Victoire diplomatique pour Rabat : la France a officiellement changé sa position sur le dossier du Sahara occidental au coeur des tensions entre le Maroc et l’Algérie – qui soutient les indépendantistes sahraouis. Dans une lettre adressée au roi Mohamed VI, qui célèbre ce mardi le 25e anniversaire de son accession au trône, Emmanuel Macron affirme que le plan d’autonomie du Maroc pour ce territoire est « la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée ».
Le chef de l’Etat va jusqu’à écrire que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Subtilité du langage diplomatique, il n’utilise pas le terme de « reconnaissance » de la souveraineté marocaine, mais il signifie que Paris s’engage sur cette voie. « Emmanuel Macron est allé loin, dans les mots et aussi dans le timing qui est un geste très fort envers le roi, note Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen. « On sent qu’il est pressé, et sous pression de la droite – notamment Nicolas Sarkozy, Rachida Dati, Edouard Philippe… – sur ce sujet. »
« Désapprobation » d’Alger
La France va loin en effet, plus loin que les Espagnols il y a deux ans, et n’est plus qu’à un pas de la position américaine. Ce tournant diplomatique va sans nul doute compliquer le rapprochement entre la France et l’Algérie en cours depuis deux ans. Les autorités algériennes, qui auraient été prévenues en amont par Paris, ont déjà exprimé leur « désapprobation » dans un communiqué publié il y a quelques jours. Alger prévient qu’il en « tirera toutes les conséquences ». La visite du président algérien à Paris prévue à l’automne semble très compromise.
« Le grand paradoxe, c’est qu’Emmanuel Macron est le premier président à être allé aussi loin pour se rapprocher de l’Algérie également », poursuit Hasni Abidi. « Le président Tebboune et lui, dont aucun n’a connu la guerre, ont montré une volonté inédite de travailler ensemble. Pour rappel, un tiers du gouvernement français s’est rendu à Alger et une commission franco-algérienne d’historiens s’est constituée. La décision française exprime peut-être une déception sur ce rapprochement. »
Le « prisme » marocain
Ce « en même temps » très macroniste pourra-t-il s’appliquer au dossier du Sahara occidental qui empoisonne les relations régionales depuis près de quarante ans ? Dernier territoire d’Afrique à être resté sans statut depuis la décolonisation (par les Espagnols en 1976), le Sahara occidental fait l’objet d’une médiation devant les Nations unies qui piétine depuis des décennies . En 2007, Rabat a présenté dans ce cadre un « plan d’autonomie » auquel la France a immédiatement apporté son soutien en affirmant qu’il s’agissait « d’une base de discussions s érieuse et crédible ». Mais sans aller jusqu’à affirmer qu’il est « la meilleure solution », et a fortiori sans reconnaître la souveraineté marocaine sur le territoire.
Rabat a perdu patience depuis que les Etats-Unis ont franchi le cap en décembre 2020, en reconnaissant la « marocanité » du Sahara en échange d’une normalisation des relations entre le Maroc et Israël . Le roi Mohamed VI déclare en 2022 que « la question du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc regarde le monde ». Faute de geste sur ce dossier, le royaume chérifien rompt le dialogue avec son allié et actionne quelques leviers de pression, par exemple en laissant la voie libre à quelques milliers de migrants clandestins en route vers l’Europe.
Vision économique
Mohamed VI a aussi une vision économique pour le territoire sahraoui : par le biais de son port de Dakhla, il doit fournir un accès à la façade Atlantique des pays du Sahel dans le cadre d’un vaste partenariat – qui s’inscrit en concurrence de l’influence algérienne dans la zone.
Plusieurs pays ont cédé aux exigences du Maroc, dont l’Espagne , traditionnellement proche de l’Algérie, l’Allemagne et les Pays-Bas. Les échanges commerciaux entre Madrid et Alger ne s’en sont jamais remis, même s’ils reprennent légèrement ces derniers mois.
Ce dossier s’est ajouté à d’autres sujets de tension, qui ont mené au grand froid diplomatique entre la France et le Maroc en 2022 et 2023. Pour Rabat, il est inconcevable qu’un partenaire aussi proche que Paris tarde à franchir le cap. La France est, elle, prise dans le piège des tensions algéro-marocaines même si elle s’en défend. Le dégel de la relation franco-marocaine depuis l’automne dernier laissait penser à l’imminence d’un changement de la position française. C’est désormais chose faite.
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