La littérature sud-américaine : du baroque naturel à la reproduction du réel : épisode 1/2 du podcast L’Amérique du Sud et sa littérature espagnole | Radio France
« L’écrivain, un rapport à soi-même, à sa réalité, à sa langue« …Mais vers quel versant se tourner ? En 1963, le poète cubain Severo Sarduy explore la richesse de la littérature sud-américaine et analyse quelques-unes de ses grandes figures. Quelle démarche ont entrepris des écrivains comme Borges, Carpentier, Asturias, Rulfo ou Neruda ? Une approche « vers le monde que nous a ouvert l’Espagne ou bien vers ce monde immédiat que l’Espagne nous apprend à voir sur notre propre terre, celui de notre propre pensée ? Les deux courants partagent nos lettres depuis toujours et jamais l’écart n’a été plus clair qu’aujourd’hui : d’un côté une écriture poétique, savante, tournée vers des univers culturels lointains, ceux d’Europe ou d’Asie, et de l’autre une littérature basée sur la reproduction de la réalité, sur le projet de modifier cette réalité en usant d’un langage direct et contestataire. »
« Un baroque naturel »
Chez certains écrivains sud-américains, il existe « une littérature de l’ornement végétal, fleuri, les fondements de ce qu’on appellera plus tard : le baroque naturel de l’expression américaine« . Dans la nouvelle Le Jardin des sentiers qui bifurquent du célèbre écrivain argentin Jorge Luis Borges : « Le conte laisse très clairement voir le schéma central de toute l’œuvre de Borges : le labyrinthe, le jeu des pensées qui bifurquent et qui convergent. Une structure qui se prête au baroque et qui enveloppe une image du temps, le labyrinthe est le temps, une pluralité de temps brisés et superposés. »
Une autre forme de baroque, plus directe, imprègne la littérature du cubain Alejo Carpentier, auteur du Siècle des Lumières qui vient de paraître en français. Dans ce roman « l’accumulation est celle des objets et des détails, une abondance végétale remplie d’ornementations. Ses personnages sont doubles : d’un côté l’obscurité américaine parfois identifiée à l’enfance, de l’autre côté l’intellect et les idées nouvelles représentées par la Révolution française. »
Une reproduction immédiate du réel
« À tout écrivain sud-américain se pose un problème vital : il voit d’un côté l’indien, le paysan exploité, et de l’autre les grands propriétaires et les trusts« . Une œuvre comme celle de l’écrivain guatémaltèque Miguel Ángel Asturias n’a pas d’autre objet que cette problématique. Dans ses contes du Week-end au Guatemala, il relate la chute du gouvernement d’Árbenz. Alors que chez Asturias les événements et les personnages sont décrits ou satiriquement évoqués, « c’est l’absence de cette espèce de ton épique qui frappe d’abord chez Juan Rulfo, grand conteur mexicain, l’écrivain du silence, du temps figé propre au grand calendrier mexicain. »
De ce glissement vers la reproduction directe, l’exemple le plus frappant est l’évolution du poète chilien Pablo Neruda. Dans son grand poème épique Chant général, il dépeint une Amérique avec ses racines, ses fondations, ses héros, son climat, ses paysages… « Ses poèmes récents marquent toujours plus son engagement politique, tendent davantage à la dénonciation sociale dans un style direct, alittéraire. Si chez Borges l’intellect est dominé par la nostalgie, chez Neruda le réel se transforme continuellement sous l’action de l’imaginaire. »
- Production : Severo Sarduy et Jacqueline Trutat
- Réalisation : Georges Gravier
- Lectures d’extraits : Le Jardin des sentiers qui bifurquent de Jorge Luis Borges, Le Siècle des lumières d’Alejo Carpentier, Week-end au Guatemala de Miguel Ángel Asturias, Macario de Juan Rulfo et Chant général de Pablo Neruda par Françoise Fechter, Jacqueline Morane, Anne Perez, Raymone, Michel Bouquet, Roger Dumas, Raymond Jourdan, Pierre Leproux, Renaud Mary et Michel Vitold
- Domaine étranger – Littérature espagnole de l’Amérique du Sud 1/2 (1ère diffusion : 09/01/1963 France III Nationale)
- Edition web : Amélie Potier, Documentation de Radio France
- Archive Ina-Radio France
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