Après deux ans de transition, le Gabon s’apprête à tourner la page des Bongo et à replonger dans l’arène électorale. Le 12 avril 2025, les Gabonais choisiront leur président, une échéance fixée par le chef d’État par intérim, le général Brice Oligui Nguema. Porté par une popularité encore solide, l’homme fort du putsch d’août 2023 a finalement levé le suspense : il sera candidat.
Face à lui, l’opposition peine à s’organiser et les anciens barons du régime déchu restent en retrait. Qui osera défier celui qui tient les rênes du pays depuis la chute d’Ali Bongo ? Les prétendants ont jusqu’au 8 mars pour se manifester.
« J’ai entendu vos appels. » D’une voix assurée, le général Brice Oligui Nguema a fait monter la ferveur populaire. Samedi 1er mars, le stade d’Angondjé, rempli à plus d’un tiers de ses 40 000 places, a explosé de joie à l’annonce implicite de sa candidature. Officiellement, le chef de la transition se « met à disposition », mais personne n’est dupe : il est en route pour la présidentielle du 12 avril. Son entrée en lice a été confirmée ce lundi 3 mars, jour de son 50e anniversaire.
Dans les rues de Libreville, l’issue semblait déjà scellée avant même cette déclaration. Sur la promenade du bord de mer, les discussions allaient bon train : « Qui osera défier Oligui Nguema ? » s’interrogeaient les Gabonais. Pour beaucoup, il ne faisait aucun doute que l’homme fort du régime allait se présenter… et s’imposer.
De général putschiste à président démocrate ?
Face à une opposition en ordre dispersé, le général Oligui Nguema apparaît, pour beaucoup, comme l’unique issue du scrutin. Depuis l’ouverture du dépôt des candidatures, jeudi 27 février, aucun adversaire de poids ne s’est encore imposé, tandis que les soutiens au chef de la transition se multiplient à Libreville et en province.
Le parti Réagir, en tournée nationale, mesure l’ampleur de cette adhésion. « L’appel à sa candidature ne vient pas de quelques voix isolées, mais de milliers », souligne Bruno Ondo Mintsa, porte-parole du mouvement. Dans les faits, le terrain semble déjà balisé pour l’homme fort du régime.
Aussi bien du côté des opposants aux Bongo que de celui des anciens camarades du président déchu, les soutiens fusent. Et le concerné peut non seulement compter sur les Gabonais, mais aussi sur ses homologues ; à l’instar du président équato-guinéen Théodoro Obiang Nguema, qui l’a encensé dans un discours prononcé le 22 janvier.
La loi en sa faveur
Le général, vis-à-vis des autres membres du gouvernement de la transition, bénéficie d’une loi en sa faveur. Si la charte de la transition interdisait les présidents de chambre, le Premier ministre et les autres membres du gouvernement à se porter candidats à la prochaine élection présidentielle, la Constitution adoptée fin 2024 et le code électoral adopté début 2025 permettent aux militaires d’être candidats aux prochaines élections – présidentielles, législatives, locales et sénatoriales – à condition d’une « démission ou d’une mise en disponibilité préalable ». En cas de défaite, le général se garde la possibilité de revêtir son treillis et de continuer de servir son pays.
Pour se porter candidat, les volontaires doivent avoir entre 35 et 70 ans, avoir renoncé à toute nationalité autre que gabonaise au moins trois ans avant l’élection, résider au Gabon depuis au moins trois années consécutives avant la présidentielle, parler au moins une langue locale et ne pas être marié à des étrangers. Des critères qui excluent une partie du paysage politique tel que les Gabonais le connaissaient depuis des années.
Seul en lice
Néanmoins, certaines figures de la scène politique s’activent. Alors que Alternance 2023, la coalition contre Ali Bongo aux dernières élections, a pris fin et que tous les cadors qui la représentaient ont repris chacun leur agenda politique, quelques partis semblent déjà faire campagne. Cité plus haut, Réagir, nouvellement dirigé par Michel Ongoundou Loundah, ancien conseiller de Jean Ping, prend le pouls des Gabonais à travers le pays. Des proches du nouveau leader par intérim laissent sous-entendre qu’il pourrait se porter candidat. Mais la voix officielle assure que « rien n’a été décidé ».
Par ailleurs, ex-candidat en 2023 pour le compte de la coalition, Albert Ondo Ossa a déclaré sans équivoque faire son possible pour que l’élection n’ait pas lieu. Celui qui se dit président élu du Gabon depuis le 30 août 2023 estime que « l’élection fixée par le gouvernement n’est ni possible ni techniquement envisageable » puisque le pays a déjà… un président. Alors que ses interventions dans les médias étaient comptées ces derniers temps, l’économiste et son équipe semblent relancer la communication de l’ex-candidat.
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Autrement, le dernier Premier ministre d’Ali Bongo, Alain Claude Bilie By Nze, qui a claqué la porte du Parti démocratique gabonais (PDG, l’ancien parti au pouvoir), se profile comme un candidat potentiel. Actuellement en France, il a déjà rencontré la diaspora du sud-ouest de l’Hexagone et invite à le percevoir comme une « alternative à Oligui ». L’ex-bras droit du président déchu n’a néanmoins rien annoncé.
Enfin, la rumeur courait que le PDG, à la tête de l’État depuis près de 55 ans, ne présenterait personne et apporterait son soutien à un candidat en lice sous une autre étiquette, mais sa nouvelle secrétaire générale, Angélique Ngoma, a finalement annoncé que le parti « donnera le moment venu sa position et son choix de candidat pour l’échéance du 12 avril 2025 ». Reste à savoir si le PDG, longtemps maître du jeu, choisira de jeter un pavé dans la mare ou de naviguer en eaux troubles. Dans le marigot politique gabonais, les crocodiles savent attendre leur heure…
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