C’est une France pleine comme un ballon sur le point d’éclater, de joie, de colère ou en sanglots. Seule certitude du moment, quelque chose va crever dimanche 7 juillet au soir après 20 heures : un abcès, une époque, un système ? Entre surexcitation et dépression, la France retient son souffle en attendant les résultats du second tour des élections législatives convoquées au lendemain du score historique du Rassemblement national (RN) aux européennes du 9 juin. Chacun, à sa manière, a l’impression d’être à la veille d’un tournant historique. Alors que l’extrême droite est en mesure de remporter une majorité − sinon absolue, au moins relative − à l’Assemblée nationale, certains parlent de « mai 1981 à l’envers », d’autres de « contre-mai 1968 ».
Tout un pays se tient au bord du vide, de l’inconnu, comme saisi de vertige. Croisée sur le marché d’Orvault (Loire-Atlantique), Marie-Agnès (qui n’a pas voulu indiquer son nom) se dit « horrifiée » à l’idée que le RN arrive au pouvoir. « La nuit j’y pense. Cela me réveille », dit-elle. A 73 ans, elle regarde France 5 et Arte parce que les autres chaînes « ne vont pas au fond des sujets ». « [Elle] voit dans les reportages à quelle vitesse la parole raciste se libère » et cela aussi « perturbe [s]es nuits », dit-elle. « Cela me dépasse qu’on puisse vouloir s’en prendre à tous les étrangers, Ils vont être maltraités, c’est sûr », s’alarme cette ancienne secrétaire dans un centre médico-social d’un quartier défavorisé de Nantes. « Je ne peux pas comprendre que des gens votent RN en disant “on ne les a pas essayés” et en ayant uniquement regardé TikTok, poursuit cette électrice de gauche. J’ai de la chance de vivre là où les gens n’ont pas majoritairement voté RN. Cela ne me rassure pas pour autant sur ce qui va se passer en France. Parce que nous sommes minoritaires. »
Depuis les élections européennes, un sentiment de peur sédimente lentement en Alain Bouakkaz, 67 ans, kabyle d’origine par son père qui combattit dans la 2e division blindée française du général Leclerc, rencontré à Sancoins (Cher). « Ils vont faire un mal fou à la société, confie-t-il en parlant des futurs élus du RN. Ils vont supprimer toutes les associations qui leur sont hostiles, mettre la main sur les médias, inciter la police à multiplier des contrôles au faciès, placer les magistrats sous séquestre. » Sa crainte la plus directe : « Les atteintes qu’ils ne manqueront de porter aux libertés individuelles. »
« Je suis plus qu’inquiète, je suis traumatisée », lâche Béatrice Moulin-Martin, professeure des écoles retraitée et première adjointe à la mairie de Beaurepaire (Isère), la poitrine serrée, le visage de Simone Veil fièrement imprimé sur son tee-shirt. Elle voudrait « ne pas connaître » ce dimanche 7 juillet : « Ce qui m’inquiète, c’est le climat de suspicion qui s’installe déjà entre les gens. » Elle a deux garçons, deux belles-filles. Trois sont binationaux.
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