n’est pas une mince affaire dans un paysage numérique qui évolue rapidement.
La proposition de M. Lombard reflète une tendance croissante : l’utilisation d’outils non traditionnels dans les différends commerciaux. Alors que les tarifs douaniers et les sanctions font la une des journaux, les pays se tournent de plus en plus vers les réglementations, les normes technologiques et même les politiques environnementales pour affirmer leur influence. En ciblant les données, la France exploite une ressource aussi essentielle à l’économie du XXIe siècle que le pétrole l’était au XXe siècle.
Pour l’instant, la proposition de M. Lombard n’est qu’une proposition. Mais il s’agit d’un signal d’intention provocateur, qui pourrait redessiner les contours des relations entre les États-Unis et l’Union européenne. Alors que les deux parties s’activent, le monde entier attend de voir si le pari de la France sera payant ou s’il déclenchera une nouvelle spirale de représailles. Une chose est sûre : dans la bataille entre les tarifs douaniers et la technologie, les données sont devenues une arme puissante, et la France est prête à la manier.
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