«La France serait le premier pourvoyeur de députés d’extrême droite au Parlement européen», par Théo Verdier – Libération

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En 2024, plus aucune force politique française n’évoque un scénario où la France sortirait de l’UE ou d’un de ses champs d’exercice. Le moment est venu de faire campagne sur le véritable objet de ce scrutin : l’influence des différentes familles politiques au cours du prochain cycle politique européen.

Depuis 2017, les principales forces politiques opposées à la construction européenne ont réorienté leur discours. L’histoire a été racontée dans ses grandes lignes (ici pour la gauche, là pour la droite). Rappelons simplement que La France insoumise a abandonné son scénario du «plan B» où la France quitterait l’Union en cas d’échec dans la renégociation des traités. Et que le Rassemblement national, s’il promet de encore aujourd’hui de lutter pour une «Europe des nations», a abandonné les principaux éléments de radicalité dans son programme européen. Jusqu’à la proposition de renationaliser la Politique agricole commune (PAC), encore présente dans le projet présidentiel du RN en 2017 et dans son programme des européennes de 2019 avant d’être abandonnée.

Reconquête conduit pour sa part une campagne qu’un esprit retors pourrait qualifier de pro-européenne. A condition d’aspirer à une Europe violemment anti-immigration, obsédée par la pratique de l’islam. Une Europe concentrée sur la préservation d’une culture perçue sous le prisme unique de son héritage chrétien et de son patrimoine historique.

Poids politique

In fine, les projets présentés aux Français le 9 juin s’alignent sur un axe allant du fédéralisme porté par les candidats écologistes et PS-Place publique jusqu’au souverainisme raisonné affiché par le Rassemblement national et Reconquête. Au centre, on trouve la majorité présidentielle sur la ligne issue du discours de la Sorbonne. Cas iconoclaste, Les Républicains sont quant à eux coincés entre leur souhait d’afficher une posture d’opposition au bilan de la Commission sortante et leur héritage de la primauté historique du Parti populaire européen (PPE) sur le jeu politique européen.

Sur cette base, le débat hexagonal de la campagne des élections européennes a enfin pu dépasser l’opposition des proeuropéens versus les antieuropéens. Et ce, pour se structurer sur le mode de fonctionnement proportionnel du Parlement européen. La promesse faite aux Français n’est plus de renverser la table. Mais de gagner en poids politique pour peser dans les priorités de la prochaine Commission européenne ainsi que les équilibres du Parlement européen entre 2024 et 2029.

Agenda conservateur

L’extrême droite européenne et ses représentants en France ont pleinement compris l’enjeu. Ses différentes composantes ont vu Ursula von der Leyen, nommée présidente de la Commission européenne en 2019 et issue du centre droit, amenée par la poussée des Verts et des Libéraux à adopter un agenda écologiste ayant conduit à la signature du Pacte vert européen. Les groupes Identités et démocratie (celui du RN) et des Conservateurs et Réformistes Européens (Reconquête) se jettent cette fois-ci dans la bataille avec l’espoir de devenir la troisième force du Parlement européen. Ce qui placerait l’une de ces deux forces, voire les deux, devant Renaissance et modifierait le point d’équilibre de l’assemblée vers la droite.

Une projection qui pose question. Notamment en France où près de la moitié des 81 députés élus en juin pourraient être issus des rangs du RN et de Reconquête. Notre pays serait le premier pourvoyeur de députés d’extrême droite au Parlement européen. Certes, le scénario où ces élus s’engageraient dans une opposition franche à la construction européenne s’est éloigné. On entre en revanche dans un monde où ils défendront pleinement leur agenda conservateur – sur l’immigration, les droits des femmes et des minorités et le ralentissement du Pacte vert – dans les instances européennes. Avec une influence renforcée quant à l’époque où ils étaient des opposants bruyants mais marginaux à la construction européenne.

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