«La nomination de Dominique Voynet, un mauvais signal pour l’avenir de l’énergie nucléaire en France»
FIGAROVOX/TRIBUNE – L’ancienne ministre de l’Environnement, qui assume son hostilité à l’atome, a été nommée ce 19 mars au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire. Pour le professeur de géopolitique de l’énergie Samuel Furfari, cette décision menace les intérêts stratégiques de la France.
Samuel Furfari est professeur de géopolitique de l’énergie à l’Université Libre de Bruxelles et ancien fonctionnaire européen.
La nomination de Dominique Voynet au sein du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) soulève des interrogations tant sur le plan de la cohérence politique que sur celui de la crédibilité de l’engagement de la France en faveur de l’énergie nucléaire. Le HCTISN est une autorité chargée de garantir la transparence et l’information du public sur les questions liées à la sécurité nucléaire. Il joue un rôle dans la surveillance des installations, la gestion des risques et la communication avec les citoyens. En théorie, cette institution devrait constituer un pilier pour renforcer la confiance du public dans cette énergie. Mais de toute évidence, cet objectif n’est pas atteint. Dans le contexte actuel de lutte contre la prolifération d’agences ou d’organismes étatiques, l’utilité du HCTISN devrait être réévaluée.
Cette décision intervient alors que, la semaine dernière, lors du quatrième Conseil de politique nucléaire, Emmanuel Macron a confirmé la construction de six réacteurs EPR2, marquant ainsi son retour affirmé à l’énergie nucléaire. Dans ce contexte, il est difficile de justifier la nomination d’une personnalité historiquement opposée au nucléaire à un poste de gouvernance de cette technologie. D’autant plus que si l’on entend dire que c’est la présidente de l’Assemblée qui l’a proposée, on passe sous silence le fait que c’est le ministre auprès du ministre de l’Économie, chargé de l’Énergie, qui a arrêté la décision. Il s’agit donc bien d’une décision du gouvernement français.
Le choix de Dominique Voynet, cofondatrice du Parti écologiste en 1984 et figure emblématique de l’opposition au nucléaire, apparaît manifestement incompatible avec l’objectif de promouvoir cette filière énergétique. Ancienne ministre de l’Environnement sous le gouvernement Jospin, comme je l’ai déjà écrit dans les colonnes du Figaro Magazine du 28 janvier dernier, elle a joué un rôle déterminant dans la décision de perforer la cuve du réacteur Superphenix, un acte de sabotage hautement symbolique qui a marqué l’abandon de la technologie des surgénérateurs. À cette époque, la France dominait largement ce domaine technologique, désormais maîtrisé par la Chine et la Russie.
Si la France a déjà perdu plusieurs marchés nucléaires dans d’autres États européens, c’est parce que l’image qu’elle donne à l’extérieur est très ambiguë. Rappelons qu’Emmanuel Macron et Édouard Philippe ont fermé la centrale nucléaire de Fessenheim, qui était en parfait état
Samuel Furfari
Dans une vidéo, Dominique Voynet se vante d’avoir menti à Lionel Jospin le 25 novembre 2000, lors d’une réunion du Conseil des ministres de l’Environnement. Elle y déclare avec sourire : «Je suis rentrée à Paris très contente que le nucléaire ne [puisse] pas faire partie des technologies retenues au titre des mécanismes du développement propre». Elle évoquait alors les négociations (auxquelles j’avais pris part) dans le cadre des mécanismes de développement propre prévus par le protocole de Kyoto. Cette nomination envoie un signal contradictoire à une époque où la France dit s’engager dans un programme de construction de nouveaux réacteurs EPR2. Pour relancer l’industrie nucléaire française, il faut accompagner ce processus d’un soutien politique ferme et cohérent, et non de nominations qui risquent de semer le doute et la division. Si la France a déjà perdu plusieurs marchés nucléaires dans d’autres États membres, c’est parce que l’image qu’elle donne à l’extérieur est très ambiguë. Rappelons qu’Emmanuel Macron et Édouard Philippe ont fermé la centrale nucléaire de Fessenheim, qui était en parfait état de fonctionnement.
Ensuite, cette nomination ignore les enjeux géopolitiques actuels. La course mondiale à l’énergie nucléaire civile a débuté sans l’UE : la Chine, la Russie, les États-Unis, la Corée du Sud et même le Canada investissent massivement dans cette technologie d’avenir. La France, autrefois chef de file, a pris du retard en raison du contrôle des écologistes sur l’opinion publique et donc aussi sur les politiques. Pour être crédible, on ne devrait pas nommer des personnalités clairement antinucléaires. Nos concurrents se feront un malin plaisir de rappeler cette nomination aux potentiels acheteurs lors des négociations confidentielles des marchés.
Les « écolos de tous les partis » continuent d’exercer une influence disproportionnée par rapport à leur poids électoral sur la politique énergétique européenne
Samuel Furfari
Enfin, cette décision s’inscrit dans une tendance européenne inquiétante. À la Commission européenne, la présidente Ursula von der Leyen a nommé des figures ouvertement antinucléaires à des postes clés. Le Danois Dan Jorgensen, un opposant déclaré au nucléaire, a été placé à la tête de la politique énergétique européenne. Teresa Ribera, la ministre espagnole connue pour ses positions antinucléaires, a été chargée, en tant que vice-présidente de la Commission, de diriger la politique de transition énergétique. Le Belge Philippe Lamberts, qui a été pendant 15 ans l’un des plus fervents opposants au nucléaire au Parlement européen, a été nommé conseiller de von der Leyen. Ces nominations montrent que les «écolos de tous les partis» continuent d’exercer une influence disproportionnée par rapport à leur poids électoral sur la politique énergétique européenne. Ces choix interrogent sur la volonté réelle du gouvernement français et de la Commission de soutenir pleinement l’énergie nucléaire. Si nous voulons réussir notre sécurité d’approvisionnement énergétique, nous avons besoin de nominations qui reflètent une vision claire et résolue en faveur du nucléaire.
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La nomination de Dominique Voynet est un mauvais signal pour l’avenir de l’énergie nucléaire en France et, par conséquent, dans l’UE. Elle témoigne d’une forme de schizophrénie politique qui ne peut que nuire à nos ambitions dans ce domaine crucial. Si nous voulons tenter de rentrer dans la course de la géopolitique de l’énergie nucléaire civile, il est temps de mettre fin à la confusion, voire de cesser de nous y opposer. Dominique Voynet est médecin anesthésiste spécialisée en réanimation. Le nucléaire dans l’UE a besoin d’être réanimé en profondeur et rapidement.
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