La «nation» acadienne

Pour réaliser sa mission de «défendre les intérêts de l’ensemble de la communauté acadienne et francophone du Nouveau-Brunswick», la SANB doit continuellement solliciter des fonds auprès des gouvernements. Au cours des cinq dernières années, l’organisme a recueilli auprès d’eux la somme impressionnante de 8,5 millions $. Cela représente une moyenne de près de 1,7 million $ par an.

La société acadienne n’a jamais été autant soutenue financièrement par les gouvernements et n’a jamais eu autant d’employés et de sous-contractants affectés à sa cause. Pourtant, peu d’Acadiens seraient en mesure de nommer une réalisation tangible accomplie par la SANB au cours des cinq ou dix dernières années. Défendre des intérêts et travailler à créer des legs intergénérationnels sont deux choses différentes.

Seul le temps nous dira si ces millions du fédéral que la SANB reçoit chaque année auront servi à faire avancer et prospérer le peuple acadien. Ce qui est certain, c’est qu’ils auront financé l’emploi et les nombreux déplacements de ses dirigeants, comme en témoignent ses communications, ainsi que le travail de plusieurs sous-contractants et partenaires.

La nouvelle campagne de la SANB liée à l’élection fédérale nous offre un autre exemple de cette vision. Elle présente quatre «priorités claires», chacune rattachée à une enveloppe de financement. Difficile de savoir s’il s’agit de priorités également soutenues par «l’ensemble de la communauté acadienne et francophone du Nouveau-Brunswick», car la SANB n’a de comptes à rendre qu’à elle-même et aux quelques membres actifs qui assistent à ses AGA.

Au cours des 30 dernières années, plusieurs tentatives ont été entreprises visant à faire élire au suffrage universel des représentants légitimement responsables d’agir et de parler au nom du peuple acadien. Sans exception, toutes ces initiatives ont échoué, la SANB préférant ne pas s’aventurer sur ce terrain. La question demeure et n’est toujours pas résolue.

Mais revenons aux quatre priorités politiques fédérales communiquées par la SANB et tentons de les analyser objectivement:

Accroître l’immigration francophone

Une partie importante du financement de la SANB est liée à ce programme d’Immigration Canada. Ce programme a été critiqué dans toutes les régions du pays et ne fait pas non plus l’unanimité en Acadie.

La consultation publique sur l’impact de l’immigration de masse au Nouveau-Brunswick, qu’elle soit anglophone ou francophone, n’a jamais eu lieu. Il n’y a pas eu non plus de discussions sur les accommodements raisonnables, ni sur la compatibilité culturelle de tous ces nouveaux arrivants avec leurs communautés locales et acadiennes.

Promotion du français, par l’application de la Loi sur les langues officielles

Il est faux de prétendre que faire adopter par le fédéral de nouveaux règlements pour accroître l’offre des services publics en français partout au pays servira aux intérêts de notre région. Le vrai combat pour la langue française se déroule dans les communautés acadiennes, et rien dans cette loi n’oblige les commerces privés à offrir les services en français que les Acadiens souhaitent. Encore une fois, cette «priorité claire» de la SANB semble être liée à un programme de financement fédéral que l’organisme sollicite.

Rayonnement de l’Acadie, en protégeant le financement de Radio-Canada en Acadie et en garantissant la diffusion nationale du spectacle du 15 août

Le dernier spectacle du 15 août diffusé depuis la Nouvelle-Écosse était exceptionnel. La qualité de d’autres qui l’ont précédé était de bien moins bon goût. Une fois de plus, la question se pose: la diffusion nationale de ce spectacle est-il réellement un enjeu électoral prioritaire pour l’Acadie du Nouveau-Brunswick? Enfin,

Reconnaissance de l’Acadie comme une «nation à part entière, avec un rôle à jouer dans la diplomatie canadienne, tant à l’échelle nationale qu’internationale»

Comme on le dirait en Acadie: paquetons nos valises!

La SANB a cette malheureuse habitude d’utiliser de façon interchangeable des termes ayant des significations très différentes. «L’ensemble de la communauté acadienne et francophone du Nouveau-Brunswick» pour transmettre l’impression que la SANB agit au nom de tous les Acadiens de la province, alors qu’elle n’est imputable qu’aux membres de son organisme.

Elle semble également confondre la notion de peuple acadien avec « nation » acadienne. La reconnaissance du peuple acadien remonte à la période de l’ancienne Acadie, alors qu’une nation acadienne impliquerait, comme au Québec, un rôle de gouvernance lié à un territoire, à des responsabilités et à des crédits budgétaires spécifiques.

Avant de faire ses valises pour se lancer en mission diplomatique internationale, la SANB devrait faire ses devoirs pour comprendre ce que le reste du monde entend par le concept de nation. Ensuite, accepter que cette aspiration s’inscrit, encore de nos jours et malgré ses réticences, dans une démarche de continuité historique pour le peuple acadien.

Gouverner une nation implique du sérieux. Faire semblant ne l’exige pas.

Daniel LeBlanc
Directeur général
Nation Prospère Acadie

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